Imaginez un monde où votre voiture ne se contente plus de vous transporter d’un point A à un point B, mais devient une source de revenus pendant que vous vaquez à vos occupations. Ou encore, où vous pouvez louer un véhicule totalement autonome pour un trajet, sans chauffeur, via une simple application. Ce scénario, longtemps relégué à la science-fiction, se concrétise peu à peu. Et une startup texane, Zevo, vient d’annoncer une initiative audacieuse qui pourrait accélérer cette transition : l’intégration de robotaxis dans sa flotte de véhicules électriques en libre-service. Une nouvelle qui interpelle tous les entrepreneurs et passionnés de tech qui suivent de près l’évolution de la mobilité et de l’intelligence artificielle.
Dans un secteur où les géants comme Waymo dominent déjà certaines villes américaines, les acteurs plus modestes cherchent des voies innovantes pour se démarquer. Zevo, fondée il y a à peine plus d’un an, a choisi de parier sur un newcomer encore plus jeune : Tensor. Cette alliance stratégique soulève des questions passionnantes sur les modèles économiques émergents dans la mobilité autonome et sur les opportunités business qu’elle ouvre pour les startups.
Zevo : une startup qui mise sur le partage électrique
Basée à Dallas, Zevo opère depuis un peu plus d’un an une flotte exclusivement composée de véhicules électriques en libre-service. L’idée fondatrice ? Proposer une alternative écologique et flexible à la possession individuelle d’une voiture, tout en permettant aux propriétaires de rentabiliser leur véhicule lorsqu’ils ne l’utilisent pas. Un modèle peer-to-peer qui rappelle certains aspects d’Airbnb, mais appliqué à la mobilité.
Le cofondateur Hebron Sher ne cache pas son ambition : transformer la façon dont nous percevons la voiture. Avec l’arrivée massive des véhicules autonomes, il voit une opportunité unique de créer un réseau décentralisé de robotaxis accessibles à tous. Plutôt que de dépendre d’une flotte centralisée appartenant à une grande entreprise, Zevo veut permettre à des particuliers ou micro-entrepreneurs de mettre leurs véhicules autonomes en location, générant ainsi des revenus passifs.
Cette vision s’aligne parfaitement avec celle d’Elon Musk chez Tesla, qui promet depuis des années que les propriétaires pourront un jour intégrer leur voiture au réseau robotaxi de l’entreprise. Mais Zevo va plus loin en s’ouvrant dès maintenant à d’autres constructeurs, et en commençant par un acteur encore peu connu du grand public.
Tensor : le nouvel entrant qui veut démocratiser l’AGI personnel
Tensor est sans doute l’un des acteurs les plus intrigants du paysage actuel de la conduite autonome. Issue en partie des cendres d’AutoX – une startup qui avait connu un certain succès en Chine avant de rencontrer des difficultés –, Tensor affiche une ambition démesurée : commercialiser dès 2026 le premier véhicule totalement autonome accessible aux consommateurs ordinaires.
Le discours de l’entreprise est résolument tourné vers l’avenir. Hugo Fozzati, chief business officer de Tensor, déclare :
« La vision de Tensor est de construire un futur où chacun possède sa propre intelligence artificielle générale – un AGI personnel qui offre plus de temps, de liberté et d’autonomie. »
– Hugo Fozzati, Chief Business Officer chez Tensor
Ce partenariat avec Zevo représente bien plus qu’une simple vente de véhicules. Il s’agit, selon Fozzati, de permettre à des individus et micro-entrepreneurs de participer activement à l’économie de la mobilité autonome. Zevo prévoit d’acquérir jusqu’à 100 véhicules Tensor pour les intégrer à son réseau, offrant ainsi à ses utilisateurs la possibilité de louer des robotaxis en mode décentralisé.
Mais Tensor doit encore prouver sa capacité à produire en série des véhicules fiables. L’histoire de l’autonomie est jonchée d’entreprises qui ont promis la lune sans jamais livrer. Le chemin vers la commercialisation dépendra largement des autorisations réglementaires mondiales, comme l’entreprise le reconnaît elle-même.
Un modèle économique hybride entre partage et robotaxi
Ce qui rend l’initiative de Zevo particulièrement intéressante pour les entrepreneurs tech, c’est la combinaison de deux modèles économiques en pleine évolution :
- Le car-sharing peer-to-peer, qui permet aux propriétaires de monétiser leur véhicule inactif.
- Le robotaxi décentralisé, où des véhicules autonomes circulent sans conducteur pour transporter des passagers.
- Une intégration profonde entre la plateforme Zevo et le logiciel des véhicules, essentielle pour gérer à distance les locations et les trajets autonomes.
En pratique, un utilisateur de Zevo pourrait réserver un véhicule Tensor via l’application, monter à bord, et se laisser conduire automatiquement à destination. Pendant ce temps, le propriétaire du véhicule (ou Zevo lui-même) encaisse une partie des revenus. Un cercle vertueux qui pourrait séduire de nombreux micro-entrepreneurs à la recherche de sources de revenus passifs.
Ce modèle présente plusieurs avantages concurrentiels par rapport aux flottes centralisées comme Waymo ou Cruise :
- Coûts d’acquisition potentiellement plus bas grâce à des partenariats avec des constructeurs émergents.
- Flexibilité géographique accrue, car les véhicules peuvent être détenus par des particuliers dans différentes villes.
- Effet réseau rapide : plus de propriétaires rejoignent la plateforme, plus l’offre de robotaxis augmente.
