Le mois de juillet 2024 s’annonce difficile pour X, anciennement connue sous le nom de Twitter. La plateforme dirigée par Elon Musk fait face à une série de défis légaux en Europe, où les régulateurs resserrent leur étreinte sur les géants de la tech. X a été notifié par l’Union Européenne de potentielles violations du Digital Services Act (DSA), un ensemble de règles visant à mieux encadrer les contenus en ligne. En parallèle, un utilisateur européen a obtenu gain de cause dans une série de plaintes déposées contre X pour non-respect du RGPD et shadowban abusif de son compte.
X dans le viseur de Bruxelles pour non-respect du DSA
La Commission Européenne a annoncé avoir notifié X d’un premier ensemble de griefs au titre du DSA. Le texte, entré en vigueur en novembre 2022, impose de nouvelles obligations de transparence et de modération des contenus aux grandes plateformes en ligne comme X. Les amendes peuvent atteindre 6% du chiffre d’affaires annuel mondial en cas de manquements avérés.
Parmi les soupçons qui pèsent sur X figurent des défaillances dans l’évaluation des risques liés aux contenus illégaux, un manque de transparence sur les algorithmes de recommandation, ainsi que des pratiques de design trompeur (dark patterns). Bruxelles n’a pas encore dévoilé le détail de ses griefs, mais X devra y répondre sous peine de sanctions.
Un utilisateur fait condamner X pour shadowban arbitraire
X a également été condamné aux Pays-Bas dans une affaire de shadowban injustifié, à la suite d’une série de plaintes déposées par un utilisateur, Danny Mekić. Ce dernier s’est rendu compte en octobre 2023 que son compte faisait l’objet de restrictions de visibilité de la part de X, sans en avoir été notifié au préalable.
Après de vaines tentatives pour contacter X, M. Mekić a saisi la justice néerlandaise. Il accusait la plateforme d’enfreindre plusieurs dispositions clés du DSA :
- Absence de point de contact pour traiter les réclamations (art. 12)
- Défaut d’information sur les raisons du shadowban (art. 17)
En tant qu’abonné payant, M. Mekić a également attaqué X pour rupture de contrat. Il a par ailleurs introduit une seconde plainte pour violation du RGPD, X ayant refusé de lui communiquer les données personnelles utilisées pour le cibler.
Le 5 juillet, le tribunal a donné raison à M. Mekić sur toute la ligne. Il a jugé que le shadowban avait eu un impact significatif sur sa visibilité professionnelle, et donc sa carrière. X devra fournir des explications détaillées sur ce blocage, en plus de dédommager le plaignant. La plateforme risque jusqu’à 4000€ d’amende par jour en cas de non-respect du RGPD.
La fin du far west pour les réseaux sociaux en Europe ?
Cette accumulation de déboires légaux est révélatrice du changement de paradigme réglementaire à l’œuvre en Europe. Longtemps considérées comme des zones de non-droit, les plateformes numériques font désormais l’objet d’un encadrement strict, destiné à mieux protéger les droits des utilisateurs.
J’espère que la décision dans mon cas incitera X et les autres réseaux à plus de transparence. Ils doivent arrêter les shadowbans arbitraires et respecter les lois européennes.
Danny Mekić, plaignant contre X
Le DSA contraint les plateformes à évaluer et atténuer les risques systémiques qu’elles génèrent, qu’il s’agisse de désinformation, de discours haineux ou de produits dangereux. Elles doivent aussi donner accès à leurs algorithmes et offrir aux utilisateurs des voies de recours en cas de modération abusive. Un changement de culture auquel les GAFAM peinent encore à s’adapter.
Le RGPD, bien que plus ancien (2018), reste lui aussi un puissant levier pour responsabiliser les acteurs numériques. Grâce à ses dispositions sur les données personnelles et la prise de décision automatisée, il peut compléter utilement le DSA pour combattre des pratiques opaques comme le shadowbanning.
L’Europe impose ainsi sa souveraineté numérique et entend faire respecter ses valeurs et ses droits sur Internet. Un avertissement pour Elon Musk, qui devra ranger ses rêves de liberté d’expression totale au placard. Car sur le Vieux Continent, c’est désormais la loi qui fixe les règles du jeu.