Dans un contexte où les startups indiennes battent des records d’introductions en bourse, Aye Finance, une fintech spécialisée dans le prêt aux micro, petites et moyennes entreprises (MPME), vient d’annoncer son intention de lever 171 millions de dollars lors de son entrée sur les marchés. Soutenue par CapitalG, le bras armé d’Alphabet dans le capital-risque, cette licorne en devenir entend ainsi renforcer son bilan et étendre son portefeuille de prêts dans un segment stratégique mais sous-financé de l’économie indienne.
Un modèle innovant d’inclusion financière
Fondée en 2014, Aye Finance s’est donnée pour mission de démocratiser l’accès au crédit pour les entrepreneurs du secteur informel, souvent exclus du système bancaire classique faute de garanties ou d’historique de crédit. Grâce à des outils d’analyse de données propriétaires et une connaissance fine du terrain via ses 499 agences, la startup est en mesure d’évaluer la solvabilité de ces emprunteurs atypiques et de leur octroyer des prêts adaptés, d’un ticket moyen de 1 800 dollars.
Comme l’explique Sanjay Sharma, co-fondateur et directeur général d’Aye Finance :
Notre approche basée sur la technologie et la data nous permet de servir efficacement un pan vital mais négligé de l’économie. En donnant aux MPME les moyens de se développer, nous favorisons la création d’emplois et de richesses au niveau local.
– Sanjay Sharma, DG et co-fondateur d’Aye Finance
Combler le déficit de financement des MPME
Malgré leur poids considérable dans l’économie (environ 30% du PIB), les MPME indiennes font face à un déficit de financement abyssal, estimé à plus de 650 milliards de dollars. En cause, leur caractère souvent informel et leur manque de collatéral qui les pénalisent auprès des banques. C’est ce gap qu’Aye Finance entend combler, en s’appuyant sur :
- Des algorithmes de scoring sur-mesure intégrant des données alternatives
- Un large réseau d’agences au plus près des bassins d’entrepreneurs
- Une gamme de produits spécifiques (crédit-bail, prêt hypothécaire…)
- Des processus digitalisés assurant des décisions rapides
Cette stratégie porte ses fruits, avec une croissance rapide des encours de crédit qui atteignent 588 millions de dollars en septembre 2024. La startup, valorisée autour de 400 millions de dollars, a séduit des investisseurs de renom comme CapitalG (Alphabet), Elevation Capital ou encore British International Investment.
Garder le cap malgré des vents contraires
L’introduction en bourse d’Aye Finance intervient toutefois dans un contexte délicat. Si son chiffre d’affaires a bondi de 52% en 2024 à 122,5 millions de dollars, son niveau de créances douteuses s’est aussi dégradé, passant de 2,74% à 3,29%. Un phénomène qui touche plus largement le secteur de la microfinance, confronté à la montée des défauts suite aux perturbations économiques de la pandémie de Covid-19.
Pour autant, la fintech reste confiante dans la solidité de son modèle et sa capacité à surmonter ces défis. Elle mise notamment sur :
- La montée en maturité de sa plateforme d’octroi et de suivi des prêts
- Une diversification géographique et sectorielle de son portefeuille
- Le renforcement de ses fonds propres via l’IPO pour absorber les chocs
- Des programmes d’accompagnement des emprunteurs en difficulté
Avec cette opération, qui porte sur une émission de 104 millions de dollars en actions nouvelles et une cession de 67 millions par des actionnaires existants, Aye Finance réaffirme sa volonté de s’établir comme un acteur majeur de l’inclusion financière en Inde. Un enjeu crucial, alors que les MPME constituent le principal vivier de création d’emplois du pays.
Capturer la dynamique de l’écosystème tech indien
Plus largement, l’IPO d’Aye Finance confirme la vitalité de la scène startup indienne, qui connaît une véritable ruée vers les marchés boursiers en 2024. Portées par la digitalisation accélérée et la croissance rapide du pays, les jeunes pousses tricolores multiplient les introductions record, à l’image de Swiggy ou Mobikwik dans la foodtech et les paiements.
Cette effervescence ne se limite pas à quelques licornes flamboyantes mais concerne une diversité de secteurs « enablers », des infrastructures cloud (Yotta) à la cybersécurité (Securonix) en passant par la logistique (Delhivery). Autant de startups en phase avec les évolutions structurelles d’une économie appelée à devenir la 3e mondiale d’ici 2030.
Alors que le gouvernement Modi a fait des startups un axe prioritaire, avec des initiatives comme Startup India ou le fonds souverain India Digitalization Fund, cette nouvelle génération d’entrepreneurs s’affirme comme un moteur essentiel de l’ambition technologique et économique du pays. Et les investisseurs, de la Silicon Valley aux family offices locaux, ne s’y trompent pas, déversant des milliards de dollars dans cet écosystème en ébullition.
Dans ce contexte porteur, l’introduction en bourse d’Aye Finance fait figure de nouvelle étape dans la maturité de l’écosystème tech indien. En donnant de la visibilité à une fintech socialement engagée, elle illustre la capacité des startups à combiner impact et performance. Un modèle inspirant, au service d’une Inde plus inclusive et entrepreneuriale.