Qui n’a pas entendu parler de Tiger Global, le célèbre hedge fund new-yorkais qui a alimenté le boom des startups pendant la pandémie ? En 2021, au pic de la frénésie des investissements, Tiger Global a soutenu pas moins de 315 jeunes pousses selon PitchBook. Mais cette stratégie de « spray and pray » s’est retournée contre le fonds, qui affiche aujourd’hui des pertes abyssales sur son 15ème fonds de capital-risque (PIP 15).
Un appétit d’ogre pendant la pandémie
En 2021, portée par l’euphorie des marchés et la digitalisation accélérée par la crise sanitaire, Tiger Global convainc ses investisseurs de miser 12,7 milliards de dollars sur son fonds PIP 15. Le fonds se lance alors dans une frénésie d’investissements, prenant des participations dans un nombre record de startups en quelques mois seulement. Cette stratégie agressive fait flamber les valorisations, au grand dam du reste de l’industrie du capital-risque.
Tiger Global a déployé la majorité des 12,7 milliards de dollars de son 15ème fonds en seulement quelques mois !
– TechCrunch, mai 2022
Le retour de bâton post-pandémie
Mais en 2022, le vent tourne. La Fed relève ses taux, resserrant l’accès au crédit. Les valorisations des startups dégringolent. Fin 2024, nombreuses sont celles qui peinent encore à justifier les montants atteints fin 2021 sous l’impulsion de Tiger Global. Le fonds doit déprécier massivement son portefeuille :
- Superhuman (email) : -45%
- DuckDuckGo (moteur de recherche) : -72%
- OpenSea (NFT) : -94%
Résultat, fin juin 2024, les pertes latentes du fonds PIP 15 se montent à plus de 15%, le plaçant dans les 10% des fonds les moins performants de sa génération selon PitchBook. Pour comparaison, sur la même période, les fonds de Valor Equity Partners, OakHC/FT, IVP et GGV (rebaptisé Notable) affichent des rendements positifs de +15,7%, +8,7%, +4,1% et +2,8% respectivement.
Bien sûr, un fonds de VC met généralement 10 ans avant de matérialiser sa performance. Mais le fonds PIP 15 de Tiger Global fait clairement partie des plus mal lotis de sa génération.
Tiger Global en perte de vitesse
Echaudé, Tiger Global a revu ses ambitions à la baisse. Alors que le fonds visait initialement 6 milliards de dollars pour son 16ème millésime en octobre 2022, il n’a finalement levé que 2,2 milliards après 18 mois de roadshow. Un montant conséquent certes, mais loin de ses records d’antan.
Certains des principaux artisans de la stratégie agressive du fonds ont quitté le navire, à l’image de John Curtius parti monter son propre fonds fin 2022, ou de Scott Shleifer qui a pris du recul début 2024. Bien que Tiger Global dispose encore d’une force de frappe considérable, avec 24 deals réalisés en 2024 (Waymo, OpenAI, Scale AI, Wiz…), le fonds mettra du temps à se défaire de sa réputation d’investisseur trop gourmand et pas toujours clairvoyant pendant la pandémie.
Les leçons à tirer pour l’écosystème
Au-delà du cas Tiger Global, cette débâcle souligne les limites de la stratégie du « spray and pray » en capital-risque, surtout en période d’euphorie. Miser sur un maximum de startups sans forcément prendre le temps de les évaluer en profondeur, en faisant fi des signaux de surchauffe du marché, est un pari très risqué. Comme le rappelle la contre-performance du fonds PIP 15 de Tiger Global, gare à l’ivresse des sommets !