Rachat de La Poste Mobile : Divergences Entre SFR et La Poste

C’est un coup de théâtre dans le monde des télécoms français. Le rachat tant attendu de l’opérateur virtuel La Poste Mobile par Bouygues Telecom pour 950 millions d’euros, annoncé en février dernier, se heurte à des « divergences » entre les deux actionnaires actuels de La Poste Mobile : La Poste (51%) et SFR (49%). Cette situation pourrait bien retarder le calendrier initial qui prévoyait une finalisation de l’opération d’ici fin 2024, le temps d’obtenir le feu vert de l’Autorité de la concurrence.

La Poste et SFR ne s’entendent plus sur les modalités du rachat

Dans un communiqué laconique publié ce 29 mai, Bouygues Telecom révèle avoir été informé par SFR et La Poste de « divergences qui les opposent s’agissant des modalités de réalisation de l’opération ». Face à ce différend, La Poste a dû actionner les mécanismes de résolution prévus dans les accords entre les deux partenaires. Mais ces éléments « pourraient avoir un impact sur le calendrier de réalisation de l’opération » prévient prudemment l’opérateur.

Pour rappel, La Poste Mobile compte 2,3 millions de clients qui utilisent actuellement le réseau de SFR. Avec ce rachat, ils devraient à terme migrer sur le réseau de Bouygues Telecom. Mais les détails précis de cette bascule et les compensations financières font visiblement l’objet d’un bras de fer en coulisses entre La Poste et SFR. Un nouvel épisode dans la consolidation mouvementée du marché français des MVNO.

L’Autorité de la concurrence attend des garanties

Au-delà des dissensions entre vendeurs, l’opération doit aussi passer sous les fourches caudines de l’Autorité de la concurrence. Le gendarme des concentrations avait déjà épinglé en 2014 les risques d’un rachat de Virgin Mobile par Numericable-SFR pour la concurrence sur le marché des MVNO.

Cette fois-ci, l’Autorité sera sans doute attentive aux engagements de Bouygues Telecom en termes d’autonomie et de pérennité de l’offre de La Poste Mobile après la fusion. Elle vérifiera aussi l’impact sur les tarifs et la qualité de service pour les consommateurs. Des garanties d’ouverture du réseau à d’autres MVNO pourraient aussi être demandées pour préserver la dynamique concurrentielle.

La Poste Mobile, un pionnier fragilisé des MVNO

Lancé en 2011, La Poste Mobile a été l’un des premiers grands MVNO en France, surfant sur la notoriété du groupe La Poste. Mais après des débuts prometteurs, sa trajectoire a été plus difficile ces dernières années, avec une érosion progressive de sa base clients et des résultats financiers dans le rouge. D’où la volonté de La Poste de céder sa participation.

Bouygues Telecom espère, lui, doper sa croissance sur le marché des MVNO qui reste dynamique avec plus de 10% de parts de marché. « L’acquisition de La Poste Mobile permettrait à l’opérateur de devenir co-leader en nombre de clients sur le segment de marché des opérateurs mobiles virtuels (environ 10% de part de marché) », soulignait-il en février. Mais encore faut-il que le mariage se déroule sans accroc.

Un marché des télécoms en pleine recomposition

Plus largement, cette opération s’inscrit dans un contexte de consolidation du secteur français des télécoms, après des années de guerre des prix et d’érosion des marges. Les opérateurs cherchent la taille critique et les synergies, quitte à se restructurer en profondeur.

Début 2024, Orange avait ainsi fusionné ses activités fixes et mobiles au sein d’une nouvelle entité, tandis que SFR avait réorganisé ses offres autour de sa marque phare. Free, de son côté, a réaffirmé ses ambitions sur le marché professionnel avec le rachat de Jaguar Network et Telwan. Quant à Bouygues Telecom, outre le dossier La Poste Mobile, il convoite les activités télécoms de la SNCF.

Dans ce grand jeu de mécano qui ne fait que commencer, les MVNO apparaissent à la fois comme des proies et des atouts stratégiques. D’où une forte intensité concurrentielle et capitalistique autour de ces acteurs, avec à la clé des discussions tendues comme celles entre La Poste et SFR. En attendant l’épilogue de ce feuilleton, une chose est sûre : la carte des télécoms français n’a pas fini d’être rebattue.

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