Varda Révolutionne la Pharma en Orbite

Imaginez un futur où des dizaines de capsules pharmaceutiques traversent le ciel chaque nuit comme des étoiles filantes, rapportant sur Terre des médicaments impossibles à produire ici-bas. Ce n’est pas de la science-fiction : c’est la vision de Will Bruey, CEO de Varda Space Industries, et surtout, c’est déjà en train d’arriver. En moins de deux ans, cette startup californienne est devenue la première entreprise privée à ramener régulièrement du matériel manufacturé depuis l’orbite. Et elle ne compte pas s’arrêter là.

Quand l’espace devient une simple usine délocalisée

Will Bruey le répète souvent : Varda n’est pas une entreprise spatiale, c’est une entreprise qui fabrique dans l’espace. La nuance est capitale. Pour lui, l’orbite n’est qu’un lieu parmi d’autres, comme on ouvre une usine en Chine ou au Mexique pour profiter de coûts ou de conditions spécifiques.

La condition magique ? La microgravité. Sur Terre, la gravité perturbe la formation des cristaux pharmaceutiques : sédimentation, convection, forces qui tirent inégalement sur la matière. En orbite, tout cela disparaît. Résultat : des cristaux plus purs, plus uniformes, parfois même des polymorphes inédits qui améliorent stabilité, biodisponibilité et durée de conservation des médicaments.

« Oubliez l’espace une seconde. Imaginez qu’on ait un four magique dans notre entrepôt qui permette de créer des formulations impossibles ailleurs. »

– Will Bruey, CEO de Varda Space Industries

Comment ça marche concrètement ?

Le système de Varda est d’une simplicité presque brutale :

  • Une petite capsule W-1 (90 cm de diamètre, moins de 90 kg) contenant le réacteur de cristallisation
  • Lancement en rideshare SpaceX (coût maîtrisé)
  • Accueillie en orbite par un bus Photon de Rocket Lab qui fournit énergie, communication et propulsion
  • Fabrication pendant plusieurs semaines ou mois
  • Rentrée à Mach 25 protégée par un bouclier thermique en carbone NASA
  • Atterrissage parachute sur site militaire (USA ou Australie)

Premier succès retentissant : février 2024, retour de cristaux de ritonavir (antiviral VIH) sous une forme presque impossible à obtenir sur Terre. Depuis, plusieurs missions ont suivi.

La théorie des sept dominos qui va tout changer

Will Bruey présente souvent aux parlementaires américains sa « théorie des sept dominos ». Et c’est là que ça devient passionnant pour tout l’écosystème spatial.

  1. Domino 1 : fusées réutilisables → fait (merci SpaceX)
  2. Domino 2 : fabrication + retour de produits pharmaceutiques → fait (Varda)
  3. Domino 3 : premier médicament spatial en essai clinique → prochain gros milestone
  4. Domino 4 → 7 : boucle vertueuse de baisse des coûts de lancement

Pourquoi une boucle vertueuse ? Parce que contrairement aux constellations de satellites, Varda a une demande récurrente et potentiellement illimitée. Chaque lot de médicament = un lancement. Plus Varda vend, plus elle lance, plus les lanceurs amortissent leurs infrastructures, plus les prix baissent, rendant viables des produits moins chers… et ainsi de suite.

À terme, Bruey prédit qu’envoyer un technicien humain en orbite pour un mois sera moins cher que d’automatiser davantage les usines spatiales. On passe alors du « space is hard » au « space is just another factory location ».

L’histoire presque tragique de la première mission

Juin 2023 : la capsule W-1 est lancée. Tout fonctionne parfaitement en orbite. Les cristaux de ritonavir se forment. Et puis… rien. La capsule reste coincée huit mois en orbite.

Le problème ? Pas technique, mais réglementaire. Le site d’atterrissage prévu (Utah Test and Training Range) est un terrain militaire. Les priorités de l’US Air Force passent avant les startups pharma-spatiales. Chaque report invalide la licence de rentrée FAA. Recommencer à zéro à chaque fois.

« On avait 80 personnes qui avaient bossé deux ans et demi, et on n’était pas sûrs de pouvoir ramener la capsule un jour. »

– Will Bruey

Pendant ce temps, Varda continue de fabriquer la capsule suivante et d’embaucher. Refus total de plier. Finalement, février 2024 : premier atterrissage commercial sur sol américain sous la nouvelle licence FAA Part 450. Victoire.

Le business bonus inattendu : le test hypersonique low-cost

Quand vous rentrez à Mach 25, vous traversez un plasma à plusieurs milliers de degrés. Aucun tunnel aérodynamique terrestre ne reproduit ça fidèlement.

Du coup, l’US Air Force et les agences de défense adorent embarquer leurs capteurs et matériaux dans les capsules Varda. Un vol à 100 millions de dollars devient un simple « piggyback » sur une mission pharma. Varda a déjà volé des expériences pour l’Air Force Research Laboratory.

Les chiffres qui font tourner les têtes

  • 329 millions de dollars levés (Series C juillet 2025)
  • Première entreprise à obtenir une licence FAA Part 450 opérateur (plus besoin de redossier complet à chaque vol)
  • Sites d’atterrissage aux USA et en Australie
  • Marché cible final : anticorps monoclonaux (210 milliards de dollars)

Pourquoi ça concerne les entrepreneurs tech et investisseurs

Parce que Varda n’est pas juste une belle histoire spatiale. C’est le premier vrai cas d’industrialisation de l’orbite. Et l’industrialisation change tout :

  • Demande récurrente → baisse structurelle des coûts de lancement
  • Nouvelle frontière pour la deep tech (semi-conducteurs, fibres optiques ZBLAN, alliages exotiques…)
  • Preuve que des startups peuvent forcer l’évolution réglementaire (FAA, DoD)
  • Modèle économique défendable sans dépendre des subventions publiques

En clair, si Varda réussit, elle ne sera pas seulement une licorne pharma-spatiale : elle sera l’un des catalyseurs majeurs de l’économie orbitale du XXIe siècle.

Ce qu’il faut retenir pour 2026 et au-delà

Le prochain gros jalon ? Mettre un médicament spatial en essai clinique (domino 3). Si cela arrive dans les 24 mois, la trajectoire de Varda deviendra quasi inarrêtable.

Et pour les entrepreneurs qui nous lisent : quand une startup parvient à transformer un problème réglementaire mortel en avantage compétitif durable (première licence opérateur FAA), c’est une leçon magistrale de résilience et de vision long terme.

L’espace ne sera plus réservé aux gouvernements et aux milliardaires. Il deviendra, comme le prédit Will Bruey, juste un endroit où on fabrique mieux certains produits. Et le jour où envoyer un ouvrier en orbite pour un mois sera moins cher que d’automatiser plus, alors oui : le marché aura vraiment gagné.

À suivre de très près.

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