Amazon Face à un Contrôle Accru de l’UE sur ses Algorithmes

Dans sa dernière action ciblant un grand marché en ligne, la Commission européenne a envoyé vendredi une nouvelle demande d’informations à Amazon concernant sa conformité au règlement européen sur les services numériques (DSA). Cette démarche met en lumière les domaines où les régulateurs de l’UE renforcent leur surveillance du géant du e-commerce, en demandant plus de détails sur ses systèmes de recommandation, ses dispositions en matière de transparence publicitaire et ses mesures d’évaluation des risques.

Des demandes répétées d’informations complémentaires

Une précédente demande d’informations de la Commission à Amazon, en novembre dernier, portait sur les évaluations des risques et les mesures d’atténuation concernant la diffusion de produits illégaux, ainsi que la protection des droits fondamentaux, notamment en relation avec ses systèmes de recommandation. Un porte-parole de la Commission a confirmé qu’Amazon avait reçu trois demandes au total, suite à une demande de janvier pour plus d’informations sur la façon dont il fournit un accès aux données pour les chercheurs.

Les règles supplémentaires s’appliquent à Amazon depuis fin août de l’année dernière, suite à sa désignation par l’UE comme très grande plateforme en ligne (VLOP) en avril 2023.

Il revient à la Commission de faire respecter ces obligations supplémentaires aux VLOP. Si cette dernière demande d’informations à Amazon débouchera sur une enquête formelle sur sa conformité au DSA, les enjeux restent élevés pour le géant du e-commerce. Toute violation confirmée pourrait coûter très cher, car les sanctions pour non-respect de cette loi paneuropéenne peuvent atteindre jusqu’à 6% du chiffre d’affaires annuel mondial.

Accent mis sur la transparence des algorithmes de recommandation

Dans un communiqué de presse détaillant son action, la Commission a indiqué avoir envoyé à Amazon une demande d’informations relatives aux mesures prises pour se conformer aux règles du DSA en matière de transparence des systèmes de recommandation et de leurs paramètres. Elle a également précisé qu’elle demandait plus d’informations sur les dispositions prises par Amazon pour maintenir un référentiel publicitaire, une autre étape de transparence légalement obligatoire pour les grandes plateformes.

La Commission souhaite aussi obtenir plus de détails sur le rapport d’évaluation des risques d’Amazon. Le DSA exige des VLOP qu’elles évaluent de manière proactive les risques systémiques qui pourraient survenir sur leurs plateformes et qu’elles prennent des mesures pour atténuer les problèmes. Les plateformes doivent également documenter leur processus de conformité.

En particulier, il est demandé à Amazon de fournir des informations détaillées sur sa conformité aux dispositions concernant la transparence des systèmes de recommandation, les facteurs d’entrée, les caractéristiques, les signaux, les informations et les métadonnées appliqués pour ces systèmes et les options proposées aux utilisateurs pour se désinscrire du profilage pour les systèmes de recommandation.

– La Commission européenne

L’entreprise doit également fournir plus d’informations sur la conception, le développement, le déploiement, les tests et la maintenance de l’interface en ligne de la bibliothèque publicitaire d’Amazon Store, ainsi que les documents justificatifs concernant son rapport d’évaluation des risques.

Amazon conteste certaines obligations du DSA

Amazon, de son côté, n’est pas satisfait du régime européen. L’année dernière, il a contesté sa désignation DSA en tant que VLOP. Et à l’automne dernier, il a obtenu une suspension partielle d’un élément de la conformité des VLOP au DSA, à savoir l’obligation de publier une bibliothèque publicitaire. Cependant, en mars, le Tribunal de l’UE a annulé la décision antérieure, levant la suspension partielle.

Suite à sa désignation en tant que très grande plateforme en ligne et à la décision de la Cour de rejeter la demande d’Amazon de suspendre l’obligation de rendre son référentiel publicitaire accessible au public, Amazon est tenu de se conformer à l’ensemble des obligations du DSA.

– La Commission européenne

Étant donné qu’Amazon a dépensé de l’argent en avocats pour tenter de faire valoir les raisons pour lesquelles il ne devrait pas avoir à se conformer à l’élément de bibliothèque publicitaire du DSA – et l’annulation ultérieure de la suspension – il n’est pas trop surprenant que ce soit l’un des domaines où la Commission cherche maintenant plus d’informations.

Quelles conséquences pour Amazon ?

L’UE a donné à Amazon jusqu’au 26 juillet pour fournir les informations demandées. Après cela, les prochaines étapes dépendront de son évaluation de la réponse. Mais l’incapacité à répondre de manière satisfaisante à une demande d’informations pourrait elle-même déclencher une sanction.

L’année dernière, l’UE a désigné les marchés en ligne comme l’une des quelques questions prioritaires pour l’application des règles du DSA aux VLOP. Et elle s’est montrée attentive à ce domaine, envoyant récemment des demandes d’informations distinctes aux VLOP de marketplaces concurrents, Shein et Temu, peu après leur désignation.

L’intérêt marqué pour les algorithmes de recommandation s’explique par leur pouvoir d’influencer toute l’expérience des utilisateurs de la plateforme en déterminant le contenu et/ou les produits qu’ils voient. L’UE veut donc que le DSA agisse comme un bouclier contre les risques de préjudices sociétaux induits par l’IA, comme les plateformes poussant du contenu nuisible pour la santé mentale des gens ou recommandant aux acheteurs d’acheter des produits dangereux. Mais atteindre cet objectif nécessitera une application rigoureuse de la réglementation.

Amazon devra donc redoubler de vigilance et de transparence concernant ses algorithmes et pratiques publicitaires s’il veut éviter les sanctions et amendes potentiellement très lourdes prévues par le DSA. Un nouveau défi réglementaire pour le mastodonte du e-commerce, qui devra trouver le juste équilibre entre conformité et préservation de son modèle économique.

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MondeTech.fr

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