Dans un contexte de pression réglementaire croissante aux États-Unis, le géant des réseaux sociaux TikTok opère un virage stratégique majeur. Selon des révélations de Bloomberg, la maison mère ByteDance a décidé de suspendre le déploiement de sa fonctionnalité e-commerce TikTok Shop en Europe, pour concentrer tous ses efforts sur le marché américain. Une décision lourde de conséquences qui illustre les enjeux colossaux auxquels fait face la plateforme.
TikTok Shop : un bilan contrasté en Europe
Lancé initialement au Royaume-Uni dès 2021, TikTok Shop permet aux marques de vendre leurs produits directement depuis l’application, notamment via du live shopping. Si le service cartonne en Asie, avec une présence en Indonésie, Thaïlande et au Vietnam, son bilan est plus mitigé en Occident.
Après des débuts difficiles outre-Manche et un premier test infructueux aux États-Unis en août 2021, TikTok misait sur un déploiement dans cinq pays européens (Espagne, Allemagne, Italie, France, Irlande) ainsi qu’au Brésil et au Mexique dès juillet 2024. Des projets désormais gelés sine die.
La menace d’une interdiction aux États-Unis
Ce revirement s’explique par le contexte délicat de TikTok aux États-Unis. Une loi promulguée en avril dernier donne six mois à ByteDance pour vendre TikTok, sous peine d’interdiction. Malgré une action en justice intentée le mois dernier, l’épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de l’application.
En mettant l’Europe en pause, TikTok souhaite concentrer tous ses efforts pour s’implanter dans l’e-commerce américain. L’enjeu est de taille : devenir incontournable pourrait être un atout dans son bras de fer avec les autorités. D’autant que le marché US représente 170 millions d’utilisateurs mensuels, un réservoir de croissance exceptionnel.
Tous les moyens déployés pour séduire les commerçants américains
Pour atteindre son objectif de multiplier par dix le volume des marchandises vendues aux États-Unis, à 17,5 milliards de dollars dès cette année, TikTok met les bouchées doubles. Les incitations financières aux commerçants pour les attirer sur la plateforme ont récemment été augmentées.
En parallèle, repousser l’arrivée de TikTok Shop en Europe permet aussi d’éviter de nouveaux écueils réglementaires. Le service aurait immanquablement dû passer sous les fourches caudines des autorités européennes, avec de nouvelles procédures à la clé. Un casse-tête dont TikTok se passerait bien actuellement.
ByteDance va-t-il réussir son pari américain ?
En gelant ses ambitions e-commerce européennes, TikTok fait un choix audacieux mais risqué. Si le potentiel du marché américain est indéniable, la plateforme n’a pas droit à l’erreur dans un contexte politique défavorable. Cela implique :
- De convaincre des commerçants encore réticents et leur offrir un service irréprochable
- De s’imposer face à une concurrence déjà bien installée comme Amazon ou Shopify
- De maîtriser les doutes sur la sécurité et la confidentialité des données, le talon d’Achille de TikTok
En se concentrant sur les États-Unis au détriment de l’Europe, TikTok fait un pari stratégique audacieux. Mais l’enjeu en vaut-il la chandelle si cela signifie mettre tous ses œufs dans le même panier ?
-Analyse d’expert du secteur
À l’heure où les géants de la tech américaine comme Meta ou Twitter multiplient les partenariats et initiatives dans l’e-commerce, le réseau social chinois a-t-il les moyens de ses ambitions de l’autre côté de l’Atlantique ? Réponse dans les prochains mois, qui s’annoncent décisifs pour l’avenir de TikTok.
Quelles conséquences pour l’e-commerce européen ?
Si la non-arrivée de TikTok Shop en Europe peut apparaître comme un coup dur pour la dynamique e-commerce du continent, son impact réel est à nuancer. Le live shopping peine encore à s’y imposer durablement. Et d’autres acteurs innovants, comme Shopify qui vient de lancer ses « attrapes » pour créateurs, se positionnent sur ce créneau social-commerce prometteur.
La digitalisation de la vente à distance se fera, avec ou sans TikTok. Il n’empêche, l’Europe passe à côté d’un acteur de poids, capable d’accélérer la mutation des usages et de stimuler la concurrence. Une réalité qui illustre la redistribution des cartes au niveau mondial, entre les blocs américains, européens et asiatiques.
