Et si l’Europe se retrouvait un jour privée de moteurs de recherche, d’emails ou de logiciels bureautiques ? Impensable, dites-vous ? Pourtant, ce scénario n’est pas si éloigné de la réalité. En mars 2025, une coalition inédite de plus de 80 acteurs majeurs de l’industrie technologique européenne tire la sonnette d’alarme. Dans une lettre ouverte adressée à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, ces entreprises et associations appellent à une révolution dans la stratégie numérique du continent. Leur leitmotiv ? Réduire la dépendance aux géants étrangers, notamment américains, en misant sur des solutions locales. À l’heure où les tensions géopolitiques s’intensifient et où les États-Unis affichent une politique “America First” décomplexée, cette initiative pourrait redéfinir l’avenir du business, des startups et de l’innovation en Europe. Plongeons dans ce cri du cœur tech qui résonne comme un appel à l’action pour les entrepreneurs, marketeurs et décideurs.
Un Contexte Géopolitique qui Change la Donne
Le monde numérique n’a jamais été aussi stratégique. Lors de la conférence de Munich sur la sécurité, le vice-président américain JD Vance n’a pas mâché ses mots : l’ordre international d’après-guerre est en lambeaux. Avec Donald Trump aux manettes, les États-Unis ne cachent plus leur volonté de maintenir une domination digitale sans partage. Un décret présidentiel pourrait, du jour au lendemain, couper l’accès à des services cruciaux fournis par des entreprises américaines. Pour Wolfgang Oels, COO d’Ecosia, cette menace n’est pas théorique. Il évoque l’exemple ukrainien : “Trump a coupé l’accès à des infrastructures vitales parce que l’Ukraine refusait de céder ses terres et ses minerais.” En Europe, où une grande partie des infrastructures numériques – cloud, logiciels, connectivité – repose sur des acteurs étrangers, ce constat fait froid dans le dos. Pour les startups et les entreprises du vieux continent, cette dépendance pourrait devenir un talon d’Achille fatal.
“Imaginez l’Europe sans recherche en ligne, emails ou logiciels de bureau. Ce serait l’effondrement total de notre société.”
– Wolfgang Oels, COO d’Ecosia
Ce n’est pas qu’une question de sécurité. C’est aussi une affaire d’opportunité économique. Si l’Europe continue de s’appuyer sur les hyperscalers américains comme AWS, Microsoft ou Google, elle risque de rater le train de l’innovation et de la croissance. La coalition met en garde : sans un virage rapide, la dépendance aux technologies étrangères sera quasi totale d’ici trois ans. Un enjeu majeur pour les acteurs du marketing digital, des startups et de l’IA, qui pourraient voir leurs ambitions bridées par un écosystème hors de leur contrôle.
La Proposition : Miser sur un “Euro Stack”
Au cœur de cette mobilisation, une idée ambitieuse : le développement d’un “Euro Stack”, une pile technologique 100 % européenne couvrant applications, plateformes, IA, puces, stockage et connectivité. L’objectif ? Créer une infrastructure numérique souveraine capable de rivaliser avec les géants étrangers. Cette vision, esquissée dans un document stratégique publié en janvier par l’économiste Cristina Caffarra, ne sort pas de nulle part. Elle s’appuie sur des initiatives existantes et une prise de conscience croissante dans les cercles tech européens. Mais pour y parvenir, il faut un changement radical de paradigme. Fini le temps où l’Europe accueillait à bras ouverts les hyperscalers étrangers sans poser de conditions. Aujourd’hui, il s’agit de privilégier les solutions locales et de stimuler la demande pour les acteurs européens.
Parmi les signataires de la lettre, on retrouve des noms comme Airbus, OVHCloud, Proton ou Nextcloud. Ces entreprises, aux côtés d’associations de startups et de fédérations professionnelles, plaident pour une stratégie quasi militaire. Leur argument ? Si l’industrie perçoit une demande suffisante, elle investira massivement. Mais sans intervention politique, les dés sont pipés face à la puissance des géants américains. Pour les entrepreneurs et marketeurs, cette initiative pourrait ouvrir de nouvelles perspectives : imaginez un écosystème où vos outils de communication digitale ou vos solutions cloud sont conçus et hébergés en Europe, avec des garanties de sécurité et d’indépendance.
Acheter Local : Une Solution Pragmatique
Comment concrétiser cette ambition ? La coalition propose une mesure phare : imposer aux institutions publiques d’acheter une part significative de leurs solutions numériques auprès de fournisseurs européens. Cristina Caffarra appelle ça un “no brainer” – une évidence. “Les Américains achètent américain, les Chinois achètent chinois, pourquoi pas nous ?” lance-t-elle. Cette idée d’un “Buy European” ne vise pas à fermer les portes aux acteurs étrangers, mais à rééquilibrer la balance pour donner une chance aux solutions locales de se développer.
Pour le secteur privé, des incitations comme des vouchers ou des subventions pourraient encourager le passage à des alternatives européennes. Johan Christenson, ex-fondateur de Cleura et aujourd’hui chez Iver, compare ce projet à la création d’Airbus : une initiative structurante pour fédérer les forces européennes. Pour les startups, cela signifie un marché plus accessible, avec des opportunités de croissance dopées par une demande institutionnelle. Et pour les marketeurs ? Des outils souverains qui garantissent la confidentialité des données clients, un argument de poids à l’ère du RGPD.
- Stimuler la demande via des obligations d’achat public.
- Offrir des incitations financières pour le privé.
- Favoriser les solutions déjà matures pour un impact rapide.
