Trump et Intel : Un Accord pour Contrôler la Fonderie

Et si un simple accord entre un géant de la technologie et le gouvernement américain pouvait redéfinir l’avenir de l’industrie des semi-conducteurs ? En août 2025, l’administration Trump a conclu un partenariat stratégique avec Intel, l’un des piliers historiques de la Silicon Valley. Cet accord, qui octroie au gouvernement américain une participation de 10 % dans l’entreprise, ne se limite pas à un simple investissement financier. Il s’agit d’une manœuvre audacieuse pour garantir que la production de puces reste ancrée sur le sol américain, en particulier via la division foundry d’Intel, qui fabrique des puces pour des clients externes. Mais pourquoi cet accord suscite-t-il autant de débats parmi les investisseurs, les analystes et les acteurs du secteur technologique ? Plongeons dans les détails de cette alliance, ses implications pour l’industrie et ce qu’elle révèle sur la nouvelle ère de la politique industrielle aux États-Unis.

Un Accord Historique pour la Souveraineté Technologique

L’accord entre l’administration Trump et Intel, annoncé le 22 août 2025, marque une intervention gouvernementale sans précédent depuis le sauvetage de l’industrie automobile en 2008. Le gouvernement américain a investi 8,9 milliards de dollars pour acquérir une participation de 10 % dans Intel, via l’achat de 433,3 millions d’actions à un prix de 20,47 $ par action, soit une décote de 17,5 % par rapport au cours de clôture de l’époque. Cet investissement, partiellement financé par des subventions prévues dans le cadre du CHIPS and Science Act de 2022, reflète une volonté claire : renforcer la production domestique de semi-conducteurs, un secteur stratégique pour la sécurité économique et nationale des États-Unis.

Ce partenariat ne se limite pas à une injection de fonds. Il inclut une clause clé : un warrant de cinq ans permettant au gouvernement d’acquérir 5 % supplémentaires d’actions Intel à 20 $ par action si l’entreprise réduit sa participation dans sa division foundry en dessous de 51 %. Cette disposition, comme l’a souligné David Zinsner, directeur financier d’Intel, lors d’une conférence de la Deutsche Bank, vise à empêcher Intel de céder ou de filialiser cette unité stratégique dans un avenir proche.

« Du point de vue du gouvernement, ils ne voulaient pas que nous prenions cette activité et que nous la filialisions ou la vendions à quelqu’un d’autre. »

– David Zinsner, CFO d’Intel

Cette clause illustre l’objectif central de l’administration Trump : maintenir un contrôle national sur la fabrication des puces, à une époque où des géants comme Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) dominent le marché mondial. Mais cette stratégie soulève une question : jusqu’où le gouvernement peut-il intervenir dans les décisions des entreprises privées sans compromettre leur agilité ?

Pourquoi la Fonderie d’Intel est-elle si Cruciale ?

La division foundry d’Intel, qui conçoit et produit des puces pour des clients externes, est au cœur de cet accord. Contrairement à son activité traditionnelle de fabrication de processeurs pour ses propres produits, cette unité vise à concurrencer des leaders comme TSMC ou Samsung. Cependant, elle traverse une période difficile, avec une perte opérationnelle de 3,1 milliards de dollars au deuxième trimestre 2025. Cette situation a alimenté les appels d’analystes et d’investisseurs à filialiser ou vendre cette division, considérée comme un fardeau financier.

Pourtant, l’administration Trump voit dans cette foundry un atout stratégique pour réduire la dépendance des États-Unis vis-à-vis des fabricants étrangers. Les semi-conducteurs sont essentiels à une multitude de secteurs : des smartphones aux systèmes d’intelligence artificielle, en passant par les équipements militaires. En 2025, environ 80 % de la production mondiale de puces avancées est réalisée en Asie, principalement à Taïwan, ce qui expose les États-Unis à des risques géopolitiques, notamment face aux tensions avec la Chine.

L’accord garantit que la foundry reste sous contrôle américain, mais il impose à Intel une contrainte majeure : l’entreprise doit continuer à investir dans une division qui, pour l’instant, pèse sur ses résultats financiers. Cette tension entre stratégie nationale et performance économique soulève des interrogations parmi les actionnaires, qui craignent que cet engagement limite la flexibilité stratégique d’Intel.

Pour mieux comprendre les enjeux, voici les points clés de la situation actuelle de la foundry :

  • Perte opérationnelle significative : 3,1 milliards $ au T2 2025.
  • Retard technologique face à TSMC et Samsung.
  • Difficultés à attirer des clients externes pour les processus de fabrication avancés (18A et 14A).

Une Nouvelle Ère de Politique Industrielle

L’accord avec Intel n’est pas un cas isolé. Il s’inscrit dans une stratégie plus large de l’administration Trump visant à renforcer le contrôle de l’État sur des secteurs stratégiques. Depuis son retour au pouvoir, le président Trump a multiplié les interventions dans l’industrie des semi-conducteurs, notamment en menaçant de retirer des subventions, en imposant des tarifs sur les puces importées et en exigeant des investissements dans des usines américaines. Cet interventionnisme marque une rupture avec la doctrine traditionnelle du laissez-faire économique, suscitant à la fois admiration et inquiétude.

