SpaceX À 800 Milliards : La Folie Des Valorisations

Imaginez une entreprise qui, en à peine plus de vingt ans, passe de l’idée folle de rendre l’humanité multiplanétaire à une valorisation de 800 milliards de dollars sans même être cotée en bourse. C’est exactement ce qui se profile pour SpaceX, la société d’Elon Musk, selon des informations du Wall Street Journal publiées le 5 décembre 2025. Un chiffre qui donne le vertige et qui, s’il se confirme, propulserait SpaceX devant OpenAI et ferait d’elle la startup privée la plus chère d’Amérique. Mais au-delà du montant astronomique, cette nouvelle révèle surtout l’état d’euphorie extrême des marchés privés tech en cette fin 2025.

Que s’est-il passé exactement ?

SpaceX serait en discussion avancée pour une vente secondaire d’actions (c’est-à-dire des actions déjà existantes vendues par des employés ou des investisseurs historiques) qui valoriserait l’entreprise à environ 800 milliards de dollars. À titre de comparaison, sa dernière valorisation officielle, datant de fin 2024, tournait autour de 400 milliards. Autrement dit : une multiplication par deux en moins d’un an plus tard.

Pour rappel, une vente secondaire ne lève pas d’argent frais pour l’entreprise elle-même (contrairement à une levée de fonds classique). Elle permet surtout à certains actionnaires – souvent des employés ayant reçu des stock-options – de liquider une partie de leurs parts tout en restant dans une structure privée, donc sans les contraintes réglementaires d’une introduction en bourse.

Pourquoi 800 milliards, c’est complètement dingue (même en 2025)

Pour mettre ce chiffre en perspective :

  • 800 milliards, c’est plus que la capitalisation boursière actuelle de Tesla (en décembre 2025 (environ 750 Md$ selon les dernières cotations).
  • C’est plus que la valeur combinée de Boeing (110 Md$) et Lockheed Martin (140 Md$) réunis.
  • C’est 60 % de plus qu’OpenAI, valorisée récemment à 500 milliards après sa dernière méga-levée.
  • C’est presque le PIB annuel de la Suisse ou des Pays-Bas.

Et pourtant, SpaceX n’est toujours pas rentable au sens classique (les lancements et le développement de Starship coûtent des fortunes), même si Starlink commence à générer des flux de trésorerie très significatifs.

Les deux moteurs fous derrière cette valorisation

Deux activités portent aujourd’hui SpaceX vers ces sommets :

1. La domination absolue des lancements commerciaux
Avec Falcon 9 et Falcon Heavy, SpaceX réalise plus de 60 % des lancements orbitaux mondiaux. En 2025, l’entreprise a déjà effectué plus de 130 lancements réussis rien que sur l’année. Chaque contrat NASA, chaque constellation privée, chaque mission militaire : SpaceX rafle tout ou presque.

2. Starlink, la vache à lait cachée
Le réseau satellite compte désormais plus de 8 millions d’abonnés payants dans le monde (chiffre officiel novembre 2025). À 120 $ par mois en moyenne, cela représente un chiffre d’affaires annuel récurrent dépassant les 11 milliards de dollars – et en croissance explosive dans les zones rurales et les pays émergents.

Les investisseurs ne valorisent plus seulement les fusées : ils valorisent un opérateur télécom mondial qui pourrait un jour concurrencer les plus gros FAI traditionnels.

Le phénomène des « licornes géantes » ou le retour du « private is the new public »

Cette valorisation n’est pas un cas isolé. Le marché privé est en train de vivre une bulle encore plus impressionnante que celle des SPAC de 2021. Quelques exemples récents :

  • OpenAI : 500 milliards (contre 157 milliards début 2025)
  • Anthropic : 350 milliards après un tour mené par Microsoft et Nvidia
  • xAI (l’autre société d’Elon Musk) : déjà à 80 milliards seulement 18 mois après sa création
  • Databricks, CoreWeave, Scale AI… toutes dépassent ou flirtent avec les 50-100 milliards

« On assiste à la création d’un nouveau marché boursier parallèle, mais réservé à une poignée d’investisseurs institutionnels et de fonds souverains. Les règles du jeu ont changé. »

– Analyste chez Coatue Management, décembre 2025

Pourquoi les fondateurs préfèrent rester privés (et pourquoi ça marche)

Rester privé offre trois avantages colossaux en 2025 :

  • Liquidité sans transparence : grâce aux ventes secondaires organisées par Carta, Forge Global ou directement par les banques, les employés et investisseurs peuvent sortir une partie de leurs gains sans que l’entreprise ait à publier ses comptes trimestriels.
  • Moins de pression court-termiste : pas d’appels analysts tous les 90 jours, pas de risque de décote boursière à la moindre déception.
  • Valorisations décorrélées de la réalité économique : les fonds de venture et les fonds souverains se battent pour rentrer dans les « next big things », acceptant des multiples hallucinants.

Résultat : des entreprises peuvent atteindre des tailles de géants du S&P 500 tout en gardant la flexibilité d’une startup.

Les risques d’une bulle des marchés privés

Mais tout n’est pas rose. Plusieurs signaux d’alerte clignotent :

Les valorisations reposent sur des multiples de chiffre d’affaires futurs extrêmement optimistes (SpaceX se négocie à plus de 60x son CA estimé 2026).

La liquidité réelle reste limitée : si plusieurs gros actionnaires veulent sortir en même temps, il n’y aura pas assez d’acheteurs.

En cas de retournement macro-économique (hausse durable des taux, récession), ces valorisations pourraient s’effondrer sans aucun filet de sécurité public.

Enfin, les employés qui ont misé toute leur richesse sur des actions illiquides risquent de se retrouver avec des « millionaire on paper » devenus « middle-class » en quelques mois.

Ce que cela signifie pour vous, entrepreneur ou investisseur tech

Si vous levez des fonds en 2025-2026, sachez que :

  • Les barèmes de valorisation ont explosé dans l’IA, la space tech et les infrastructures numériques.
  • Les investisseurs acceptent des termes très fondateurs-friendly (gouvernance, liquidation preferences light).
  • Mais la concurrence est féroce : seuls les projets perçus comme « inevitables » décrochent ces méga-valorisations.
  • La fenêtre peut se refermer vite : les cycles venture sont de plus en plus courts et violents.

Conclusion : vers un krach ou une nouvelle norme ?

800 milliards pour SpaceX, ce n’est pas seulement une anecdote sur Elon Musk. C’est le symptôme d’un marché tech qui a appris à vivre sans la bourse traditionnelle, où l’argent abondance de capitaux et la peur de rater le prochain « tenbagger » font voler en éclats toutes les métriques historiques.

Tant que Starlink continuera d’ajouter 500 000 abonnés par mois et que Starship réussira ses tests orbitaux, la trajectoire semble intacte. Mais l’histoire nous a appris que les valorisations qui défient la gravité finissent souvent par redescendre – parfois brutalement.

En attendant, une chose est sûre : en 2025, le rêve spatial paie. Et plutôt deux fois qu’une.

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