La Croissance à Tout Prix Ruine Internet : Une Chance pour les Startups

Et si la course effrénée à la croissance, qui obsède tant les géants de la tech, était en train de transformer l’internet en un vaste terrain vague numérique ? Entre les publicités intrusives qui jaillissent à chaque clic, les algorithmes qui privilégient la colère au détriment de la pertinence, et les abonnements imposés pour des services autrefois gratuits, l’expérience utilisateur semble reléguée au second plan. Pourtant, dans ce chaos, une voix s’élève : celle d’Ed Zitron, expert en relations publiques et animateur du podcast *Better Offline*. Pour lui, cette dérive, qu’il nomme la « rot economy » (économie de la pourriture), est une aubaine pour les startups audacieuses prêtes à repenser notre rapport au numérique. Dans cet article, plongeons dans cette analyse percutante et explorons les opportunités qui s’ouvrent à ceux qui osent défier les titans fatigués de la Silicon Valley.

Une expérience utilisateur sacrifiée sur l’autel de la croissance

Passer du temps en ligne aujourd’hui, c’est un peu comme naviguer dans une jungle hostile. Les sites web, autrefois fluides et intuitifs, croulent sous les bannières publicitaires animées et les pop-ups qui vous supplient de vous abonner à une newsletter. Les chatbots, censés révolutionner le service client grâce à l’IA, se contentent de réponses préfabriquées aussi utiles qu’un marteau sans manche. Sur les réseaux sociaux, les algorithmes vous bombardent de contenus provocateurs pour vous garder scotchés, tandis que les applications de rencontre cachent les profils intéressants derrière des paywalls toujours plus coûteux. Même votre imprimante, ce fidèle compagnon, exige désormais un abonnement mensuel pour daigner fonctionner.

Cette dégradation n’est pas un accident. Elle découle d’une obsession : la **croissance à tout prix**. Ed Zitron, PDG d’EZPR, décrit ce phénomène comme une industrie technologique qui a perdu de vue sa mission première : servir l’utilisateur. « Les entreprises tech sont tellement focalisées sur leurs chiffres qu’elles considèrent leurs clients comme des nuisances à gérer, plutôt que comme des partenaires dans une relation équilibrée », explique-t-il dans une récente interview sur le podcast *Equity*. Pour lui, les géants comme Google, Meta ou Microsoft ont succombé à une logique de profit à court terme, au détriment de produits qualitatifs et durables.

Les géants tech : Gros, paresseux et vulnérables

Imaginez une vieille usine rouillée, qui continue de tourner par habitude plus que par efficacité. C’est ainsi que Zitron voit les mastodontes de la tech. « Ils sont gros, paresseux et trop confiants », assène-t-il. Leur domination repose sur une idée simple : vous restez avec eux parce que c’est plus facile que de chercher ailleurs. Mais cette arrogance ouvre des brèches. Les produits qu’ils proposent sont souvent « moches, chers et mal conçus », selon ses mots. Qui n’a jamais pesté contre une mise à jour inutile de Google Docs, ou contre les publicités envahissantes d’Instagram qui noient les publications de vos amis ?

Tout ce qui est mauvais sur le web en ce moment est une cible potentielle.

– Ed Zitron, Equity Podcast

Cette stagnation des leaders offre un terrain fertile pour les nouveaux entrants. Les startups, plus agiles et moins contraintes par les attentes des actionnaires, peuvent proposer des alternatives qui remettent l’utilisateur au centre. Mais où se cachent ces opportunités ? Zitron pointe plusieurs domaines clés.

Réseaux sociaux : La révolte des utilisateurs

Commençons par les réseaux sociaux, ces géants qui dictent nos interactions numériques. Utiliser Instagram aujourd’hui, c’est lutter contre un flux de contenus imposés par Meta, au détriment de ce que vous voulez vraiment voir. Facebook, quant à lui, est devenu un labyrinthe de publications sponsorisées et de groupes toxiques. X, sous la houlette d’Elon Musk, jongle entre polémiques politiques et algorithmes imprévisibles. Résultat ? Les utilisateurs fuient vers des alternatives plus humaines.

Le web décentralisé, avec ses serveurs indépendants et sécurisés, gagne du terrain. Bluesky et Mastodon séduisent les déserteurs de X, tandis que Flashes (par Bluesky) et Pixelfed taillent des croupières à Instagram. Même TikTok, menacé d’interdiction dans certains pays, voit des concurrents comme RedNote attirer ses utilisateurs. Ces plateformes promettent une expérience plus transparente et respectueuse, loin des manipulations des algorithmes propriétaires.

Pour les startups, le message est clair : il y a une place à prendre en offrant des réseaux sociaux qui ne sacrifient pas l’utilisateur sur l’autel des profits publicitaires.

Logiciels d’entreprise : La fin des dinosaures

Passons aux outils professionnels. Microsoft 365, Salesforce, Dropbox, Zoom… Ces noms évoquaient autrefois l’innovation. Aujourd’hui, ils riment avec lourdeur et désintérêt pour l’utilisateur. « Microsoft ne fait plus de bons produits depuis longtemps », tranche Zitron, épargnant toutefois la division Xbox. Le problème ? Ces entreprises, une fois entrées en bourse, ont cédé à la pression des résultats trimestriels, délaissant la qualité au profit des chiffres.

