Imaginez un instant : après avoir vendu votre entreprise pour 6,5 milliards de dollars, que feriez-vous ? Certains opteraient pour une île privée, d’autres pour une retraite paisible. Ross Mason, lui, a choisi une tout autre voie. Avec son expérience de fondateur de MuleSoft, rachetée par Salesforce en 2018, il s’est lancé dans une nouvelle aventure : soutenir les jeunes pousses technologiques européennes. Ainsi est né DIG Ventures, un fonds qui vient de lever 100 millions de dollars pour dynamiser les startups en phase précoce, notamment dans les secteurs de l’IA, du SaaS B2B et des infrastructures cloud. Une initiative qui pourrait bien redéfinir le paysage du capital-risque en Europe.
Une Nouvelle Ère pour le Capital-Risque Européen
Le monde du capital-risque, ou *venture capital*, évolue à grands pas. Aux États-Unis, les anciens fondateurs devenus investisseurs – les fameux “operator VCs” – dominent le secteur. Pensez à des figures comme Peter Thiel ou Marc Andreessen, qui ont transformé leurs succès entrepreneuriaux en leviers pour identifier et soutenir les futures licornes. En Europe, en revanche, ce modèle reste encore peu répandu. La majorité des investisseurs viennent traditionnellement du milieu bancaire ou financier, souvent déconnectés des réalités opérationnelles des startups. Mais les choses changent, et DIG Ventures incarne ce tournant.
Porté par Ross Mason et Melissa Klinger, ancienne responsable des ventes au Royaume-Uni chez MuleSoft, ce fonds se distingue par son approche pragmatique et terrain. Leur objectif ? Accompagner les startups dès leurs premiers pas – phases *pré-seed* et *seed* – en leur offrant bien plus que du capital : une expertise concrète pour transformer une idée en succès commercial. Avec cette levée de 100 millions de dollars, annoncée le 9 avril 2025 par TechCrunch, DIG Ventures s’impose comme un acteur à suivre.
Qui se Cache Derrière DIG Ventures ?
Le duo Mason-Klinger ne vient pas seul. Ils ont réuni une équipe d’anciens entrepreneurs chevronnés, renforçant la promesse d’un fonds “par des opérateurs, pour des opérateurs”. Parmi eux, Rytis Vitkauskas, qui a fondé *YPlan* (revendu à Time Out) et passé du temps chez Lightspeed, ainsi que Scott Grimes, co-fondateur de *Stackin’* et *Uproxx* (racheté par Warner Music). Cette équipe cumule des années d’expérience dans la création et la vente de produits technologiques complexes, une rareté dans l’écosystème européen.
“Après MuleSoft, j’ai vu une opportunité unique de revenir en Europe et de bâtir un fonds dirigé par des opérateurs.”
– Ross Mason, fondateur de DIG Ventures
Cette vision est partagée par Melissa Klinger, qui insiste sur la capacité du fonds à dialoguer avec les fondateurs sur un pied d’égalité. “On comprend leurs défis parce qu’on les a vécus”, explique-t-elle. Une approche qui séduit déjà des investisseurs de renom, comme The Hillman Company, Sofina ou encore Olivier Pomel, PDG de Datadog.
100 Millions pour Quoi ? Les Ambitions de DIG Ventures
Avec ce nouveau fonds – le deuxième de son histoire et le premier institutionnel – DIG Ventures cible des secteurs porteurs : l’IA, le SaaS B2B et les infrastructures cloud. L’idée est d’investir principalement en Europe, tout en gardant un œil sur des opportunités en Israël et aux États-Unis. Les startups visées ? Celles qui innovent dès leurs débuts, avec des produits techniques nécessitant un accompagnement stratégique pour percer sur le marché.
Déjà, le fonds a mis le pied à l’étrier en injectant des capitaux dans des entreprises prometteuses :
- Dash0 : une plateforme d’observabilité pour surveiller les performances des systèmes.
- Nexos.ai : une solution d’orchestration d’IA pour optimiser les processus.
- PolyAPI : un middleware pour entreprises facilitant l’intégration d’API.
Ces premiers paris montrent une appétence pour les technologies profondes, souvent difficiles à commercialiser sans une stratégie bien rodée. Et c’est là que DIG Ventures veut faire la différence.
L’Avantage des “Operator VCs” : Du Zéro à l’Un
Qu’est-ce qui rend les “operator VCs” si spéciaux ? Leur vécu. Avoir bâti une startup de zéro, l’avoir menée à une sortie milliardaire, ça ne s’apprend pas dans les livres. Ross Mason et son équipe savent ce que signifie transformer une vision technique en produit vendable. “On adore prendre des produits ultra-techniques et les rendre accessibles”, confie Klinger. Une compétence cruciale dans un secteur où l’innovation seule ne suffit pas : encore faut-il savoir la “vendre”.
“Passer de zéro à un, aider à empaqueter un produit et le vendre, peu de VCs savent faire ça. Nous, oui.”
– Melissa Klinger, co-fondatrice de DIG Ventures
Cette expertise en stratégie go-to-market est un atout maître. Prenons l’exemple d’une startup développant une solution d’IA : elle peut avoir la technologie la plus avancée du monde, mais sans un positionnement clair et une exécution commerciale efficace, elle risque de stagner. DIG Ventures promet de combler ce fossé, en s’impliquant directement auprès des fondateurs pour affiner leur offre et conquérir leurs premiers clients.