Les paris risqués d’Hebron Sher
Hebron Sher n’en est pas à son premier pari audacieux. En octobre dernier, Zevo avait déjà annoncé une commande (non contraignante) de 1 000 fourgons électriques auprès de Faraday Future, une startup californienne connue pour ses difficultés chroniques à produire en série. Faraday Future, après dix ans de galère avec son SUV luxe FF91, s’est récemment rabattu sur l’importation et l’assemblage de vans électriques chinois plus abordables.
Pourquoi choisir systématiquement des partenaires aussi incertains ? Sher explique que ces jeunes entreprises offrent deux avantages décisifs :
- Des prix attractifs, car elles ont besoin de clients précoces pour valider leur modèle.
- Une grande flexibilité technique : contrairement aux constructeurs traditionnels, elles acceptent une intégration profonde avec la plateforme Zevo.
Sher ne mâche pas ses mots sur les grands constructeurs : « leur tech freaking sucks » (leur technologie est nulle). Il préfère la synergie entre startups, où les équipes peuvent collaborer étroitement pour co-construire des solutions sur mesure.
Ce choix stratégique comporte évidemment des risques importants. Si Tensor ou Faraday Future échouent à livrer, Zevo pourrait se retrouver avec des engagements non tenus. Mais pour Sher, c’est précisément cette prise de risque qui fait la force de l’écosystème startup américain.
Les leçons business pour les entrepreneurs tech
Au-delà de l’anecdote, l’histoire de Zevo offre plusieurs enseignements précieux pour toute personne évoluant dans l’univers des startups, de l’IA et de la mobilité :
1. L’importance des partenariats précoces. En s’associant très tôt à des constructeurs émergents, Zevo obtient des conditions avantageuses et influence directement le développement produit.
2. La valeur de l’intégration logiciel. Dans un monde où le logiciel définit l’expérience utilisateur, la capacité à contrôler profondément le véhicule (accès API, mises à jour over-the-air, télémétrie) devient un avantage compétitif majeur.
3. Le potentiel des modèles décentralisés. Face aux géants centralisés, les plateformes peer-to-peer pourraient offrir une alternative plus scalable et inclusive, à l’image de ce qu’Uber a fait face aux taxis traditionnels.
4. La nécessité d’une vision long terme. La mobilité autonome reste un secteur immature, réglementé et capitalistique. Les entrepreneurs qui réussissent sont ceux qui acceptent des paris calculés sur plusieurs années.
5. L’opportunité pour les micro-entrepreneurs. Si le modèle de Zevo fonctionne, il pourrait démocratiser l’accès à l’économie des robotaxis, permettant à quiconque possède un véhicule autonome de générer des revenus complémentaires.
Les défis réglementaires et techniques à venir
Malgré l’enthousiasme, de nombreux obstacles subsistent. La conduite autonome de niveau 4 ou 5 (sans intervention humaine) reste limitée à certaines zones géographiques. Les autorités américaines, bien que plus ouvertes que leurs homologues européennes, exigent des preuves solides de sécurité avant d’autoriser un déploiement massif.
Tensor affirme que son calendrier dépend principalement des approbations réglementaires, et non de limitations techniques. Un discours classique dans l’industrie, mais qui devra être étayé par des données concrètes. Par ailleurs, la production à échelle reste un défi colossal : composants, chaîne d’approvisionnement, tests de fiabilité… Autant de points où de nombreuses startups ont trébuché avant Tensor.
Du côté de Zevo, l’intégration d’une flotte hétérogène (Faraday Future, Tensor, potentiellement d’autres) nécessitera une plateforme logicielle robuste capable de gérer différents systèmes embarqués. Un défi technique non négligeable, mais qui pourrait devenir un atout si l’entreprise parvient à créer un standard ouvert.
Vers une nouvelle économie de la mobilité autonome ?
L’initiative de Zevo s’inscrit dans un mouvement plus large : la convergence entre mobilité partagée, véhicules électriques et intelligence artificielle. Alors que Tesla prépare son propre robotaxi (le Cybercab), que Waymo étend progressivement son service, et que des acteurs chinois comme Baidu Apollo dominent leur marché domestique, les modèles hybrides comme celui de Zevo pourraient représenter une troisième voie.
Pour les entrepreneurs et investisseurs du secteur tech, cette annonce rappelle que les plus grandes opportunités se trouvent souvent à l’intersection de plusieurs tendances majeures. La mobilité comme service (MaaS), l’économie du partage, l’IA embarquée et la transition énergétique forment un cocktail explosif.
Si Zevo et Tensor réussissent leur pari, ils pourraient inspirer une vague de plateformes similaires, transformant chaque véhicule autonome en actif économique. Dans le cas contraire, ils rejoindront la longue liste des promesses non tenues qui ont jalonné l’histoire de la conduite autonome depuis dix ans.
Mais une chose est sûre : l’année 2026 s’annonce décisive pour l’ensemble de l’écosystème. Entre les premières livraisons potentielles de Tensor, le lancement espéré du robotaxi Tesla, et l’expansion continue de Waymo, les cartes de la mobilité urbaine sont en train d’être redistribuées. Et des acteurs comme Zevo, par leurs choix audacieux, contribuent activement à écrire cette nouvelle page de l’histoire technologique.
Une chose est certaine : pour les passionnés de startups, d’IA et d’innovation business, il va falloir suivre cela de très près.