Jacob Feldgoise, analyste au Center for Security and Emerging Technology de l’Université de Georgetown, explique :

« Cet accord s’inscrit dans un objectif plus large de prendre un rôle direct dans les marchés privés pour faire avancer les intérêts économiques et de sécurité nationale des États-Unis, en particulier pour regagner le leadership technologique dans la fabrication de semi-conducteurs. »

– Jacob Feldgoise, analyste

Cette approche n’est pas sans précédent. En 2025, l’administration a également pris une participation dans MP Materials, une entreprise de terres rares, et a négocié des accords avec Nvidia et AMD pour obtenir 15 % des revenus de leurs ventes de puces IA à la Chine. Ces initiatives montrent une volonté de redéfinir les relations entre le gouvernement et le secteur privé, en plaçant la sécurité nationale et la compétitivité technologique au premier plan.

Les Défis d’Intel : Au-delà de l’Investissement

Si l’investissement de 8,9 milliards de dollars offre à Intel une bouffée d’oxygène, il ne résout pas les défis structurels auxquels l’entreprise est confrontée. Intel a perdu du terrain face à des concurrents comme Nvidia et AMD dans le domaine de l’intelligence artificielle et des processeurs pour PC. De plus, sa division foundry souffre de problèmes techniques, notamment des rendements insuffisants sur ses processus de fabrication avancés (18A et 14A), ce qui limite son attractivité pour les clients externes.

Kinngai Chan, analyste chez Summit Insights, souligne l’importance de ces défis :

« Intel doit sécuriser suffisamment de clients pour ses processus 18A et 14A pour rendre sa division foundry viable économiquement. Sans cela, aucun investissement gouvernemental ne changera la donne. »

– Kinngai Chan, analyste chez Summit Insights

Pour surmonter ces obstacles, Intel devra investir massivement en R&D et améliorer ses processus de fabrication. L’entreprise a déjà engagé plus de 100 milliards de dollars dans l’expansion de ses capacités de production aux États-Unis au cours des cinq dernières années, mais elle reste en retard sur TSMC en termes de technologie et d’efficacité.

Les Réactions du Marché et des Actionnaires

L’annonce de l’accord a suscité des réactions mitigées. D’un côté, les actions d’Intel ont grimpé de plus de 6 % le jour de l’annonce, reflétant un certain optimisme quant à l’appui gouvernemental. De l’autre, des analystes comme Andy Li de CreditSights mettent en garde contre les implications en termes de gouvernance :

« D’un côté, une participation gouvernementale peut être vue comme un signal qu’Intel est trop gros pour échouer. De l’autre, les investisseurs s’inquiètent des implications sur la gouvernance et la capacité de l’entreprise à agir dans l’intérêt de ses actionnaires. »

– Andy Li, analyste chez CreditSights

Le fait que le gouvernement n’ait pas de siège au conseil d’administration et soit tenu de voter avec le conseil sur la plupart des décisions (avec des exceptions limitées) rassure partiellement les investisseurs. Cependant, la clause du warrant de 5 % supplémentaires en cas de cession de la foundry est perçue comme une contrainte majeure, limitant la liberté stratégique d’Intel.

Vers une Redéfinition des Relations État-Entreprise

L’accord avec Intel pourrait marquer le début d’une nouvelle ère où le gouvernement américain joue un rôle plus actif dans l’orientation des entreprises technologiques. Cette approche, qualifiée d’industrial policy par les observateurs, contraste avec la tradition de non-intervention qui a longtemps caractérisé l’économie américaine. Elle soulève des questions cruciales pour les entrepreneurs, les startups et les investisseurs dans le secteur technologique :

  • Comment les entreprises technologiques peuvent-elles équilibrer les exigences gouvernementales avec les impératifs de rentabilité ?
  • Quels autres secteurs pourraient être ciblés par cette nouvelle politique industrielle ?
  • Quel impact sur l’innovation et la compétitivité globale des entreprises américaines ?

Pour les lecteurs de TechCrunch, cet accord illustre les tensions croissantes entre les objectifs nationaux et les dynamiques du marché. Les startups et les entreprises technologiques devront naviguer dans un environnement où les priorités géopolitiques influencent de plus en plus les stratégies d’entreprise.

Et Après ? Les Perspectives pour Intel et l’Industrie

Pour Intel, l’avenir repose sur sa capacité à transformer sa division foundry en une entité compétitive. L’investissement gouvernemental, combiné à une injection de 2 milliards de dollars de SoftBank annoncée peu avant, offre une marge de manœuvre financière. Cependant, comme le souligne Ryuta Makino, analyste chez Gabelli Funds, « si les rendements techniques ne s’améliorent pas, les nouveaux clients ne viendront pas, et l’investissement ne résoudra pas les problèmes fondamentaux ».

À plus grande échelle, cet accord pourrait inspirer d’autres interventions similaires dans des secteurs stratégiques comme l’intelligence artificielle, les énergies renouvelables ou la biotechnologie. Pour les entrepreneurs et les investisseurs, cela signifie une vigilance accrue face aux évolutions réglementaires et aux attentes gouvernementales.

En conclusion, l’accord entre l’administration Trump et Intel est bien plus qu’une transaction financière. Il symbolise une volonté de reprendre le contrôle sur des technologies critiques, tout en soulevant des questions sur l’équilibre entre interventionnisme étatique et liberté d’entreprise. Pour les acteurs du marketing, des startups et de la technologie, il s’agit d’un signal clair : l’avenir de l’innovation pourrait être de plus en plus façonné par des considérations géopolitiques. Restez informés avec TechCrunch pour suivre l’évolution de ces dynamiques et leurs impacts sur le monde des affaires.

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