L’IA : Le Prochain Terrain de Jeu des Entreprises
Si l’on regarde vers l’avenir, Ross Mason mise gros sur l’intelligence artificielle. Selon lui, une révolution est en marche : les entreprises vont de plus en plus développer leurs propres modèles d’IA, notamment des *large language models* (LLM), en interne. “C’est une nouvelle course aux armements”, affirme-t-il. Mais attention, le paysage est encore mouvant. Les fondations de cette technologie ne sont pas totalement posées, malgré ce que certains géants voudraient faire croire.
Un point clé soulevé par Mason : l’open source va jouer un rôle majeur. Pourquoi ? Parce que les entreprises rechignent à envoyer leurs données sensibles vers des LLM hébergés dans le cloud, où elles perdent le contrôle. À la place, elles préféreront des solutions qu’elles peuvent maîtriser de bout en bout. Une tendance qui ouvre des opportunités immenses pour les startups capables de proposer des outils adaptés.
Europe : Le Cheval Noir de l’IA ?
Melissa Klinger, elle, voit dans l’Europe un potentiel sous-estimé. “L’Europe est un *dark horse* en matière d’IA”, déclare-t-elle. Et elle n’a pas tort. Avec des talents à moitié prix par rapport aux États-Unis et des recherches de pointe menées dans ses universités, le vieux continent a des cartes à jouer. Le hic ? Les montants levés restent souvent en deçà de ce que nécessitent les projets d’IA ambitieux. C’est là que des fonds comme DIG Ventures entrent en scène, prêts à combler ce gap.
Quelques chiffres pour illustrer ce dynamisme :
- 70 % des fondateurs interrogés par DIG Ventures apprécient leur approche conversationnelle.
- Plus de 10 startups déjà dans leur portefeuille, dont *People.ai* et *ComplyAdvantage*.
- Un focus sur des secteurs à forte croissance : IA, SaaS, cloud.
Mais au-delà des chiffres, c’est l’humain qui prime. Les fondateurs européens, souvent plus techniques que leurs homologues américains, ont besoin d’un partenaire qui parle leur langage. Et DIG Ventures semble avoir trouvé la formule.
Un Portefeuille qui Parle de Lui-Même
Parlons concret : quelles startups bénéficient déjà de cet élan ? Le portefeuille de DIG Ventures est un mélange de jeunes pousses prometteuses et de noms déjà établis. On y trouve *Bubble*, une plateforme no-code en plein essor, *PlanetScale*, qui révolutionne les bases de données cloud, ou encore *Rasa*, spécialisée dans les assistants IA conversationnels. Chaque entreprise partage un point commun : une technologie pointue, couplée à un besoin d’accompagnement stratégique.
Ce n’est pas un hasard si des investisseurs comme Grove Street ou des anciens de MuleSoft ont misé sur ce fonds. Ils y voient une chance de répliquer le succès de MuleSoft à une échelle plus large, en soutenant les prochaines pépites technologiques européennes.
Pourquoi Ça Marche ? Une Approche Terrain
Ce qui distingue vraiment DIG Ventures, c’est son refus de se cantonner au rôle de simple chéquier. “On rencontre les fondateurs plus tôt et plus vite que la plupart des fonds”, explique Mason. Cette réactivité, combinée à une compréhension fine des défis techniques et commerciaux, fait mouche. Les startups ne cherchent pas seulement des fonds : elles veulent un partenaire qui les aide à passer du prototype au marché.
Un exemple frappant : *Taktile*, une plateforme qui aide les entreprises à automatiser leurs décisions basées sur les données. Avec l’appui de DIG, elle a pu affiner son positionnement et accélérer sa croissance. Même chose pour *Flock*, qui optimise la gestion des risques via l’IA. Ces cas concrets prouvent que l’approche “hands-on” porte ses fruits.
Les Défis à Venir pour DIG Ventures
Mais tout n’est pas rose. Le marché européen, bien que prometteur, reste fragmenté. Les levées de fonds y sont souvent plus modestes qu’aux États-Unis, et la concurrence entre VCs s’intensifie. Avec des géants comme Balderton Capital ou EQT Ventures dans la course, DIG devra continuer à se démarquer. Son atout ? Une équipe qui a “fait ses preuves” et une spécialisation dans les produits techniques à forte valeur ajoutée.
Autre défi : scaler. Si les 100 millions de dollars sont un bon début, certains projets d’IA ou d’infrastructures cloud demandent des investissements colossaux. DIG Ventures devra peut-être envisager des co-investissements ou une nouvelle levée pour rester dans la course.
Et Après ? L’Avenir du VC Européen
Alors, que nous réserve l’avenir ? Si TechCrunch met en lumière cette levée de fonds, c’est parce qu’elle symbolise une tendance plus large : l’émergence des “operator VCs” en Europe. Avec des géopolitiques chahutées et une dynamique early-stage en plein essor, le continent pourrait bien devenir un terreau fertile pour ce modèle. Et DIG Ventures, avec son approche pragmatique et son équipe expérimentée, est en pole position pour en profiter.
Pour les fondateurs, c’est une aubaine : un fonds qui non seulement finance, mais guide, conseille et accélère. Pour les investisseurs, c’est une promesse de rendements solides dans des secteurs en pleine explosion. Et pour l’écosystème tech européen ? Peut-être le début d’une nouvelle ère, où les talents locaux trouvent enfin les moyens de rivaliser avec la Silicon Valley.