Les ambitions démesurées de SpaceX pour sa méga-fusée Starship font des vagues dans l’industrie spatiale. La firme d’Elon Musk envisage pas moins de 120 lancements annuels depuis ses installations en Floride, un rythme effréné qui inquiète sérieusement ses concurrents, Blue Origin et United Launch Alliance (ULA) en tête.
Un cadence de lancement inédite
SpaceX compte bien révolutionner l’accès à l’espace avec Starship. Selon les plans dévoilés lors de réunions publiques en mars, l’entreprise vise jusqu’à 44 lancements par an depuis le pad 39A du Kennedy Space Center de la NASA, auxquels s’ajouteraient 76 décollages supplémentaires depuis le complexe de lancement SLC-37, situé à Cape Canaveral, à seulement quelques kilomètres de là. Soit un total vertigineux de 120 lancements en une seule année, dans un périmètre de moins de 10 km sur la côte floridienne.
Si SpaceX vise un nombre comparable sur SLC-37, cela conduirait à près de 100 lancements par an, soit un tous les trois jours environ.
– United Launch Alliance, dans un commentaire public
La cadence envisagée est telle qu’elle soulève de vives inquiétudes chez les autres acteurs du spatiale en Floride. Dans des commentaires soumis fin juin aux régulateurs, Blue Origin et ULA appellent à garantir un impact minimal sur leurs propres opérations. Le premier suggère même de limiter les lancements de Starship à certains créneaux, en donnant la priorité aux autres prestataires en cas de conflit.
Une expansion tous azimuts
Les ambitions de SpaceX ne se limitent pas à la Floride. Starship devrait aussi décoller depuis Starbase, le site de lancement que la firme développe à Boca Chica, au Texas. Là aussi, deux tours de lancement sont prévues pour soutenir un rythme effréné.
Car in fine, Elon Musk voit en Starship la clé pour coloniser Mars et étendre la présence humaine dans le cosmos. À terme, il envisage des lancements quotidiens de sa méga-fusée, chacun envoyant des centaines de tonnes de cargo en orbite terrestre basse ou au-delà. Un objectif qui passe aussi par une montée en puissance des capacités de production, avec l’ambition de sortir un second étage de Starship des usines chaque jour.
Rien qu’un site de lancement Starship est susceptible de perturber les autres opérations dans la zone et de causer des impacts environnementaux significatifs. Ces impacts seront certainement amplifiés en provenant de deux sites aussi proches.
– United Launch Alliance
Environnement, sécurité, équité : les enjeux d’un rythme effréné
Les inquiétudes des concurrents de SpaceX vont au-delà de la seule gêne opérationnelle. Derrière ces commentaires pointent de vrais enjeux quant à l’impact d’un tel rythme de lancements sur l’environnement, la sécurité, et l’équité entre les différents acteurs.
Le Space Force américain et la FAA planchent actuellement sur les études d’impact requises. Celles-ci devront examiner en profondeur les conséquences environnementales des décollages et atterrissages à répétition des mastodontes de SpaceX, entre pollution, nuisances sonores et perturbation des écosystèmes locaux.
Se pose aussi la question de la sécurité et de la gestion du trafic spatial autour des sites, avec des lanceurs propulsant des charges utiles vers des destinations variées, et des boosters revenant se poser près des zones de décollage. Un casse-tête opérationnel qui demandera une coordination sans faille.
Enfin, autoriser une telle cadence à SpaceX pose la question de l’égalité de traitement entre les opérateurs. Blue Origin, qui ambitionne de lancer sa fusée New Glenn depuis un pas de tir voisin, craint de se voir relégué au second plan et pénalisé par l’ultra-domination de son rival. Un risque de distorsion de concurrence qui devra être soigneusement évalué.
Ouvrir la voie à une nouvelle ère spatiale
Si les défis sont nombreux, les promesses portées par Starship le sont tout autant. Avec sa capacité d’emport inégalée et ses coûts réduits, le lanceur super-lourd de SpaceX pourrait bien démocratiser l’accès à l’espace comme jamais auparavant.
- Déploiement accéléré de mégaconstellations comme Starlink
- Mise en orbite de charges utiles extra-lourdes pour la recherche et l’exploration
- Missions habitées vers la Lune, Mars et au-delà
- Vols point-à-point ultrarapides à travers le globe
Autant de perspectives qui dépendront de la capacité de SpaceX à tenir ses folles promesses. Les mois à venir, avec les premiers vols orbitaux très attendus de Starship, seront décisifs pour juger du réalisme de ces projets.
Une chose est sûre : la bataille pour la suprématie spatiale ne fait que commencer. Et elle se jouera autant dans les bureaux des régulateurs que sur les pas de tir de Floride et du Texas. SpaceX est plus que jamais déterminé à prendre une longueur d’avance, quitte à bousculer un écosystème spatial en pleine recomposition.