Slop : Mot De L’Année 2025 Par Merriam-Webster

Imaginez que vous scrolliez votre feed LinkedIn ou Instagram et que, soudain, vous tombiez sur une vidéo d’un chat qui parle philosophie, une image d’un paysage impossible ou un article de blog qui semble écrit par un enfant de cinq ans. Amusant au début, mais multiplié par des milliers, cela devient étouffant. C’est exactement cette sensation que capture le mot « slop », désigné par Merriam-Webster comme le mot de l’année 2025. Un terme qui résonne particulièrement dans nos écosystèmes de startups, de marketing digital et de technologie.

En choisissant « slop », le célèbre dictionnaire américain met le doigt sur un phénomène qui nous concerne tous : l’explosion de contenus de faible qualité générés par intelligence artificielle. Ce n’est pas seulement une question linguistique, c’est un signal fort sur l’évolution de notre environnement numérique et ses conséquences directes sur le business, la communication et la création de valeur.

Qu’est-ce que le « slop » exactement ?

Merriam-Webster définit le « slop » comme du « contenu numérique de faible qualité produit en grande quantité grâce à l’intelligence artificielle ». Le mot évoque immédiatement quelque chose de visqueux, de répugnant, comme de la boue ou des restes de nourriture pour animaux. C’est précisément cette connotation qui en fait un terme si puissant.

Comme l’explique le dictionnaire, « comme la vase, la boue ou le mucus, slop a ce son humide de quelque chose qu’on n’a pas envie de toucher ». Il s’infiltre partout, colle aux doigts et laisse une impression désagréable. Mais surtout, il porte une tonalité moqueuse plutôt que paniquée face à l’IA – un ton qui reflète bien l’état d’esprit de nombreux professionnels du digital aujourd’hui.

« C’est un mot tellement illustratif. Il fait partie d’une technologie transformative, l’IA, que les gens trouvent à la fois fascinante, agaçante et un peu ridicule. »

– Greg Barlow, président de Merriam-Webster

Cette citation résume parfaitement pourquoi « slop » a conquis les conversations en 2025. Il ne s’agit pas seulement d’un mot technique, mais d’une expression qui cristallise notre rapport ambivalent à l’IA générative.

Pourquoi ce mot a-t-il explosé en 2025 ?

L’année 2025 a marqué un tournant majeur dans l’adoption massive des outils de génération de contenu. Des modèles comme Sora d’OpenAI ou Veo de Google ont démocratisé la création de vidéos, d’images et de textes à une échelle jamais vue. Résultat : le web s’est retrouvé inondé de productions automatisées.

Une étude publiée en mai 2025 estimait que près de 75 % des nouveaux contenus publiés sur le web au cours du mois précédent impliquaient une forme d’IA. Livres auto-édités sur Amazon, podcasts synthétiques, chansons pop générées, publicités télévisées, voire films entiers : tout y passe.

Pour les entrepreneurs et marketeurs, cela représente à la fois une opportunité et une menace. D’un côté, produire du contenu coûte presque rien. De l’autre, la valeur perçue s’effondre quand tout le monde peut inonder le marché avec des productions médiocres.

L’émergence d’une « économie du slop »

Le terme « slop economy » a commencé à circuler pour désigner un modèle économique basé sur la production massive de contenus IA de faible qualité dans le seul but de capter des revenus publicitaires. Des sites entiers sont créés automatiquement, remplis d’articles vides de sens, optimisés juste assez pour ranker sur Google et générer des clics.

Ce phénomène n’est pas nouveau – on se souvient des fermes de contenus des années 2010 – mais l’IA l’a porté à un niveau industriel. Le coût marginal de production approche zéro, rendant la tentation irrésistible pour certains acteurs.

Pour les startups légitimes et les marques sérieuses, cela crée une distorsion de concurrence massive. Comment se démarquer quand l’attention est captée par des torrents de contenus bas de gamme ?

Les conséquences pour le marketing digital

Dans le monde du marketing, le « slop » change profondément les règles du jeu. Les stratégies qui reposaient sur la quantité – publier tous les jours, multiplier les posts, inonder les réseaux – deviennent contre-productives quand tout le monde fait pareil avec des outils automatisés.

Les algorithmes des plateformes commencent à réagir. LinkedIn, YouTube, Google : tous renforcent leurs filtres pour pénaliser les contenus perçus comme de faible valeur. Être authentique, humain et expert devient un avantage compétitif réel.

