Quel est le point commun entre l’agriculture et le secteur de la construction ? Ce sont les deux industries les moins numérisées à ce jour. Pourtant, la nécessaire transition énergétique pousse à l’innovation, notamment pour rénover massivement le parc immobilier existant. C’est le défi que s’est lancé la jeune pousse française Kelvin, en exploitant le potentiel de l’intelligence artificielle pour révolutionner les audits énergétiques des logements.
300 millions de foyers à rénover en Europe
L’enjeu est de taille. Selon Clémentine Lalande, CEO de Kelvin, ce sont pas moins de 300 millions de logements qui devront être rénovés au cours des 30 prochaines années en Europe, pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2. Rien qu’en France, l’ANAH (Agence nationale de l’habitat) vise 200 000 rénovations dès 2024.
Le frein principal ? Le manque de main d’œuvre qualifiée pour mener à bien les audits énergétiques, première étape indispensable avant toute rénovation. C’est là qu’intervient Kelvin et sa solution logicielle basée sur l’IA.
Une IA entraînée sur des millions de données
La technologie de Kelvin repose sur un modèle d’intelligence artificielle spécialisé dans l’analyse des performances thermiques des bâtiments. Il a été entraîné sur un vaste ensemble de données :
- Des millions de photos et de vidéos de logements
- Des centaines de milliers de rapports d’audits énergétiques
- Des données satellites, cadastrales et topographiques en open data
Grâce au machine learning, l’IA de Kelvin est capable de détecter automatiquement sur des photos et vidéos de nombreux éléments clés pour l’audit : type de chauffage et ventilation, nombre de radiateurs, hauteur sous plafond, etc. Combiné à l’analyse des données publiques (année de construction, matériaux, etc.), le logiciel peut ainsi estimer avec précision la performance énergétique d’un logement.
Une précision à 5% près, sans matériel spécifique
L’avantage de l’approche de Kelvin est double. D’une part, les premiers tests montrent que ses évaluations énergétiques atteignent une précision à 5% près par rapport aux audits traditionnels. D’autre part, la solution ne nécessite pas d’équipement high-tech comme du matériel de scan 3D. Un simple smartphone suffit pour prendre les photos et vidéos qui seront analysées par l’IA.
Notre objectif est de développer un outil qui puisse être déployé à très grande échelle pour accélérer la rénovation énergétique
Clémentine Lalande, CEO de Kelvin
Une levée de fonds de 4,7 millions d’euros
Convaincus par cette approche prometteuse, plusieurs investisseurs de renom ont participé à une levée de fonds de 4,7 millions d’euros début 2024 pour soutenir le développement de Kelvin. Le tour de table a été mené par Racine², avec la participation de Bpifrance, Seedcamp, Raise Capital, Kima Ventures, Motier Ventures et plusieurs business angels.
Ce financement va permettre à la startup, fondée fin 2023, d’étoffer son équipe d’ingénieurs pour perfectionner sa technologie propriétaire. Mais aussi de démarrer la commercialisation auprès de clients potentiels variés : entreprises de construction, agences immobilières, organismes financiers, etc.
Vers un standard des audits énergétiques ?
Si elle tient ses promesses, la solution de Kelvin pourrait bien s’imposer comme un standard sur le marché des audits énergétiques. En permettant des évaluations rapides, précises et facilement comparables d’un logement à l’autre, elle apporterait une vraie valeur ajoutée à tous les acteurs de la rénovation énergétique.
Un enjeu crucial pour tenir les objectifs ambitieux de rénovation du parc immobilier européen et contribuer ainsi à la lutte contre le changement climatique. La jeune pousse française peut en tout cas compter sur un alignement des planètes, entre incitations réglementaires, prise de conscience écologique et progrès technologiques, pour bouleverser ce secteur encore trop traditionnel.