Tesla Dojo : L’Ascension et la Chute d’un Superordinateur

Imaginez une machine capable de traiter des milliards de données vidéo en un clin d’œil, transformant des voitures en conducteurs autonomes. C’est la promesse qu’Elon Musk a faite avec Dojo, le superordinateur de Tesla conçu pour révolutionner l’intelligence artificielle dans l’automobile. Pourtant, après des années de promesses et d’investissements massifs, ce projet ambitieux a été abandonné au profit d’une nouvelle solution, Cortex. Que s’est-il passé ? Pourquoi Tesla a-t-il pivoté ? Cet article retrace l’ascension fulgurante et la chute inattendue de Dojo, tout en explorant les leçons pour les startups et les entreprises technologiques.

Les Origines de Dojo : Une Vision d’IA Révolutionnaire

En 2019, lors de l’Autonomy Day de Tesla, Elon Musk dévoile pour la première fois Dojo, un superordinateur conçu pour entraîner les réseaux neuronaux de la conduite autonome, ou Full Self-Driving (FSD). L’objectif ? Accélérer le traitement des données massives collectées par les millions de véhicules Tesla équipés de capteurs. À l’époque, Musk promet que toutes les voitures produites sont prêtes pour une autonomie complète, ne nécessitant qu’une mise à jour logicielle. Mais pour y parvenir, il faut une puissance de calcul colossale, capable de gérer des volumes de données vidéo jamais vus.

Dojo se présente comme une réponse à ce défi. Contrairement aux solutions traditionnelles basées sur des GPU Nvidia, Tesla opte pour une approche sur mesure avec ses propres puces, les D1 chips. Ces puces, optimisées pour les réseaux neuronaux, devaient permettre à Tesla de réduire sa dépendance aux fournisseurs externes et d’accélérer le développement de l’IA.

Dojo sera capable de traiter d’énormes quantités de données vidéo et d’exécuter des réseaux neuronaux avec une bande passante ultra-élevée.

– Elon Musk, février 2020

Cette vision audacieuse séduit les investisseurs et les passionnés de technologie. Mais elle soulève aussi des questions : Tesla peut-il vraiment rivaliser avec des géants comme Nvidia dans le domaine des superordinateurs ?

2020-2021 : Les Premiers Pas de Dojo

En 2020, Musk intensifie la communication autour de Dojo, décrivant un superordinateur capable de traiter des quantités « colossales » de données vidéo. Il annonce une première version pour août 2021, promettant une machine « bestiale » qui surpasserait les solutions existantes. Cette période marque aussi le lancement de l’AI Day de Tesla, où l’entreprise dévoile les détails techniques de Dojo, notamment l’utilisation de 3 000 puces D1 pour former un cluster d’IA.

En octobre 2021, Tesla publie un livre blanc technique sur Dojo, détaillant un nouveau format d’arithmétique en virgule flottante pour les réseaux neuronaux. Ce document, bien que complexe, montre l’ambition de Tesla de repousser les limites de l’intelligence artificielle en combinant matériel et logiciel de manière innovante.

Les points clés de cette période incluent :

  • Annonce officielle de Dojo à l’AI Day 2021.
  • Introduction des puces D1, conçues pour optimiser l’entraînement des réseaux neuronaux.
  • Publication d’un livre blanc technique, renforçant la crédibilité du projet.

2022-2023 : Progrès et Défis Techniques

En 2022, Tesla accélère le développement de Dojo. Lors du second AI Day, l’entreprise annonce l’installation du premier cabinet Dojo, capable de supporter une charge de 2,2 mégawatts. Une démonstration impressionne le public : Dojo génère une image de synthèse d’un Cybertruck sur Mars à l’aide d’un modèle de diffusion stable. Tesla fixe alors un objectif ambitieux : un cluster complet, appelé Exapod, opérationnel dès le premier trimestre 2023.

Cependant, des défis émergent. En avril 2023, Musk qualifie Dojo de « pari risqué » mais potentiellement révolutionnaire, capable de réduire les coûts d’entraînement de l’IA d’un ordre de grandeur. Il évoque également la possibilité de commercialiser Dojo comme un service, à l’image d’Amazon Web Services. Malgré ces promesses, des retards se font sentir, et la production de Dojo ne débute qu’en juillet 2023.

Dojo est un pari à long terme, mais un pari qui vaut la peine d’être tenté.

– Elon Musk, avril 2023

En parallèle, Tesla prévoit que ses capacités de calcul atteindront le top 5 mondial d’ici février 2024, avec un objectif de 100 exaflops d’ici octobre 2024. Ces ambitions témoignent de l’ampleur du projet, mais aussi des pressions croissantes pour livrer des résultats concrets.

2024 : L’Essor de Cortex et les Premiers Signes de Doute

En 2024, Tesla intensifie ses efforts pour scaler Dojo, avec un investissement de 500 millions de dollars pour construire un superordinateur à Buffalo. Cependant, Musk admet que cet investissement est modeste comparé aux milliards dépensés pour acquérir du matériel Nvidia. Cette dépendance aux GPU Nvidia devient un point de friction, alors que la demande mondiale pour ces puces explose.

