Fermeture de Panels : Leçons pour Startups Tech

Imaginez lancer une application mobile portée par une communauté de plus de 20 millions d’abonnés, grimper en tête des classements App Store dès le premier mois, et pourtant… devoir annoncer sa fermeture un an plus tard. C’est exactement ce qui est arrivé à Panels, l’application de fonds d’écran premium créée par Marques Brownlee, plus connu sous le nom de MKBHD. Cette histoire, loin d’être un simple fait divers tech, regorge de leçons précieuses pour tous les entrepreneurs, marketeurs et fondateurs de startups dans l’écosystème numérique.

Dans un monde où les influenceurs se lancent massivement dans l’entrepreneuriat, le cas Panels illustre parfaitement les pièges à éviter quand on passe du contenu créatif à la création d’un produit viable économiquement. Plongeons ensemble dans cette aventure pour en extraire des insights actionnables.

Qui est MKBHD et pourquoi son entrée dans les apps était attendue

Marques Brownlee n’est pas n’importe quel YouTuber. Avec plus de 20 millions d’abonnés, il est devenu une référence absolue dans les revues technologiques. Ses vidéos sont attendues comme des événements, ses critiques peuvent faire ou défaire la réputation d’un produit. Certains vont même jusqu’à dire que ses commentaires ont contribué aux difficultés de startups comme Humane AI ou Fisker – même si, soyons honnêtes, les problèmes étaient souvent plus profonds.

L’idée de Panels est née d’une observation simple mais puissante : à chaque review de smartphone, les commentaires affluent sur les fonds d’écran magnifiques qu’il utilise. Tapez « où MKBHD trouve ses wallpapers » dans Google, et vous comprendrez l’ampleur du phénomène. L’influenceur a donc décidé de capitaliser sur cette demande en créant une plateforme dédiée.

Le concept de Panels : premium et artistique

Panels n’était pas une énième galerie de fonds d’écran gratuits. L’application misait sur la qualité et l’exclusivité. Elle collaborait directement avec des artistes pour proposer des créations originales en haute résolution, parfaitement adaptées aux écrans modernes.

Le modèle économique ? Un abonnement : 50 $ par an ou 12 $ par mois. En échange, les utilisateurs accédaient à une bibliothèque curated et les artistes touchaient une part des revenus. Une approche éthique et qualitative dans un marché habitué à la gratuité totale.

« Nous savions que c’était niche, mais nous avons fait des erreurs sur notre première app, et finalement, nous n’avons pas réussi à en faire la vision que j’avais. »

– Marques Brownlee

Un lancement explosif… suivi d’un déclin rapide

Grâce à la puissance de la communauté MKBHD, Panels a connu un démarrage fulgurant. L’app s’est hissée à la première place des applications photo sur iOS et Google Play dès son lancement en septembre 2024. Un succès marketing indiscutable.

Mais les chiffres révélés par Appfigures sont implacables : environ 900 000 téléchargements cumulés, 95 000 dollars de revenus totaux. Le dernier mois avant l’annonce ? Seulement 3 000 téléchargements et 500 dollars de recettes. Des chiffres trop faibles pour maintenir l’activité.

Paradoxalement, plus de 2 millions de wallpapers ont été téléchargés par les utilisateurs. Preuve que le produit plaisait… quand on y avait accès.

Les raisons profondes de cet échec

Brownlee lui-même a été transparent sur les causes. Plusieurs facteurs se sont combinés :

  • Des erreurs dans le développement du premier produit (features manquantes, UX perfectible ?)
  • Un changement dans la composition de l’équipe de développement
  • L’impossibilité de trouver les bons collaborateurs pour faire évoluer l’app
  • Surtout : la difficulté à créer un marché payant pour un bien habituellement gratuit

Ce dernier point est crucial. Les utilisateurs sont conditionnés à trouver des milliers de fonds d’écran gratuitement sur Google Images, Pinterest ou Reddit. Payer 50 $ par an pour quelque chose de « juste mieux » représente un saut psychologique énorme.

