Comment la Lituanie Révolutionne le Défense Tech en Europe

Et si un petit pays de 2,89 millions d’habitants devenait un leader inattendu dans le domaine de la technologie de défense en Europe ? Alors que les tensions géopolitiques s’intensifient, la Lituanie ne se contente pas de suivre les tendances : elle les devance. Avec son fonds souverain de capital-risque, Coinvest Capital, ce pays baltique investit massivement dans des startups spécialisées en défense, une stratégie qui attire l’attention des entrepreneurs, des investisseurs et des passionnés de technologie. Dans un monde où la sécurité devient une priorité, cet article plonge dans les coulisses de cette révolution lituanienne, entre innovation audacieuse, co-création et leçons tirées d’un passé tumultueux.

Une avance pionnière dans le défense tech

En mars 2023, alors que beaucoup d’acteurs européens hésitaient encore, la Lituanie a pris une longueur d’avance en autorisant officiellement Coinvest Capital à investir dans le secteur de la défense. Ce fonds souverain, dirigé par Viktorija Trimbel depuis février de la même année, ne se limite pas aux technologies à double usage (civil et militaire), contrairement à nombre de ses homologues. Ici, l’objectif est clair : renforcer la sécurité nationale et européenne à travers des solutions purement militaires, comme celles développées par *Unmanned Defense Systems* (UDS), une startup basée à Vilnius qui optimise la chaîne d’attaque.

Depuis 2023, Coinvest a injecté environ **6,8 millions d’euros** dans des entreprises de l’aérospatial, de la défense et des technologies duales. À l’échelle d’un pays de cette taille, ce chiffre est impressionnant, surtout si l’on considère le PIB par habitant. Mais au-delà des chiffres, c’est la vision qui frappe : anticiper les besoins dans un contexte où l’Europe se réveille face aux menaces extérieures, notamment depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022.

Une stratégie basée sur la co-création

Le modèle de Coinvest Capital repose sur un principe clé : la **co-création**. Le fonds ne travaille pas seul, mais en partenariat avec des business angels et d’autres VCs. Cette approche collaborative permet de maximiser les ressources et de partager les risques, tout en attirant des investisseurs privés dans un secteur souvent perçu comme risqué. Viktorija Trimbel, avec son énergie débordante, insiste sur l’importance de ce système :

« Nous croyons en la puissance de la collaboration pour accélérer l’innovation et attirer des capitaux intelligents sur le marché. »

– Viktorija Trimbel, Managing Partner de Coinvest Capital

Pour les startups, ce modèle offre un avantage supplémentaire : un partage plafonné des profits qui booste les rendements des investisseurs privés. Par exemple, lors de la sortie de Coinvest de la startup *Interactio* après seulement 18 mois, les anges investisseurs ont vu leurs retours passer de 9x à **34x**. Une aubaine qui dynamise l’écosystème des business angels lituaniens, aujourd’hui fort de 324 membres au sein de LitBAN.

Un écosystème en pleine explosion

En dix ans, la valeur de l’écosystème des startups lituaniennes a été multipliée par **39**. Pourtant, le pays n’a pas encore connu de sortie aussi emblématique que celle de Skype pour l’Estonie voisine. Mais des événements comme la vente secondaire de *Vinted* ont eu un effet boule de neige, libérant des liquidités qui irriguent désormais le marché. Coinvest Capital joue un rôle d’accélérateur dans ce mouvement, en soutenant des projets qui allient ambition technologique et impact stratégique.

Dans le domaine du **défense tech**, les startups lituaniennes ne se contentent pas de suivre les géants américains, qui lèvent des milliards. Elles innovent à leur échelle, avec des solutions adaptées aux besoins européens. UDS, par exemple, se concentre sur des systèmes sans pilote qui renforcent la résilience militaire, un enjeu crucial dans une région marquée par son histoire.