Un scandale éclate en juin 2024, lorsque TechCrunch rapporte que Musk a détourné des milliers de puces Nvidia réservées à Tesla vers ses autres entreprises, X et xAI. Musk justifie ce choix en expliquant que Tesla manquait d’espace pour installer ces puces, en raison des travaux d’extension de la Giga Texas. Cette décision met en lumière les tensions internes et les défis logistiques auxquels Tesla est confronté.

En juillet 2024, Musk annonce que la prochaine génération de l’IA de Tesla nécessitera des ordinateurs d’inférence plus puissants, rendant obsolètes les véhicules actuels. Parallèlement, il dévoile Cortex, un nouveau superordinateur basé à Giga Texas, composé de 100 000 GPU Nvidia H100/H200. Cortex devient le fer de lance de l’entraînement de l’FSD V13, marquant un tournant décisif.

2025 : La Fin de Dojo et l’Avenir avec AI6

Le début de 2025 marque un virage brutal. Lors de l’appel aux résultats du quatrième trimestre 2024, Tesla ne mentionne plus Dojo, mais met en avant Cortex, qui a permis des avancées majeures dans la sécurité et le confort de l’FSD V13. Avec une augmentation de 4,2 fois des données traitées et des entrées vidéo haute résolution, Cortex s’impose comme le nouveau standard.

En juillet 2025, Musk annonce que Dojo 2 sera opérationnel à grande échelle en 2026, mais il évoque déjà une convergence vers l’AI6, une puce polyvalente conçue pour à la fois l’inférence et l’entraînement. Cette convergence rend Dojo redondant. Le 7 août, TechCrunch rapporte que Tesla a dissous l’équipe Dojo, et que son responsable, Peter Bannon, a quitté l’entreprise. Une partie de l’équipe a fondé DensityAI, une startup axée sur les puces d’IA.

Il n’a pas de sens de diviser nos ressources entre deux designs de puces. Tout se concentre désormais sur AI5 et AI6.

– Elon Musk, août 2025

Le 10 août, Musk officialise l’abandon de Dojo sur X, expliquant que l’AI6 représente l’avenir, rendant Dojo 2 obsolète. Cette décision illustre la rapidité avec laquelle les priorités technologiques peuvent évoluer dans un secteur aussi compétitif.

Leçons pour les Startups et les Entreprises Technologiques

L’histoire de Dojo offre des enseignements précieux pour les entrepreneurs et les leaders technologiques. Voici les principaux points à retenir :

  • Prendre des risques calculés : Dojo était un pari ambitieux, mais il a permis à Tesla d’explorer des solutions innovantes, même si elles n’ont pas abouti.
  • Anticiper les évolutions technologiques : La convergence vers l’AI6 montre l’importance de s’adapter rapidement aux nouvelles avancées.
  • Gérer les ressources efficacement : Le détournement des puces Nvidia illustre les défis de la gestion logistique dans les projets d’envergure.
  • Investir dans l’écosystème : La création de DensityAI par d’anciens employés montre comment les talents formés par un projet peuvent générer de nouvelles opportunités.

Pour les startups dans le domaine de l’IA, l’histoire de Dojo souligne l’importance de l’agilité. Les technologies évoluent rapidement, et les entreprises doivent savoir pivoter pour rester compétitives. Comme le montre le passage à Cortex, s’appuyer sur des partenaires établis comme Nvidia peut parfois être plus efficace que de tout développer en interne.

L’Impact de Cortex et l’Avenir de l’IA chez Tesla

Avec Cortex, Tesla a démontré sa capacité à rebondir après l’échec de Dojo. Ce superordinateur, basé à Giga Texas, a permis des avancées significatives dans l’FSD V13, notamment grâce à sa capacité à traiter des volumes massifs de données. En parallèle, l’AI6, développée en partenariat avec Samsung pour 16,5 milliards de dollars, promet de révolutionner à la fois l’inférence dans les véhicules et l’entraînement dans les centres de données.

Pour les entreprises technologiques, le pivot vers Cortex et AI6 illustre une réalité : dans l’IA, la flexibilité et la collaboration sont essentielles. Tesla a su tirer parti de l’expertise de Nvidia et de Samsung pour rester à la pointe, tout en continuant à innover avec des solutions comme Optimus, son robot humanoïde.

Conclusion : Une Nouvelle Ère pour Tesla et l’IA

L’abandon de Dojo marque la fin d’une époque, mais aussi le début d’une nouvelle ère pour Tesla. En se concentrant sur Cortex et AI6, l’entreprise montre sa capacité à s’adapter dans un secteur en constante évolution. Pour les startups et les acteurs du marketing, de la technologie et de l’IA, cette histoire est un rappel : l’innovation nécessite du courage, mais aussi une vision pragmatique pour transformer les échecs en opportunités.

Que pensez-vous de la stratégie de Tesla ? L’abandon de Dojo était-il inévitable ? Partagez vos réflexions dans les commentaires et explorez d’autres articles sur l’IA et les startups sur TechCrunch.

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