Imaginez commander un Uber à Dallas et voir arriver une Hyundai Ioniq 5 toute électrique… sans personne au volant. Ce n’est plus de la science-fiction : depuis décembre 2025, c’est une réalité dans certaines rues de la ville texane. Uber, en partenariat avec la startup Avride, vient de franchir un cap décisif dans la course à la mobilité autonome. Pour les entrepreneurs, investisseurs et passionnés de tech que vous êtes, ce lancement n’est pas qu’une anecdote : c’est un signal fort que le modèle économique des transports est en train de basculer.
Un lancement qui marque la fin d’une année folle pour Uber
2025 aura été l’année où Uber a décidé de ne plus subir la révolution autonome, mais de la piloter. Après des années de R&D interne chaotique (souvenons-nous de l’accident mortel de 2018), la firme de Dara Khosrowshahi a opté pour une stratégie radicale : devenir la plateforme universelle de la mobilité, qu’elle soit humaine ou robotisée.
Le partenariat avec Avride s’inscrit dans une série impressionnante de deals : Waymo à Phoenix, Austin et Atlanta, WeRide à Abu Dhabi et Riyadh, Nuro pour la livraison… Au total, Uber a signé plus de 20 partenariats avec des acteurs de l’autonomie en freight, livraison et robotaxi. Objectif affiché : avoir des véhicules autonomes dans au moins 10 villes d’ici fin 2026, avec des lancements prévus à Los Angeles, Londres, Dubaï ou encore Munich.
Avride : la pépite qui monte (et que personne ne voyait venir)
Derrière Avride se cache une histoire digne d’un thriller géopolitique. La startup est née des cendres de l’ex-division autonome de Yandex (le « Google russe »). Après la vente des actifs russes de Yandex en 2024, la partie internationale a été rebaptisée Nebius Group, et Avride en est la branche mobilité.
Leur particularité ? Ils maîtrisent déjà deux cas d’usage :
- Les robots de livraison sur trottoir (déjà opérationnels sur Uber Eats à Austin, Dallas et Jersey City)
- Les robotaxis full-size avec leur stack autonome intégré sur Hyundai Ioniq 5
En octobre 2025, Avride a levé 375 millions de dollars auprès d’Uber et Nebius, preuve que le géant du VTC ne mise pas seulement sur une intégration technique, mais bel et bien sur un partenariat capitalistique profond.
« Nous ne construisons pas seulement des voitures sans chauffeur, nous construisons l’infrastructure du futur de la mobilité urbaine. »
– Dmitry Polischuk, CEO d’Avride (ex-Yandex Self-Driving Group)
Comment ça marche concrètement à Dallas ?
Pour l’instant, le service reste prudent (et c’est une bonne nouvelle pour la crédibilité) :
- Zone limitée à 9 miles carrés autour du centre-ville de Dallas
- Présence d’un opérateur de sécurité humain derrière le volant (phase classique avant le passage au full driverless)
- Matching possible sur les courses UberX, Comfort et Comfort Electric
- Prix identique aux courses avec chauffeur humain
- Possibilité de refuser le robotaxi et d’être remis en file pour un humain
Petit détail malin : dans l’appli Uber, vous pouvez activer une option pour augmenter vos chances d’être matché avec un robotaxi. Un premier pas vers la gamification de l’expérience autonome.
Le modèle économique qui change tout
Ce qui rend ce partenariat fascinant pour les entrepreneurs, c’est le partage des rôles :
- Avride fournit la technologie autonome et (pour l’instant) la flotte
- Uber apporte les millions de clients, l’interface, le support rider et (bientôt) la gestion opérationnelle de la flotte
À terme, Uber prendra en charge le nettoyage, la recharge, la maintenance et le depot management. En clair : Avride se concentre sur la tech, Uber devient l’exploitant. C’est exactement le même schéma qu’avec Waymo à Phoenix. Uber ne veut plus posséder la technologie, il veut posséder le réseau et le client final.
Et ça change tout pour les valorisations : une startup AV n’a plus besoin de construire sa propre app de ride-hailing (coût astronomique). Elle peut se brancher directement sur le réseau Uber et scaler instantanément.
Pourquoi Dallas (et pas San Francisco ou New York) ?
Le choix de Dallas n’est pas anodin. La ville cumule plusieurs avantages décisifs :
- Régulation très favorable au déploiement autonome (le Texas est devenu le paradis des AV)
- Météo clémente (moins de défis que la pluie de San Francisco ou la neige de Pittsburgh)
- Infrastructures routières larges et prévisibles
- Population tech-friendly et curieuse de nouveautés
C’est la même logique qui avait poussé Cruise et Waymo à se concentrer d’abord sur Phoenix avant de s’attaquer à San Francisco.
Les concurrents dans le rétroviseur
Waymo reste le leader incontesté avec plusieurs centaines de véhicules en full driverless à Phoenix, San Francisco et Los Angeles. Mais Uber joue une carte différente : là où Waymo contrôle toute la chaîne (véhicule, tech, exploitation), Uber mise sur l’effet réseau et la multi-flottes.
À terme, l’application Uber pourrait proposer :
- Un Waymo à Los Angeles
- Un Avride à Dallas
- Un WeRide à Dubaï
- Un taxi humain partout ailleurs
C’est l’équivalent d’un « App Store de la mobilité ». Et c’est terrifiant pour tous les acteurs qui misent sur une seule technologie ou un seul marché.
Ce que ça signifie pour les investisseurs et entrepreneurs tech
Le message est clair : le gagnant ne sera pas forcément celui qui a la meilleure technologie autonome, mais celui qui contrôlera la distribution. Uber est en train de devenir à la mobilité autonome ce qu’Amazon Marketplace est au e-commerce : une infrastructure incontournable.
Pour les startups du secteur, deux chemins s’offrent désormais :
- Devenir un fournisseur technologique d’Uber (comme Avride ou WeRide)
- Tenter l’aventure en solo… avec le risque de se retrouver marginalisé
Et pour les investisseurs ? Les valorisations des pures players AV (hors Waymo) risquent de se tendre. Pourquoi mettre 1 milliard dans une startup qui devra dépenser des centaines de millions en acquisition client, quand elle pourrait se brancher sur Uber ?
Et demain ?
Le passage au full driverless (sans opérateur) est prévu « dans le futur » selon les termes officiels. Mais avec l’expérience d’Avride (ex-Yandex a déjà roulé sans safety driver en Russie et au Moyen-Orient), ça pourrait aller plus vite qu’on ne le pense.
Prochaines étapes annoncées :
- Extension de la zone à Dallas dans les prochains mois
- Déploiement de centaines de véhicules Avride dans la ville d’ici 2-3 ans
- Lancement dans d’autres villes américaines et internationales
Et pendant ce temps, Tesla peaufine son Cybercab, Zoox (Amazon) avance discrètement, et Cruise tente de se relever de ses déboires réglementaires. La bataille pour la mobilité du futur est plus ouverte que jamais.
Une chose est sûre : la prochaine fois que vous prendrez un Uber à Dallas, regardez bien qui (ou quoi) est au volant. Le futur est déjà là… et il roule en Hyundai Ioniq 5.






