Alors que les investisseurs en capital-risque continuent d’injecter des sommes colossales dans les startups de technologie de défense, un nouveau vivier de recrutement émerge : les anciens militaires et ex-fonctionnaires du Département de la Défense américain (DoD). Un mouvement qui illustre le rapprochement grandissant entre la Silicon Valley et le Pentagone.
Des Recrues de Choix pour les VC
Des firmes de renom comme Andreessen Horowitz, Lux Capital ou encore Shield Capital ont ainsi récemment intégré d’anciens hauts gradés à des postes clés. Un atout de taille pour ces sociétés d’investissement, comme l’explique Ali Javaheri, analyste chez PitchBook :
Recruter d’ex-militaires apporte une compréhension des problèmes réels sur le champ de bataille, au lieu de simplement théoriser depuis la Silicon Valley.
Ali Javaheri, analyste chez PitchBook
Un Secteur en Plein Boom
Cette tendance accompagne l’engouement continu pour l’investissement dans les technologies de défense. Selon un rapport de PitchBook, près de 35 milliards de dollars ont été injectés dans ces startups en 2023, et déjà plus de 9 milliards jusqu’ici en 2024. Des levées de fonds impressionnantes rythment ce secteur, à l’image de Shield AI (500M$) ou Anduril (1,5Md$).
Malgré un ralentissement cette année, ce domaine fait preuve d’une certaine résilience face à un climat global morose pour les levées de fonds. Mais tout n’est pas rose pour autant. Le processus d’acquisition du DoD reste laborieux, obligeant parfois les startups à patienter des années avant de décrocher le moindre contrat.
Le Nerf de la Guerre : le Réseau
Dans ce contexte, pouvoir compter sur le carnet d’adresses d’anciens militaires est un avantage compétitif certain pour les sociétés d’investissement. Comme le souligne Javaheri :
Vous avez accès à leur réseau, ils peuvent discuter avec un officier de programme qui est en charge des budgets d’un bureau militaire spécifique. L’armée est une organisation très axée sur le réseau.
Ali Javaheri, analyste chez PitchBook
De leur côté, les ex-militaires y trouvent une deuxième carrière lucrative, au contact de technologies de pointe. Un attrait bien résumé par Chris O’Donnell, ex-SEAL devenu VC : « Il y a quelques années, vous seriez devenu vice-président chez Lockheed Martin – pas sexy du tout ».
Quel Avenir Pour Ces Investissements ?
Reste une ombre au tableau : le manque de débouchés clairs pour ces investissements, en dehors de quelques introductions en bourse comme Palantir en 2020. Même si la fenêtre des IPO n’était pas actuellement fermée, Javaheri voit peu d’entreprises en capacité de franchir ce cap.
Il conseille plutôt aux investisseurs de miser sur des cibles d’acquisition potentielles, ironiquement par ces mêmes géants de la défense boudés par les ex-militaires. « Il y a de grandes chances que les acteurs établis de la défense gobent certaines des plus petites sociétés », prédit-il.
Un Retour aux Sources Pour la Silicon Valley
Mais pour l’heure, la hype autour de la défense tech ne faiblit pas, offrant aux vétérans une voie royale pour recycler leur expertise. Un juste retour des choses pour la Silicon Valley, dont l’industrie tech a émergé au carrefour de la recherche universitaire et des dépenses militaires, rappelle Javaheri :
La Silicon Valley est revenue à ses racines et travaille en étroite collaboration avec le Pentagone dans cet environnement géopolitique de plus en plus tendu et compétitif.
Ali Javaheri, analyste chez PitchBook
Une proximité renouvelée qui bouscule les lignes entre sphères civile et militaire, au profit de l’innovation technologique. Un mariage de raison qui semble parti pour durer, tant que les cordons de la bourse resteront déliés.