Imaginez-vous monter dans votre SUV électrique, entrer une adresse sur l’écran, et vous laisser conduire jusqu’à destination pendant que vous répondez à vos mails ou regardez une série. Ce qui ressemblait il y a encore deux ans à de la science-fiction devient, chez Rivian, une réalité annoncée pour 2026. Lors de son premier « Autonomy & AI Day » organisé le 11 décembre 2025 à Palo Alto, la marque américaine a dévoilé une feuille de route ultra-feu qui place la conduite autonome au cœur de sa stratégie future. Et le message est clair : Rivian ne veut plus seulement concurrencer Tesla sur le design ou l’autonomie batterie, mais bel et bien sur l’intelligence de ses véhicules.
Un calendrier ambitieux qui fait trembler la concurrence
Le plan dévoilé par RJ Scaringe, PDG et fondateur de Rivian, est structuré en plusieurs étapes précises et datées :
- Début 2026 → « Universal Hands-Free » sur plus de 3,5 millions de miles de routes aux États-Unis et au Canada (autoroutes + routes secondaires bien marquées)
- Mi-2026 → Déploiement de la conduite « yeux fermés » (eyes-off) sur les modèles équipés du nouveau hardware
- Fin 2026 → Lancement du R2 avec lidar + puce custom ACM3 → capabilité « Personal L4 » (conduite sans intervention humaine dans des zones définies)
- À moyen terme → Exploration du marché des robotaxi
Ce timing place Rivian en avance de phase sur la majorité des constructeurs traditionnels et même sur certains pure players comme Lucid ou Fisker. Seul Tesla, avec son très attendu « Robotaxi Day » (reporté plusieurs fois), semble encore pouvoir lui disputer la pole position médiatique.
L’abandon officiel de la philosophie « vision only » de Tesla
Le choix le plus symbolique de Rivian est sans doute l’ajout d’un **lidar** en haut du pare-brise. Pendant que Tesla persiste à défendre coûte que coûte sa stratégie « vision only » (caméras + réseaux de neurones uniquement), Rivian assume une approche multimodale :
« Ajouter le lidar crée la combinaison de détection ultime. Cela nous donne le modèle 3D le plus complet de l’espace dans lequel le véhicule évolue. Notre objectif n’est pas d’atteindre le niveau humain… mais le niveau superhumain. »
– James Philbin, VP Autonomy & AI chez Rivian
Ce positionnement pragmatique séduit de plus en plus d’investisseurs et d’analystes qui estiment que le lidar reste indispensable pour garantir la redondance nécessaire aux niveaux SAE 4 et 5.
Une puce maison 5 nm made in TSMC + Arm
Autre annonce choc : Rivian a présenté son **ACM3** (Autonomy Compute Module 3), un ordinateur de bord conçu en interne capable de traiter **5 milliards de pixels par seconde**. La puce gravée en 5 nm est développée en partenariat avec Arm et fabriquée par TSMC – rien que ça.
À titre de comparaison :
- Tesla HW4 (2023) → environ 3 à 4 milliards de pixels/seconde (estimations)
- Nvidia Drive Orin (utilisé par beaucoup) → 254 TOPS
- Rivian ACM3 → revendique la première place nord-américaine à son lancement fin 2026
Ce niveau de performance permet à Rivian d’entraîner son propre « Large Driving Model » (l’équivalent automobile d’un LLM) en end-to-end, sans les milliers de règles codées à la main qui ralentissent encore de nombreux concurrents.
Le modèle économique de l’autonomie chez Rivian
Contrairement à Tesla qui mise sur l’abonnement FSD (Full Self-Driving), Rivian opte pour un modèle mixte :
- Universal Hands-Free → 2 500 $ en une fois ou 49,99 $/mois
- Fonctionnalités eyes-off et L4 → réservées aux véhicules équipés lidar + ACM3 (donc R2 à partir de fin 2026 et futurs modèles)
- Possibilité d’upgrade hardware ? Pas encore précisé
Ce choix crée une segmentation claire : les premiers R2 livrés mi-2026 seront limités à la conduite mains libres, tandis que les versions « Full Autonomy Ready » arriveront quelques mois plus tard. Stratégie risquée mais cohérente avec la volonté de livrer les 50 000 premiers R2 à temps.
Robotaxi : la bombe lâchée en fin de présentation
Le moment le plus commenté de la journée est sans doute cette phrase de RJ Scaringe :
« Bien que notre priorité reste les véhicules personnels – qui représentent aujourd’hui l’immense majorité des miles parcourus aux États-Unis – cette technologie nous ouvre aussi des opportunités dans le domaine du ride-sharing. »
– RJ Scaringe, CEO Rivian
Autrement dit : Rivian prépare bel et bien une offensive robotaxi. Même si la marque insiste sur le fait que ce n’est pas sa priorité immédiate, l’annonce a suffi à faire bondir l’action de plus de 8 % en after-hours.
Pourquoi cette annonce change tout pour les startups et le marché
Pour les entrepreneurs et investisseurs du secteur tech, plusieurs leçons à retenir :
- Le lidar n’est pas mort : après des années de désamour, les constructeurs premium (Mercedes, Volvo, BMW, et maintenant Rivian) le réintègrent massivement
- Le hardware custom devient incontournable : Apple (M2 Ultra dans les voitures ?), Tesla (Dojo, et maintenant Rivian montrent la voie
- Le marché robotaxi attire toujours plus d’acteurs sérieux : Waymo domine, Cruise tente de se relever, Tesla promet, Zoox avance en silence… et Rivian arrive avec des véhicules déjà vendus par dizaines de milliers
- La monétisation de l’autonomie passera par une combinaison achat unique + abonnement + (bientôt) revenus robotaxi
Quel impact sur la valorisation et les investisseurs ?
À l’heure où nous écrivons ces lignes, Rivian capitalise environ 12 milliards de dollars. Avec une production qui devrait dépasser les 150 000 véhicules en 2026 (R1 + R2) et une option robotaxi crédible à horizon 2028-2030, de nombreux analystes estiment que la valorisation actuelle sous-estime largement le potentiel autonome de la marque.
Certains vont même jusqu’à comparer la situation à celle de Tesla en 2019-2020 : une marque premium électrique qui commence à montrer des résultats concrets sur l’autonomie, juste avant une explosion de la demande pour ses modèles plus abordables.
Conclusion : Rivian passe à l’âge adulte technologique
En l’espace d’une seule présentation, Rivian a réussi à transformer son image : on ne parle plus seulement d’un « beau pickup électrique made in USA », mais d’un acteur technologique de premier plan capable de développer ses propres puces 5 nm, ses modèles d’IA de conduite, et de viser le Graal du robotaxi.
Pour les entrepreneurs, marketeurs et investisseurs qui nous lisent : gardez Rivian dans votre radar. La bataille de la conduite autonome ne se jouera plus seulement entre Tesla et Waymo. Un troisième larron, discret mais terriblement ambitieux, vient de faire son entrée tonitruant.
Et vous, pensez-vous que Rivian peut réellement détrôner Tesla sur l’autonomie ? Ou le lidar et la prudence réglementaire les freineront-ils ? Dites-le-nous en commentaire.
