Vous souvenez-vous de l’époque où le mot « pivot » était sur toutes les lèvres dans la Silicon Valley ? Aujourd’hui, un nouveau terme fait trembler les boards et excite les investisseurs : le refounding. Airtable, Handshake, Opendoor… ces scale-up qui pèsent des milliards annoncent tour à tour qu’elles se « refondent ». Ce n’est pas un simple changement de cap. C’est une renaissance totale, comme si on appuyait sur le bouton reset tout en gardant le meilleur du passé. Mais alors, est-ce le nouveau mantra des startups qui veulent survivre à l’ère de l’IA ?
Dans cet article de plus de 3000 mots, nous allons décortiquer ce phénomène, comprendre pourquoi ces entreprises préfèrent parler de refounding plutôt que de pivot, et surtout vous donner les clés pour savoir si votre propre boîte a besoin d’un grand ménage de printemps… ou d’une véritable refondation.
Refounding ou pivot : quelle est la vraie différence ?
Quand une startup pivote, on imagine souvent un virage à 90° après avoir constaté que le produit initial ne marche pas. Instagram qui abandonne le check-in pour la photo, Slack qui lâche le jeu vidéo… des histoires légendaires.
Le refounding, lui, est plus subtil. Howie Liu, CEO d’Airtable, l’explique parfaitement :
« Ce n’est pas un pivot, parce qu’on n’a pas eu tort sur la direction initiale. On a simplement décidé de traiter l’arrivée massive de l’IA comme un moment de refondation de l’entreprise. »
– Howie Liu, cofondateur et CEO d’Airtable
En clair : on ne jette pas le bébé avec l’eau du bain. On garde la vision, la base clients, la marque… mais on repart avec l’énergie, la vitesse d’exécution et parfois la dureté d’une startup Day 1.
Les trois déclencheurs classiques d’un refounding
Après avoir analysé les annonces récentes, trois grandes raisons reviennent systématiquement :
- Une rupture technologique majeure (l’IA générative en tête de liste)
- Une perte de la culture startup originelle après des années de croissance
- La nécessité de reprendre la main face à une concurrence qui accélère brutalement
Airtable coche la case 1. Handshake coche la case 2 (et assume même un retour forcé au bureau 5 jours sur 5). Opendoor coche les trois en même temps.
Cas d’école n°1 : Airtable, l’IA comme moment fondateur n°2
Juin 2025. Airtable annonce qu’elle ne va pas « juste ajouter de l’IA » à sa plateforme no-code existante. Non. L’entreprise se refonde autour de l’intelligence artificielle comme si c’était le premier jour.
Concrètement ? Toute l’architecture produit est repensée. Les équipes sont restructurées. Les priorités 2026-2028 sont écrites comme si la boîte venait de lever sa Series A. Howie Liu parle même de « stakes aussi élevés que lors de la fondation ».
Et ça marche : les investisseurs adorent le storytelling. Le message est clair : on n’est pas une vieille dame qui ajoute un chatbot, on est une nouvelle espèce de licorne boostée à l’IA.
Cas d’école n°2 : Handshake ramène la culture Day 1… à coups de RTO
Katherine Kelly, CMO de Handshake, est cash : « On veut ramener la culture startup dans une entreprise qui existe déjà. » Traduction ? Finis les horaires à la carte et le remote total. Tout le monde revient au bureau 5 jours sur 7.
Le message envoyé aux équipes est brutal mais cohérent avec le refounding : si on veut bouger aussi vite que quand on était 30, il faut accepter de bosser comme quand on était 30.
Pourquoi « refounding » est plus sexy que « pivot » auprès des investisseurs
Le mot « pivot » sent la panique. Le refounding sent l’opportunité historique.
Quand vous dites « on pivote », le VC entend : « on s’est plantés, on tente autre chose ». Quand vous dites « on se refonde », il entend : « on a une base solide, une vision intacte, et on va saisir le prochain S-curve avant tout le monde ».
Résultat ? Les annonces de refounding sont souvent suivies d’une pluie de capitaux frais ou d’une valorisation qui repart à la hausse. La preuve par l’exemple avec les valorisations post-annonce de ces trois boîtes.
Les 7 signes que votre startup a besoin d’un refounding (et pas juste d’un sprint OKR)
- Vous passez plus de temps en réunions de coordination qu’à builder du produit
- Vos cycles de release sont passés de semaines à trimestres
- Les meilleurs talents partent vers des boîtes plus petites mais plus rapides
- Vous avez plus de VP que d’ingénieurs juniors
- L’IA ou une autre techno vous force à repenser 80 % de votre roadmap
- Vos concurrents sortent des features en semaines pendant que vous êtes encore en discovery
- Quand vous parlez de votre vision 2018, vos nouvelles recrues vous regardent comme si vous parliez d’une autre boîte
Si vous cochez 4 cases ou plus… il est peut-être temps d’envisager la grande remise à zéro.
Comment organiser un refounding sans tout casser
Voici le playbook que semblent suivre les entreprises qui réussissent leur refounding :
- Racontez une histoire de renaissance (pas de défaite)
- Recentrez toute l’entreprise autour d’UNE grande opportunité (l’IA en 2025)
- Réduisez la bureaucratie et les strates hiérarchiques
- Remettez les fondateurs (ou des profils fondateurs) aux commandes produit
- Acceptez des mesures impopulaires si elles servent la vitesse (RTO, gel des embauches hors ingénieurs…)
- Communiquez comme une startup : transparence radicale, all-hands hebdo, memos à la Bezos
Les risques du refounding (parce que oui, il y en a)
Attention : mal exécuté, le refounding peut ressembler à un burn-out collectif organisé.
Les principaux pièges :
- Perdre les talents qui n’adhèrent pas à la nouvelle intensité
- Alienner les clients actuels avec des changements trop radicaux
- Donner l’impression d’un management par à-coups permanents
Et demain ? Le refounding va-t-il devenir la norme ?
Dans un monde où une nouvelle techno peut rendre votre produit obsolète tous les 18 mois, la capacité à se réinventer profondément va devenir un muscle essentiel.
Les startups qui survivront ne seront pas forcément celles qui ont levé le plus, mais celles capables de se refonder plusieurs fois dans leur vie. Un peu comme Netflix qui est passé de la location de DVD au streaming, puis à la production originale, puis à la pub… chaque fois en se comportant comme une nouvelle entreprise.
Le refounding n’est pas une mode passagère. C’est peut-être la nouvelle forme d’agilité dont les entreprises tech ont besoin pour les 20 prochaines années.
Alors, votre startup est-elle prête à renaître de ses cendres ?






