Alors qu’Aurora Innovation se prépare à lancer son service de camions autonomes en avril prochain, l’entreprise se heurte à un obstacle de taille : les règles de sécurité fédérales conçues pour les conducteurs humains. Pour faire avancer sa cause, Aurora a décidé de porter l’affaire devant la Cour d’appel du District de Columbia, dans l’espoir de faire évoluer ces règles jugées obsolètes par l’industrie des véhicules autonomes.
Le cœur du problème : les triangles de signalisation
Lorsqu’un camion tombe en panne sur l’autoroute, le conducteur doit placer des triangles de signalisation réfléchissants autour du véhicule pour alerter les autres usagers de la route. Une pratique courante et obligatoire, mais qui pose problème pour les camions autonomes. En effet, sans conducteur à bord, personne ne peut disposer ces fameux triangles.
Face à cette impasse, Aurora et d’autres acteurs comme Waymo ont proposé une solution alternative : installer des feux d’avertissement clignotants directement sur la cabine du camion. Une demande d’exemption qui a été rejetée par l’agence fédérale en charge de la sécurité des transports routiers (FMCSA), estimant que cette solution n’offrait pas un niveau de sécurité équivalent ou supérieur aux triangles.
Les règles de sécurité vieilles de 52 ans sont obsolètes et ne prennent pas en compte les avancées technologiques des véhicules autonomes.
– Melissa Wade, directrice des relations gouvernementales chez Aurora
Des études qui ne plaident pas en faveur des feux d’avertissement
Pour justifier son refus, la FMCSA s’est appuyée sur les propres études menées par Aurora et Waymo. Des tests qui ont révélé que les feux d’avertissement proposés étaient moins performants que les triangles dans plusieurs scénarios clés, notamment lorsque le camion était arrêté dans un virage.
L’agence a également soulevé d’autres limites liées à ces feux, comme le fait que les conducteurs risquent de voir l’arrière du camion avant de remarquer les signaux lumineux. Des arguments qui n’ont pas convaincu Aurora, déterminée à faire valoir son point de vue devant la justice.
Un enjeu crucial pour l’avenir des camions autonomes
Si Aurora obtient gain de cause, cela pourrait créer un précédent et ouvrir la voie à une révision plus large des règles de sécurité pour les véhicules autonomes. Un enjeu de taille pour cette industrie en plein essor, qui doit composer avec un cadre réglementaire inadapté à ses innovations.
Vous seriez surpris de constater à quel point une semi-remorque de 53 pieds peut se fondre dans le décor, surtout la nuit. Si vous percutez l’arrière d’un semi, même en étant vous-même dans un semi, vos chances de survie sont minces. Alors pourquoi prendre le risque ?
– Angie Griffin, camionneuse depuis 17 ans
Au-delà des feux d’avertissement, d’autres pistes sont envisagées pour adapter les camions autonomes aux règles de sécurité. Certains suggèrent par exemple d’équiper les remorques de feux de signalisation, une solution plus visible mais qui impliquerait de modifier les équipements des transporteurs partenaires.
Une bataille juridique aux multiples enjeux
Le combat d’Aurora face aux régulateurs illustre parfaitement les défis auxquels sont confrontées les entreprises de véhicules autonomes. Au-delà des prouesses technologiques, elles doivent composer avec un cadre légal qui peine à suivre le rythme de l’innovation.
Cette bataille juridique revêt donc une dimension stratégique pour Aurora, qui espère bénéficier d’un environnement réglementaire plus favorable sous l’administration Biden. Une approche pragmatique sera nécessaire pour concilier les impératifs de sécurité routière avec le potentiel immense des camions autonomes en termes d’efficacité et de productivité.
Les prochains mois s’annoncent décisifs pour Aurora et l’industrie des véhicules autonomes dans son ensemble. Si les régulateurs acceptent de faire évoluer les règles, cela pourrait donner un coup d’accélérateur majeur au déploiement des camions autonomes sur les routes américaines. Une révolution qui promet de transformer en profondeur le secteur du transport et de la logistique.