Dans un paysage numérique dominé par les géants américains de la tech, deux acteurs européens décident de s’unir pour affirmer leur souveraineté. Les moteurs de recherche Ecosia, basé à Berlin, et Qwant, dont le siège est en France, annoncent la création d’une co-entreprise visant à développer leur propre index de recherche européen. Une initiative ambitieuse qui vise à réduire leur dépendance envers Microsoft Bing et Google, dont ils utilisent actuellement les API de recherche.
Un partenariat stratégique face aux défis de l’IA générative
Au-delà des enjeux de souveraineté, ce rapprochement est aussi motivé par l’essor de l’intelligence artificielle générative qui bouleverse le secteur de la recherche en ligne. Ecosia et Qwant souhaitent unir leurs forces pour mieux innover et intégrer ces technologies à leurs services, tout en maîtrisant les coûts croissants des API des géants du web.
Nous croyons que si nous voulons offrir une expérience utilisateur pertinente avec l’IA générative, nous avons besoin d’accéder à des modèles de langage mais aussi à une technologie de recherche propre.
Olivier Abecassis, CEO de Qwant
EUP : La nouvelle co-entreprise européenne de recherche en ligne
Baptisée European Search Perspective (EUP), cette co-entreprise détenue à parts égales par Ecosia et Qwant sera basée à Paris. Son CEO sera Olivier Abecassis, actuel dirigeant de Qwant. L’équipe d’ingénieurs de Qwant sera transférée dans cette nouvelle structure, qui pourra aussi lever des fonds propres pour accélérer son développement.
L’objectif est de commencer à servir du trafic de recherche en France pour Ecosia et Qwant via ce nouvel index dès début 2024, puis de s’étendre à l’Allemagne fin 2025, avant d’envisager d’autres marchés et langues européens. À terme, EUP pourrait aussi proposer son index à d’autres acteurs via une API.
Bâtir une alternative européenne crédible et durable
Créer un index de recherche de A à Z est un défi technique et financier de taille, comme en témoigne le faible nombre d’acteurs indépendants sur ce marché. Le moteur Brave a par exemple dû investir massivement durant des années avant de se doter de sa propre infrastructure en 2021.
Mais Ecosia et Qwant estiment avoir des atouts pour réussir :
- La mise en commun de leurs données et expertises pour entraîner les algorithmes
- Une approche de ranking « privacy-first » alternative aux géants
- Un positionnement aligné avec les ambitions numériques de l’Europe
Il s’agit d’un élément très important de la souveraineté des données européennes. J’espère que les États-Unis et l’Europe resteront de forts alliés, mais je ne sais pas où se dirigent les États-Unis et l’Europe.
Christian Kroll, CEO d’Ecosia
Les défis de la scalabilité et de l’ouverture du web
Au-delà des aspects techniques et financiers, l’un des principaux obstacles au développement d’index de recherche alternatifs est la tendance des grandes plateformes à verrouiller leurs données et à restreindre le crawling de leurs sites. Un frein pour la diversité et l’exhaustivité des résultats.
En unissant leurs forces, Ecosia et Qwant veulent peser dans les débats réglementaires européens sur l’ouverture des plateformes, essentiels pour bâtir une search tech réellement souveraine et utile. Une bataille cruciale pour la vitalité de l’écosystème numérique européen à l’heure de l’IA.