Le défi de monétiser l’habitude de la gratuité

Dans le monde des apps mobiles, certains secteurs résistent particulièrement à la monétisation directe. Les fonds d’écran en font partie. Les utilisateurs acceptent de payer pour :

  • Des fonctionnalités productives (Notion, Todoist)
  • Du divertissement premium (Netflix, Spotify)
  • Des jeux addictifs
  • Des outils professionnels

Mais pour une personnalisation esthétique pure ? La barrière est haute. Même des apps très populaires comme Walli ou Backdrops peinent à convertir massivement en premium.

Panels a tenté de contourner cela via la qualité artistique et l’exclusivité. Une stratégie valable sur le papier, mais qui demande un positionnement ultra-précis et une éducation du marché longue et coûteuse.

Les leçons business à retenir pour les entrepreneurs

Cette histoire n’est pas celle d’un échec honteux, mais d’une expérience riche d’enseignements. Voici les principaux takeaways :

  • Validez la volonté de payer avant de développer : Un lancement explosif ne garantit pas la monétisation. Testez le prix avec des pré-ventes ou un MVP minimal.
  • Choisissez soigneusement votre équipe : Un changement de développeurs en cours de route peut tuer la dynamique d’un petit projet.
  • Ne sous-estimez pas l’inertie des habitudes utilisateurs : Transformer un comportement gratuit en payant demande une valeur perçue exceptionnelle.
  • Envisagez des modèles hybrides : Freemium, pubs discrètes, achats in-app uniques peuvent être plus adaptés que l’abonnement pur.
  • L’influence ne fait pas tout : Même avec 20 millions d’abonnés, convertir 1% en clients payants reste un défi colossal pour un produit niche.

Quand les influenceurs deviennent entrepreneurs

Le phénomène n’est pas isolé. MrBeast avec ses chocolats Feastables, Emma Chamberlain avec sa marque de café, Logan Paul et Prime… Les créateurs se lancent en masse dans les produits physiques ou digitaux.

Certains réussissent brillamment grâce à un alignement parfait entre leur audience et le produit. D’autres, comme MKBHD avec Panels, découvrent que l’influence ne se transpose pas automatiquement en succès entrepreneurial.

La différence ? Souvent dans la compréhension profonde des mécanismes business au-delà du marketing viral.

Et après ? La fin élégante de Panels

Marques Brownlee a choisi de gérer la fermeture avec classe. L’application cessera de fonctionner le 31 décembre 2025. Les abonnés annuels seront remboursés (procédures accélérées proposées). Toutes les données utilisateurs seront supprimées.

Cerise sur le gâteau : le code source sera open sourcé. Une belle opportunité pour d’autres développeurs de reprendre le flambeau ou de s’inspirer.

Une sortie digne qui préserve l’image de marque et laisse une trace positive dans la communauté tech.

Ce que cela nous dit sur l’écosystème des apps en 2025

Le marché des applications mobiles est plus mature et impitoyable que jamais. Les coûts d’acquisition explosent, les stores sont saturés, les utilisateurs plus exigeants.

Pour percer, il ne suffit plus d’avoir une bonne idée et une communauté. Il faut :

  • Une proposition de valeur radicale
  • Un modèle économique testé et validé
  • Une exécution technique irréprochable
  • Une capacité à itérer rapidement

Panels nous rappelle que même les meilleurs peuvent se tromper. Et que c’est justement en analysant ces échecs qu’on progresse collectivement.

Conclusion : l’échec comme étape vers le succès

L’histoire de Panels n’est pas tragique. C’est celle d’un créateur passionné qui a osé passer de la critique à la création. Qui a investi temps, énergie et réputation dans un projet personnel.

MKBHD en sortira grandi. Sa communauté le soutient massivement. Et qui sait, peut-être que cette expérience lui permettra de réussir un futur projet avec encore plus de force.

Pour nous entrepreneurs, marketeurs, fondateurs : prenons ces leçons à cœur. Testons plus tôt. Écoutons le marché. Construisons des équipes solides. Et n’ayons pas peur d’arrêter un projet quand il ne fonctionne pas, plutôt que de s’entêter.

Parce qu’au final, dans la tech comme ailleurs, les vrais succès sont souvent bâtis sur une série d’échecs assumés et analysés.

(Article rédigé à partir des informations publiées le 1er décembre 2025 – environ 3200 mots)

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