Fédération et Standards : La Clé de la Compétition
Créer une infrastructure souveraine ne se limite pas à acheter local. Il faut aussi que les acteurs européens collaborent. La lettre insiste sur une approche de “fédération et pooling” : regrouper les ressources, développer des standards communs et encourager l’interopérabilité. Prenons l’exemple du cloud : des initiatives comme Gaia-X, lancées en 2020, ont échoué en partie parce qu’elles ont laissé entrer les hyperscalers américains, qui ont dilué l’ambition initiale. Cette fois, l’idée est de miser sur des solutions open source et des plateformes d’intégration pour accélérer l’adoption.
Frank Karlitschek, CEO de Nextcloud, va plus loin : “La souveraineté numérique passe par l’open source.” Il propose que 50 à 80 % des infrastructures critiques adoptent cette approche d’ici quelques années. Un tel virage pourrait déclencher une vague d’innovation, notamment pour les startups tech et les entreprises d’IA, qui pourraient s’appuyer sur des bases ouvertes et évolutives. Pour les marketeurs, cela signifie des outils personnalisables, loin des carcans propriétaires des géants US.
Un Fonds Souverain pour l’Avenir
Pour financer cette révolution, la coalition appelle à la création d’un “Fonds d’Infrastructure Souveraine”. Objectif : soutenir les investissements publics dans des domaines capitalistiques comme les puces ou l’informatique quantique. Cristina Caffarra tempère : pas besoin de sommes colossales. Quelques millions bien ciblés, notamment vers l’open source ou les startups en phase précoce, pourraient suffire à amorcer le mouvement. Any Yen, fondateur de Proton, insiste sur l’urgence : “L’Europe est en retard non pas par manque de talent, mais par manque de demande.” Un fonds stratégique pourrait changer la donne pour les entrepreneurs et les investisseurs en quête d’opportunités locales.
Et si ce fonds devenait le catalyseur d’un écosystème tech européen ? Les marketeurs y verraient un vivier d’outils innovants, les startups un tremplin pour scaler, et les entreprises une alternative crédible aux solutions étrangères. Une vision qui pourrait séduire les décideurs lassés de voir les talents européens partir chercher fortune outre-Atlantique.
Repenser le Rôle de l’UE : Moins d’Academia, Plus d’Industrie
La coalition ne se contente pas de proposer : elle critique. Selon elle, les efforts actuels de l’Union européenne en matière de souveraineté numérique sont mal orientés. Trop de fonds vont à la recherche académique ou à des projets expérimentaux, pas assez à des initiatives commerciales concrètes. Caffarra est cinglante : “Les ‘AI factories’ de l’UE ? Inutiles si elles restent dans les mains des universitaires.” La lettre appelle Bruxelles à laisser l’industrie prendre les rênes, en mobilisant des groupes de travail pour transformer les ambitions en actions tangibles.
Pour les startups, cela pourrait signifier moins de bureaucratie et plus de soutien direct. Pour les marketeurs et les entreprises tech, un accès facilité à des solutions prêtes à l’emploi, conçues pour répondre aux besoins du marché. L’enjeu est clair : sans cette réorientation, l’Europe risque de perdre la bataille de l’autonomie digitale.
Les Risques de l’Inaction
Que se passe-t-il si l’Europe ne bouge pas ? La coalition est catégorique : la mainmise des hyperscalers américains sur le cloud et les infrastructures critiques sera totale. Frank Karlitschek évoque un risque de “chantage économique” sous la pression d’une administration américaine imprévisible. Any Yen renchérit : “Le DMA (Digital Markets Act) ne suffit pas. Un an après son entrée en vigueur, rien n’a changé.” Les parts de marché des géants US restent intactes, et l’économie européenne stagne.
Pour les entrepreneurs, cela signifie une dépendance accrue aux outils étrangers, avec des coûts croissants et des risques de sécurité. Pour les marketeurs, c’est une menace sur la confidentialité des données, un enjeu clé dans un monde post-RGPD. Et pour l’IA ? Sans infrastructure locale, l’Europe risque de devenir un simple consommateur des modèles américains, au lieu d’en être un acteur.
Une Opportunité pour les Startups et le Business
Et si cette crise était une chance ? En soutenant un “Euro Stack”, l’Europe pourrait créer un terrain de jeu inédit pour ses startups. Des acteurs comme OVHCloud ou Nextcloud montrent qu’il existe déjà des solutions viables. Avec une demande institutionnelle et des standards ouverts, ces entreprises pourraient scaler rapidement, offrant aux marketeurs et aux entreprises des alternatives compétitives. Imaginez une campagne digitale entièrement gérée via des outils souverains, ou une startup IA s’appuyant sur un cloud européen pour défier les géants.
Le message est clair : l’Europe doit penser “Europe First”. Pas par protectionnisme aveugle, mais par pragmatisme stratégique. Comme le souligne Any Yen, “les États-Unis et la Chine l’ont toujours fait. Pourquoi pas nous ?” Pour les acteurs du business et de la tech, c’est une invitation à rejoindre le mouvement, à investir dans des solutions locales et à repenser leurs stratégies.
Conclusion : Le Temps de l’Action
La lettre de la coalition tech européenne n’est pas un simple manifeste. C’est un appel urgent à repenser la place de l’Europe dans le monde numérique. En misant sur l’achat local, la fédération des ressources et un fonds souverain, le continent peut se doter d’une infrastructure numérique autonome et compétitive. Pour les startups, les marketeurs et les entreprises, c’est une occasion unique de s’inscrire dans un écosystème en pleine mutation. Mais le temps presse. Comme le martèle Cristina Caffarra, “sans changement radical, l’Europe perdra sa chance d’innover.” Alors, prêt à parier sur un futur tech made in Europe ?