Prenez Google Docs : autrefois salué pour sa simplicité, il vous impose maintenant des fonctionnalités d’IA comme Gemini, que vous n’avez pas demandées. Adobe, qualifié par Zitron de « plus faible entreprise tech du moment », semble désespéré avec ses abonnements hors de prix. Face à cela, des alternatives émergent : Figma, Affinity ou Blender contestent le monopole d’Adobe, tandis que des outils comme Notion repensent la productivité sans alourdir l’expérience.

Les entreprises, grandes ou petites, commencent à se lasser de ces solutions médiocres. Une startup qui propose un logiciel intuitif, efficace et abordable pourrait bien bouleverser ce marché.

Moteurs de recherche : Google sous pression

Google, le roi incontesté de la recherche en ligne, vacille. Autrefois garant des meilleurs résultats, il vous sert aujourd’hui une soupe de liens sponsorisés et de contenu optimisé pour le SEO, mais rarement pertinent. « Google Search est mauvais maintenant », affirme Zitron sans détour. Et il n’est pas seul à le penser : des concurrents affluent.

DuckDuckGo, qui mise sur la confidentialité, prouve qu’un modèle rentable est possible. Perplexity révolutionne la recherche avec une approche conversationnelle, tandis que Diem combat les biais de données avec une perspective féminine. Dans le décentralisé, Marginalia Search privilégie les sites obscurs mais riches, et OpenSearch propose une indexation indépendante. Pour ceux qui veulent fuir la pub, Kagi (payant) et Brave Search (gratuit) offrent des expériences épurées et respectueuses de la vie privée.

Si un juge oblige Google à partager ses données dans le cadre de son procès antitrust, ces acteurs pourraient prendre l’avantage. Une startup maligne, avec une vision claire, pourrait s’imposer comme le futur de la recherche.

Email : Le chaos à réinventer

Votre boîte mail ressemble-t-elle à un dépotoir numérique ? Si oui, vous n’êtes pas seul. Gmail, Outlook, Yahoo… Ces services, pourtant essentiels, sont gangrénés par le spam et une ergonomie datée. Dans le monde pro, Microsoft Exchange et Google Workspace ne font guère mieux. « L’email est un domaine qu’une startup pourrait conquérir », assure Zitron.

Des acteurs comme Proton tentent de se démarquer avec un chiffrement de bout en bout, mais leur interface reste perfectible. Superhuman, Hey et Shortwave, eux, repensent l’expérience utilisateur avec des designs modernes et des fonctionnalités malines. Une startup qui combine sécurité, simplicité et efficacité pourrait transformer nos inboxes en outils plaisants, plutôt qu’en corvées.

Au-delà du digital : La logistique et plus encore

Les opportunités ne se limitent pas au virtuel. Zitron imagine une startup défiant Amazon dans la logistique en fédérant des PME autour d’une plateforme type Shopify pour la livraison. Dans l’immobilier, des outils comme Zillow, « gros et satisfaits », pourraient être supplantés par des solutions plus dynamiques. Même Canva, alourdi par des options d’IA inutiles, est vulnérable face à une alternative légère et créative.

Ces idées reposent sur un constat : les consommateurs, qu’ils soient particuliers ou entreprises, en ont assez des produits médiocres. Ils veulent des solutions qui fonctionnent, tout simplement.

Repenser le modèle du capital-risque

Si les startups ont une chance de briller, elles doivent aussi éviter les pièges des géants qu’elles cherchent à remplacer. Zitron critique le modèle actuel du capital-risque, trop focalisé sur une croissance rapide et démesurée. « On a créé une génération de startups qui ont levé trop d’argent et qui n’ont nulle part où aller », déplore-t-il. Cette course aux valorisations astronomiques a produit des entreprises fragiles, incapables de durer.

Pour réussir, les nouvelles pépites devront privilégier la viabilité à long terme et la satisfaction client, plutôt que les levées de fonds tape-à-l’œil. Un retour aux fondamentaux, en somme.

Et maintenant ?

Le tableau dressé par Ed Zitron est sombre, mais porteur d’espoir. Oui, l’internet se dégrade sous le poids d’une croissance maladive. Mais dans chaque faille laissée par les géants, une startup peut planter une graine d’innovation. Que vous soyez un entrepreneur cherchant à disrupter un marché ou un utilisateur lassé des expériences médiocres, une chose est sûre : le moment est venu de repenser le numérique.

Alors, quelles leçons retenir pour votre prochain projet ? Voici un résumé en quelques points clés :

  • Mettez l’utilisateur au centre de votre produit.
  • Identifiez les failles des géants (réseaux sociaux, outils pro, recherche…).
  • Proposez une alternative simple, efficace et respectueuse.
  • Évitez la course aveugle à la croissance imposée par certains VCs.

Le futur d’internet ne appartient pas aux géants fatigués, mais à ceux qui oseront construire des produits qui ne « suck » pas. À vous de jouer.

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