L’Union Européenne a lancé une offensive réglementaire d’envergure pour réguler les géants du numérique, avec l’entrée en vigueur des règlements DSA (Digital Services Act) et DMA (Digital Markets Act). Ces deux piliers législatifs visent à rééquilibrer le rapport de force sur les marchés numériques et mieux protéger les consommateurs. Zoom sur ces réglementations qui bousculent les GAFAM.
DSA et DMA, un duo pour encadrer les grandes plateformes
Conçus conjointement et proposés fin 2020, le DSA et le DMA partagent un objectif commun : rééquilibrer les pouvoirs face aux géants technologiques. Mais chacun a son champ d’action :
- Le DSA encadre les risques liés aux contenus et pratiques illégales en ligne (biens contrefaits, discours haineux…)
- Le DMA vise à assurer la contestabilité des marchés numériques en luttant contre les abus de position dominante
Les règles les plus strictes s’appliquent aux très grandes plateformes, dites « VLOP » pour le DSA (plus de 45 millions d’utilisateurs actifs) ou « contrôleurs d’accès » pour le DMA. La Commission européenne assure une supervision centralisée sur ces acteurs.
De lourdes sanctions en cas d’infractions
Ces règlements ont du mordant, avec des sanctions pouvant atteindre :
- 6% du chiffre d’affaires annuel mondial pour le DSA
- Jusqu’à 10% (voire 20% en cas de récidive) pour le DMA
De quoi faire réfléchir les GAFAM, pour qui cela peut représenter des milliards d’euros d’amende. Les enquêtes ont déjà commencé : Apple, Google et Meta sont notamment dans le viseur pour des soupçons de non-conformité au DMA.
DSA : de nouvelles obligations de transparence et de modération
Avec le DSA, l’UE mise sur la transparence pour responsabiliser les grandes plateformes. Parmi les obligations phares :
- Publication d’une bibliothèque de publicités par les VLOP
- Accès aux données pour les chercheurs étudiant les impacts sociétaux des algorithmes
- Évaluations des risques liés aux systèmes de recommandation
Les enquêtes DSA en cours ciblent notamment X (Twitter) sur ces points, mais aussi TikTok sur la protection des mineurs, et Meta sur la modération des publicités politiques.
DMA : ouvrir les écosystèmes fermés des « contrôleurs d’accès »
Le DMA impose une liste de pratiques obligatoires ou interdites aux « contrôleurs d’accès », visant notamment à :
- Autoriser le chargement d’apps tierces sur iOS et Android en dehors des App Store et Google Play
- Permettre l’interopérabilité des services de messagerie (WhatsApp, iMessage…)
- Interdire l’auto-préférence des services propriétaires dans les classements
L’UE espère ainsi casser les dynamiques de marché fermé et redonner leur chance aux petits acteurs innovants face aux GAFAM.
Des effets déjà visibles, une transformation en cours
Si les enquêtes et sanctions mettront du temps à produire tous leurs effets, des changements sont déjà perceptibles. Apple a dû ouvrir iOS au chargement d’apps tierces, un virage stratégique majeur. Google doit demander le consentement pour croiser les données de différents services à des fins publicitaires.
Mais tous les acteurs ne jouent pas le jeu. Meta impose un choix payant entre tracking publicitaire et abonnement sur Facebook et Instagram, une pratique dans le viseur des régulateurs.
Il faudra du temps pour que le DSA et le DMA transforment en profondeur l’écosystème numérique européen. Mais la dynamique est lancée, pour tenter de rééquilibrer le marché au profit des utilisateurs et de la concurrence. Une initiative pionnière, scrutée dans le monde entier.