Imaginez un monde où les data centers les plus gourmands en énergie de la planète tournent grâce à une source propre, stable et disponible 24 h/24, sans émettre une once de CO₂. Ce n’est plus de la science-fiction : c’est exactement ce qui est en train de se passer sous nos yeux. Le 24 novembre 2025, la startup américaine X-energy a annoncé une levée de fonds monumentale de 700 millions de dollars en Series D, portant à 1,4 milliard le montant récolté en moins d’un an. Un signal fort : le nucléaire nouvelle génération n’est plus un pari, c’est devenu le prochain eldorado des investisseurs tech.
Une levée qui donne le vertige dans un secteur en feu
700 millions, ce n’est pas une petite ligne sur un term sheet. C’est l’une des plus grosses rondes jamais réalisées dans le nucléaire civil, tous pays confondus. Et pourtant, cela arrive seulement onze mois après l’extension de la Series C à 700 millions supplémentaires. En tout, X-energy a désormais capté 1,8 milliard de dollars depuis sa création. Pour une startup qui n’a pas encore mis un seul réacteur en service commercial, c’est tout simplement stratosphérique.
Le tour de table est mené par Jane Street – oui, le géant du trading haute fréquence – qui avait déjà participé à l’extension de la Series C. On y retrouve aussi Ares Management, ARK Invest, Point72, Segra Capital, XTX Ventures ou encore l’Emerson Collective de Laurene Powell Jobs. Un casting cinq étoiles qui montre que le nucléaire attire désormais les mêmes cerveaux qui ont fait fortune sur la tech et les marchés.
Pourquoi les géants de la tech misent tout sur le nucléaire
La réponse tient en trois lettres : IA. L’explosion de la demande en calcul pour entraîner et faire tourner les grands modèles de langage a fait bondir la consommation électrique des data centers de façon exponentielle. Google, Microsoft, Meta et Amazon prévoient tous de multiplier par 5 à 10 leur capacité d’ici 2030. Et les énergies renouvelables, aussi formidables soient-elles, peinent à suivre le rythme : intermittence, foncier, réseaux saturés…
Le nucléaire, lui, coche toutes les cases :
- Disponible 92-95 % du temps (contre 25-35 % pour le solaire et l’éolien)
- Densité énergétique folle : 1 gramme d’uranium = 2,7 tonnes de charbon
- Empreinte au sol ridicule : un SMR occupe l’équivalent de deux terrains de foot
- Zéro émission en fonctionnement
Amazon n’a pas attendu pour passer à l’acte : le géant a signé avec X-energy pour potentiellement 5 gigawatts d’ici 2039, soit l’équivalent de cinq centrales nucléaires classiques. Dow (chimie) et le britannique Centrica ont aussi réservé des réacteurs. Au total, X-energy revendique déjà 144 commandes fermes représentant 11 GW. C’est énorme quand on sait que le parc nucléaire français fait environ 61 GW.
Le secret de la sauce : le réacteur Xe-100 et ses billes magiques
Contrairement aux réacteurs à eau pressurisée classiques, X-energy développe des réacteurs à haute température refroidis au gaz (HTGR), une technologie déjà éprouvée en Chine et au Japon. Le cœur du réacteur Xe-100 contient des centaines de milliers de billes TRISO de la taille d’une balle de billard. Chaque bille est une petite forteresse : particules d’uranium enrobées de couches de carbone et de céramique capables de résister à plus de 1 800 °C sans fondre.
Le refroidissement ? De l’hélium, inerte et qui ne devient pas radioactif. En cas d’accident, pas besoin de systèmes actifs complexes : la physique prend le relais et la réaction s’arrête naturellement. C’est ce qu’on appelle la safety by design.
Chaque module produit 80 MW électriques (ou 200 MW thermiques), mais on peut en assembler quatre pour faire une centrale de 320 MW parfaitement adaptée à l’alimentation d’un campus de data centers.
« Nous construisons l’avenir de l’énergie propre à l’échelle industrielle. Cette levée va nous permettre d’accélérer massivement la supply chain. »
– Clay Sell, CEO de X-energy
Un marché des SMR qui explose (et les concurrents qui s’agitent)
X-energy n’est pas seul. NuScale (déjà coté en bourse), TerraPower (Bill Gates), Kairos Power, GE Hitachi, Rolls-Royce… la liste des prétendants au trône du SMR est longue. Mais pour l’instant, aucun réacteur modulaire de nouvelle génération n’est encore en service commercial aux États-Unis.
La course est donc lancée :
- NuScale a obtenu la première certification de design de la NRC
- TerraPower a commencé les travaux de sa centrale dans le Wyoming
- X-energy vise une mise en service dès 2029-2030
Le gagnant raflera un marché estimé à plusieurs trillions de dollars d’ici 2050 selon l’AIE.
Ce que cela signifie pour les entrepreneurs et investisseurs tech
Le message est clair : l’énergie devient le nouveau goulot d’étranglement de la révolution technologique. Celui qui contrôle l’accès à une énergie abondante, propre et bon marché aura un avantage compétitif colossal.
Pour les startups deeptech, c’est le moment ou jamais :
- Les fonds abondent (plus de 10 milliards levés dans le nucléaire avancé depuis 2020)
- Les corporates signent des contrats d’achat d’électricité à long terme (PPA) avant même que les centrales existent
- Les régulateurs américains accélèrent les processus (Nuclear Regulatory Commission en mode fast-track)
En résumé, on assiste à la naissance d’un nouvel écosystème où énergie et tech fusionnent. Et ceux qui comprendront cela dès aujourd’hui seront les gagnants de demain.
Conclusion : le nucléaire n’a jamais été aussi sexy
Il y a encore cinq ans, parler de nucléaire dans une soirée startup à San Francisco vous valait des regards en coin. Aujourd’hui, les mêmes personnes qui levaient des centaines de millions pour des applis de livraison de sushis misent sur des réacteurs à billes TRISO.
X-energy vient de prouver que le secteur est passé en hyper-croissance. Avec 1,8 milliard en caisse, des clients comme Amazon et Dow, et une technologie parmi les plus avancées du marché, la startup est idéalement placée pour devenir le prochain unicorn… ou plutôt tera-corn de l’énergie.
Une chose est sûre : l’avenir de la tech ne se jouera plus seulement dans le cloud, mais aussi dans les cœurs de réacteurs nouvelle génération. Et ça, c’est une révolution que personne n’avait vu venir il y a encore quelques années.







