Scandale de l’UE sur la Surveillance de Masse des Messageries Privées

Imaginez un monde où chacune de vos conversations privées, chaque photo ou vidéo partagée avec vos proches, serait scannée et analysée par une intelligence artificielle à la recherche de contenus suspects. C’est précisément ce que l’Union Européenne envisage de mettre en place, au nom de la lutte contre les abus sexuels sur mineurs en ligne. Mais à quel prix pour nos libertés fondamentales ?

Un projet de loi qui divise profondément les états membres

La proposition législative, portée par la Commission européenne, vise à obliger les messageries comme WhatsApp, Signal ou Telegram à scanner automatiquement les photos et vidéos échangées par leurs utilisateurs, à l’aide d’algorithmes de détection de matériel pédopornographique (CSAM). En cas de contenu suspect, une alerte serait transmise aux autorités. Mais le projet se heurte à une vive opposition au sein même des institutions européennes.

Le Parlement européen, dans sa majorité, s’est prononcé contre ce texte qu’il juge liberticide et inefficace. Des géants tech comme WhatsApp menacent de quitter le marché européen si une telle loi était adoptée. Et même au sein du Conseil, qui réunit les gouvernements des 27, les divisions persistent après plus de deux ans de négociations, empêchant l’ouverture de discussions avec les eurodéputés.

Le chiffrement de bout en bout menacé

Le cœur du problème, c’est que pour scanner les contenus des conversations, il faudrait affaiblir voire supprimer le chiffrement de bout en bout qui protège actuellement la confidentialité des échanges. C’est une ligne rouge pour les défenseurs de la vie privée. Comme l’explique Signal :

Imposer le scan massif des communications privées sape fondamentalement le chiffrement. Point final.

Meredith Whittaker, présidente de Signal

Les détracteurs du texte craignent qu’en imposant une telle surveillance généralisée, on ouvre une boîte de Pandore qui menacerait la confidentialité et les droits fondamentaux des citoyens. Le chiffrement est un rempart essentiel contre les abus de surveillance de la part des États ou d’acteurs malveillants.

Des millions de faux positifs à prévoir

Un autre argument massue contre ce projet, c’est son inefficacité présumée dans la lutte contre la pédocriminalité. Les algorithmes de détection de CSAM, aussi perfectionnés soient-ils, génèreraient un nombre considérable de faux positifs, submergeant les autorités sous des millions d’alertes infondées à traiter. Pendant ce temps, les vrais criminels continueraient d’opérer en passant entre les mailles du filet.

Comme le résume Patrick Breyer, eurodéputé du Parti Pirate farouchement opposé au texte :

Quand comprendront-ils enfin qu’une protection efficace et légale des enfants nécessite une nouvelle approche ?

Patrick Breyer, eurodéputé

Vers une adoption à une courte majorité ?

Malgré ces vives critiques, le projet n’est pas enterré pour autant. Les ambassadeurs des 27 se disent « extrêmement proches » d’une majorité qualifiée pour entériner leur position de négociation. Il suffirait qu’un seul pays change d’avis. Les discussions vont donc se poursuivre sous présidence hongroise à partir de juillet, avec une pression continue de la Commission pour faire adopter ce texte controversé.

La bataille n’est donc pas terminée pour les défenseurs de la vie privée et du chiffrement. Comme le souligne Andy Yen, fondateur de Proton :

Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers. Les propositions anti-chiffrement ont déjà été battues par le passé pour mieux resurgir sous de nouveaux atours. Il est vital que les défenseurs de la vie privée restent vigilants.

Andy Yen, fondateur de Proton

Une chose est sûre : le débat sur la conciliation entre sécurité et respect de la vie privée est loin d’être clos au niveau européen. Et il aura des répercussions majeures sur l’avenir de nos libertés numériques.

En résumé

  • L’UE envisage d’imposer le scan des messages privés pour détecter les contenus pédopornographiques
  • Le projet est vivement critiqué par le Parlement européen, des entreprises tech et des défenseurs des libertés
  • Il menacerait le chiffrement, la confidentialité des échanges et les droits fondamentaux
  • Son efficacité contre les abus est aussi remise en cause, avec un risque de millions de faux positifs
  • Malgré les divisions, le Conseil est proche d’une majorité pour faire avancer le texte
  • Le débat sur l’équilibre sécurité/vie privée est crucial pour l’avenir du numérique en Europe
author avatar
MondeTech.fr

À lire également