Une mémoire collective au service de l’avenir

Pour comprendre l’engagement de la Lituanie dans le défense tech, il faut remonter à son passé. En 1991, lors des « événements de janvier », Viktorija Trimbel, alors âgée de 18 ans, a vu de ses propres yeux des tanks russes écraser des civils lituaniens luttant pour leur indépendance. Cette expérience, partagée par beaucoup dans le pays, a forgé une détermination sans faille :

« Chez nous, la nécessité d’investir dans la défense n’est pas une leçon théorique, c’est une réalité vécue par chaque famille. »

– Viktorija Trimbel

Cette mémoire collective explique pourquoi la Lituanie consacre aujourd’hui entre **5 et 6 % de son PIB** à la défense, un pourcentage bien supérieur à celui de nombreux pays européens. Elle soutient également des initiatives comme *Radarom*, une campagne de collecte de fonds qui a récolté **5,6 millions d’euros** en 2025 pour des drones et systèmes anti-drones destinés à l’Ukraine.

Des initiatives qui mobilisent la société

La mobilisation ne se limite pas aux investissements. En Lituanie, la société civile joue un rôle actif, notamment via des organisations comme l’*Union des Tireurs Lituaniens* (LRU). Ce groupe, soutenu par le gouvernement, ne se contente pas de former les citoyens à la défense : il co-organise des événements comme le hackathon *Fire Shield*, qui revient en 2025 pour une troisième édition. Ces initiatives réunissent startups, ingénieurs et militaires pour concevoir des solutions innovantes face aux menaces actuelles.

Trimbel elle-même incarne cet esprit d’action. Pendant la pandémie de COVID-19, elle a contribué à un projet de protection par ventilation basée sur des casques. Aujourd’hui, elle voit dans ces expériences une préparation aux défis actuels :

« La crise du COVID a été un excellent entraînement pour mobiliser la société face à une menace. »

– Viktorija Trimbel

Un équilibre entre défense et bien-être

Même si le défense tech est au cœur de sa stratégie, Coinvest ne néglige pas d’autres secteurs. Parmi ses investissements, on trouve *Walk15*, une startup qui promeut l’activité physique via des événements comme la « Marche des Labradors », une randonnée avec des chiens pour encourager les gens à bouger. Ce mélange d’innovation sociale et technologique montre que la Lituanie ne sacrifie pas le bien-être au profit de la sécurité.

Cette approche équilibrée pourrait inspirer d’autres pays européens, qui cherchent encore comment concilier compétitivité économique et résilience stratégique. Pour Trimbel, cependant, une chose reste claire : sans un soutien suffisant à l’Ukraine et une défense renforcée, aucun retour sur investissement ne comptera.

Pourquoi cette tendance concerne les entrepreneurs

Pour les entrepreneurs et les professionnels du marketing, du business ou de la tech, l’exemple lituanien est riche d’enseignements. Voici pourquoi :

  • Opportunités de niche : Le défense tech, encore sous-exploité en Europe, offre un terrain fertile pour les startups innovantes.
  • Collaboration public-privé : Le modèle de co-création de Coinvest montre comment travailler avec les gouvernements pour scaler rapidement.
  • Impact géopolitique : Investir dans la sécurité peut aussi être une stratégie de branding puissante pour les entreprises technologiques.

À l’heure où l’IA, la robotique et les drones redéfinissent la guerre moderne, les entrepreneurs ont une chance unique de participer à cette transformation, tout en répondant à des enjeux globaux.

Une leçon pour l’Europe et au-delà

La Lituanie, avec ses **2,89 millions d’habitants**, prouve qu’un petit pays peut avoir un impact disproportionné grâce à une vision claire et une exécution audacieuse. En plaçant le **défense tech** au cœur de sa stratégie, elle ne se contente pas de protéger ses frontières : elle inspire une Europe en quête de résilience. Pour les investisseurs, les startups et les passionnés de technologie, c’est un signal fort : l’innovation ne connaît pas de taille, mais elle exige du courage.

Alors que Viktorija Trimbel et son équipe continuent de pousser cette révolution, une question demeure : votre prochaine grande idée pourrait-elle naître dans ce nouvel eldorado technologique ?

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