Pour les professionnels du marketing, cela signifie un retour aux fondamentaux :

  • Créer du contenu à forte valeur ajoutée plutôt que du volume
  • Privilégier la profondeur à la fréquence
  • Miser sur l’expertise et l’expérience personnelle
  • Développer une voix unique et reconnaissable
  • Investir dans la relation plutôt que dans la diffusion massive

Paradoxalement, l’IA peut devenir un allié précieux pour les marketeurs authentiques : elle libère du temps sur les tâches répétitives pour se concentrer sur la stratégie et la créativité humaine.

Le slop dans d’autres domaines professionnels

Le phénomène ne se limite pas au contenu média traditionnel. Le « slop » s’infiltre dans des secteurs inattendus :

  • Les rapports de cybersécurité remplis de jargon générique
  • Les mémoires juridiques rédigés automatiquement
  • Les dissertations universitaires produites en quelques clics
  • Les descriptions de produits e-commerce vides de sens
  • Les commentaires et avis falsifiés sur les plateformes

Dans chaque cas, la promesse d’efficacité se transforme en perte de crédibilité. Les professionnels qui misent sur la qualité se distinguent naturellement.

Une polarisation du web ?

Plusieurs observateurs s’inquiètent d’une fracture numérique croissante. D’un côté, ceux qui peuvent accéder à des contenus premium, payants, humains et de haute qualité. De l’autre, ceux qui se contentent du « slop » gratuit, souvent pauvre en informations fiables.

Cette polarisation rappelle les débats sur l’accès à l’information de qualité. Dans un monde où l’attention est la ressource la plus précieuse, offrir du contenu véritablement utile devient un positionnement stratégique puissant pour les marques et les créateurs.

Les startups qui comprennent cela ont une opportunité unique : se positionner comme des refuges de qualité dans un océan de médiocrité.

Les autres mots de l’année tech en 2025

Merriam-Webster n’est pas le seul dictionnaire à avoir mis l’accent sur l’IA. Cette année, les mots liés à la technologie ont dominé les sélections :

  • Macquarie Dictionary (Australie) a choisi « AI slop »
  • Oxford Dictionary a opté pour « ragebait » (contenus provocateurs conçus pour générer de l’engagement)
  • Collins Dictionary a sélectionné « vibe coding » (programmation intuitive basée sur l’ambiance)

Cette convergence montre à quel point l’IA imprègne notre langage et notre culture. Les mots évoluent pour décrire les nouveaux phénomènes que nous vivons collectivement.

Comment les entrepreneurs peuvent-ils tirer parti de cette tendance ?

Pour les fondateurs de startups et les responsables marketing, le règne du « slop » offre plusieurs pistes stratégiques :

1. Doubler sur l’authenticité
Dans un monde saturé de faux, le vrai devient rare et précieux. Partager des histoires réelles, des échecs, des coulisses renforce la connexion avec l’audience.

2. Créer des communautés fermées
Les espaces payants ou sélectionnés (Slack privés, newsletters premium, cercles membres) permettent d’échapper à la logique du volume pour privilégier la profondeur.

3. Utiliser l’IA comme assistant, pas comme créateur principal
Les meilleurs résultats viennent souvent d’une collaboration homme-machine : l’IA pour les premières versions, l’humain pour la touche finale et l’expertise.

4. Se spécialiser dans la curation
Devenir une source fiable qui filtre le bruit pour ne garder que le signal est une proposition de valeur puissante.

5. Miser sur les formats longs et approfondis
Quand tout le monde publie du court et superficiel, les analyses détaillées, les guides complets et les entretiens longs se démarquent.

Vers un avenir post-slop ?

Le choix de « slop » comme mot de l’année pourrait marquer un point d’inflexion. Comme les précédents mots de l’année reflétaient des tournants culturels (« pandemic » en 2020, « vaccine » en 2021), « slop » pourrait signaler le début d’une prise de conscience collective.

Les plateformes renforcent leurs algorithmes, les utilisateurs deviennent plus exigeants, les marques sérieuses investissent dans la qualité. Peut-être assistons-nous à la fin de l’âge d’or du contenu bas de gamme et au retour d’un web plus humain.

En tant que professionnels du digital, nous avons le choix : contribuer au slop ou construire l’antidote. L’histoire montrera qui aura choisi la bonne voie.

Une chose est sûre : en 2025, dire « slop » c’est déjà prendre position pour un internet plus qualitatif, plus humain et plus durable.

(Article inspiré par l’annonce de Merriam-Webster, publié initialement sur TechCrunch le 15 décembre 2025.)

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