Garantir l’accessibilité numérique à plus de 15% de la population mondiale en situation de handicap est devenu un enjeu crucial et un droit fondamental. Pourtant, les organisations publiques et privées peinent encore à rendre leurs services numériques pleinement accessibles. Quels sont les obstacles auxquels elles font face et comment les surmonter ?
Une réglementation dense et fragmentée
Le cadre international des WCAG (Web Content Accessibility Guidelines) pose les bases d’une norme mondiale d’accessibilité web. Mais son application varie grandement selon les législations propres à chaque pays. À cela s’ajoutent les distinctions réglementaires entre secteurs public et privé, ainsi que la nécessité pour les multinationales de se conformer à de multiples régimes juridiques. Résultat : un cadre légal complexe et en constante évolution, difficile à suivre pour les organisations.
En Europe, l’Acte européen sur l’accessibilité vise à harmoniser les règles. Mais sa transposition dans les législations nationales prend du retard, à l’image de la France où l’on attend toujours sa traduction, malgré l’existence du Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA) depuis 2009.
Le manque d’harmonisation des normes, l’évolution constante des exigences légales et les mises à jour technologiques transforment la mise en place de l’accessibilité numérique en une course entre innovation et conformité.
Des défis structurels pour les organisations
Au-delà de la complexité réglementaire, les organisations font face à des contraintes structurelles dans leur mise en conformité :
- Le manque de compétences internes, avec des équipes peu formées aux enjeux et techniques de l’accessibilité numérique.
- L’absence d’une culture de l’accessibilité, pas encore suffisamment intégrée en amont dans les processus de conception (design, développement, marketing…).
- La complexité et le coût des audits de conformité, qui nécessitent des outils spécifiques et des expertises variées.
- Des corrections lourdes et coûteuses quand l’accessibilité n’a pas été pensée dès le début du projet.
- La difficulté de déployer les standards d’accessibilité de façon continue et homogène sur tous les services numériques de l’organisation (sites, intranets, extranets, applications…)
Des solutions pour simplifier la mise en accessibilité
Face à ces défis, quelles pistes pour faciliter la transition des organisations vers le numérique accessible ? Plusieurs leviers complémentaires peuvent être actionnés :
- Harmoniser les normes et référentiels d’accessibilité à l’échelle internationale pour une meilleure coordination.
- Former et sensibiliser massivement les équipes impliquées dans la production des services numériques (designers, développeurs, chefs de projet…).
- Intégrer l’accessibilité le plus en amont possible dans les projets et généraliser les approches de conception inclusive centrées sur les besoins des utilisateurs.
- S’appuyer sur les innovations technologiques et l’IA pour faciliter la détection et la correction des problèmes d’accessibilité, tout en gardant un contrôle humain.
L’intelligence artificielle promet par exemple des outils d’aide à la conception et au développement pour intégrer directement les règles d’accessibilité. Mais la plupart des experts du domaine défendent la nécessité de conserver un avis humain pour auditer une partie des critères d’accessibilité (au moins 30 % des critères du RGAA).
L’accessibilité numérique, au-delà des obligations légales
Si la mise en conformité à l’accessibilité numérique peut sembler complexe et coûteuse, elle devient incontournable à l’heure où la population est de plus en plus connectée et dépendante des services en ligne.
Mais au-delà des obligations légales, l’accessibilité est surtout un levier stratégique pour les organisations. Elle permet d’élargir son public et son marché, d’améliorer l’expérience et la satisfaction de tous les utilisateurs, ou encore de renforcer son image et ses valeurs d’inclusion.
En adoptant une démarche proactive et en faisant de l’accessibilité une priorité, les entreprises et organismes publics ont donc beaucoup à gagner. Cela demande un effort conjoint et coordonné de toutes les parties prenantes : régulateurs, entreprises, citoyens. Un effort nécessaire pour construire une société numérique plus inclusive, où personne n’est laissé à la marge.