Twitter Contraint Par La Justice De Fournir Ses Données Aux Chercheurs En Démocratie

Dans une décision historique, un tribunal régional de Berlin a ordonné à X, anciennement Twitter, de fournir immédiatement l’accès à ses données à des chercheurs en démocratie de la German Society for Civil Rights (GFF) et de Democracy Reporting International (DRI). Cette décision intervient avant les élections fédérales allemandes prévues pour la fin du mois, et fait suite au refus de X de se conformer à ses obligations légales en matière de transparence.

Une loi européenne pour la transparence des plateformes

En vertu de la loi sur les services numériques (Digital Services Act) de l’Union européenne, les grandes plateformes de médias sociaux comme X ont le devoir de faciliter l’accès des chercheurs d’intérêt public aux données afin d’étudier les risques systémiques – tels que ceux pesant sur les élections et autres processus démocratiques. Mais X a jusqu’à présent bloqué l’accès des organisations de la société civile à ces données cruciales.

D’autres plateformes nous ont accordé l’accès pour suivre systématiquement les débats publics, mais l’entreprise X a refusé.

– Michael Meyer-Resende, directeur exécutif de DRI

Le soutien controversé d’Elon Musk à l’AfD

Cette décision de justice tombe à point nommé avant les élections, alors qu’Elon Musk, propriétaire de X, a récemment affiché son soutien personnel au parti d’extrême droite AfD. En décembre, il a tweeté que « seule l’AfD peut sauver l’Allemagne », puis a organisé une discussion en direct avec la co-dirigeante du parti, Alice Weidel, le mois dernier.

La GFF accuse X d’empêcher la recherche sur les potentielles interférences électorales. Grâce à cette décision de justice, les chercheurs de DRI pourront enfin accéder aux données nécessaires pour étudier l’influence des réseaux sociaux sur les élections et accroître la transparence quant aux manipulations possibles avant le vote.

X dans le viseur des régulateurs européens

X est déjà sous le coup d’une enquête de la Commission européenne pour des soupçons de violations du Digital Services Act. Ouverte en décembre 2023, cette enquête pourrait aboutir à des amendes allant jusqu’à 6% du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise, voire à un blocage de la plateforme dans la région.

  • En juillet, la Commission a formulé un premier ensemble de griefs, dont le soupçon que X n’a pas facilité l’accès aux données pour les chercheurs
  • La loi ouvre X à un risque juridique plus large via des litiges et recours en justice, comme celui de la GFF et DRI
  • Un citoyen néerlandais a ainsi remporté un procès contre X l’été dernier pour shadowbanning

Enfin, les procureurs de Paris ont aussi ouvert leur propre enquête sur X le vendredi pour des soupçons de biais algorithmique, suite à une plainte du député Éric Bothorel. La pression réglementaire s’intensifie donc sur la plateforme d’Elon Musk, qui va devoir se mettre en conformité avec les exigences européennes de transparence et d’équité s’il veut éviter de lourdes sanctions.

La démocratie à l’épreuve des réseaux sociaux

Au-delà du cas de X, cette affaire met en lumière les défis posés par les réseaux sociaux à nos démocraties. Avec leur capacité à diffuser massivement de la désinformation et à influencer subtilement les électeurs, ces plateformes constituent un véritable risque systémique qu’il est urgent d’examiner et de réguler.

En donnant accès à leurs données aux chercheurs, X et les autres géants du web peuvent contribuer à renforcer la transparence et l’intégrité de nos processus démocratiques. Mais il est aussi crucial que les citoyens fassent preuve d’esprit critique face aux contenus qu’ils consomment en ligne et que les autorités publiques s’emparent de ces enjeux. C’est tout l’avenir de notre démocratie à l’ère numérique qui est en jeu.

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