Imaginez : vous êtes l’un des plus grands constructeurs automobiles du monde, vous avez investi des milliards dans les véhicules électriques et la conduite autonome, et soudain, en l’espace de quatre semaines, trois de vos plus hauts responsables logiciels claquent la porte. C’est exactement ce qui arrive chez General Motors en ce moment même. Et derrière ces départs, un nom revient sans cesse : Sterling Anderson, l’ex-Tesla et ex-Aurora récemment nommé chief product officer. Est-ce une simple crise de croissance ou le signe que l’industrie automobile traditionnelle est en train de vivre sa plus grande mutation technologique depuis l’invention du GPS ?
Dans les couloirs de Detroit, on ne parle plus que de ça. Baris Cetinok, Dave Richardson et Barak Turovsky, trois profils ultra-courus venus de la Silicon Valley, ont tous les trois quitté le bateau en novembre 2025. Et ce n’est pas un hasard. GM est en train de tout revoir : architecture logicielle, intégration de l’IA, expérience utilisateur… Bref, tout ce qui fait qu’une voiture de 2028 ne ressemblera en rien à celle de 2018.
Les trois départs qui font trembler Detroit
Reprenons dans l’ordre. Baris Cetinok, senior vice president software and services product management, partira officiellement le 12 décembre 2025. Il avait rejoint GM en 2023 après un long passage chez Google et Apple. Dave Richardson, son alter ego côté ingénierie, est déjà parti. Quant à Barak Turovsky, recruté à grand bruit en mars 2025 comme head of AI, il a lui aussi plié bagage en quelques semaines seulement.
Trois départs en un mois, c’est du jamais-vu chez un constructeur aussi traditionnel. Et pourtant, personne chez GM ne parle de crise. Au contraire : la communication officielle insiste sur une « restructuration nécessaire » pour « supprimer les silos » et « intégrer hardware, software et IA dans une seule organisation cohérente ».
Sterling Anderson, l’homme qui veut tout changer
Pour comprendre ce qui se passe, il faut regarder du côté de Sterling Anderson. Ancien de Tesla (il a co-fondé l’équipe Autopilot) puis d’Aurora, il a été nommé en milieu d’année chief product officer, un poste créé sur mesure qui lui donne la main sur quasiment tout : ingénierie véhicule, batteries, logiciel, UX… Il reporte directement à Mark Reuss, le président de GM. Autant dire qu’il a les pleins pouvoirs.
« L’objectif est de superviser l’ensemble du cycle de vie du produit, du hardware au software en passant par les services et l’expérience utilisateur. »
– Communication interne GM relayée par TechCrunch
Traduction : fini les équipes qui travaillent en parallèle sans jamais vraiment se parler. Anderson veut une organisation à la Tesla : une seule grande équipe produit où le logiciel dicte (presque) tout.
Pourquoi tant de départs ? Trois hypothèses crédibles
Alors, clash culturel ou simple nettoyage de printemps ? Voici ce qui se murmure dans les couloirs (et sur LinkedIn) :
- Le rythme : les ex-Google et Apple ne supportent pas la lenteur décisionnelle d’un géant de 120 ans d’âge
- Le scope : Sterling Anderson centralise tout, donc moins de pouvoir pour les VP historiques
- La vision : certains cadres auraient refusé la nouvelle orientation « software first » imposée par Anderson
Quoi qu’il en soit, le message est clair : chez GM, c’est la voie Anderson ou la sortie.
Les arrivées qui en disent long sur la nouvelle stratégie
Mais GM ne se contente pas de faire le ménage. L’entreprise recrute à tour de bras, et pas n’importe qui :
- Cristian Mori, ex-Rivian et Boston Dynamics, prend la tête d’une toute nouvelle division robotique
- Behrad Toghi, ex-Apple, devient le nouveau lead IA
- Rashed Haq, cinq ans chez Cruise comme head of AI & Robotics, prend la vice-présidence véhicules autonomes
On remarque un point commun : tous ont travaillé sur des projets où le logiciel est au centre, pas l’inverse. Et surtout, tous ont l’expérience des organisations ultra-agiles, loin des processus traditionnels de Detroit.
Ce que ça dit de l’avenir de l’automobile
Cette vague de départs et d’arrivées n’est pas un épiphénomène. C’est le symptôme d’une mutation profonde qui touche tous les constructeurs historiques :
Autrefois, une voiture, c’était 80 % mécanique et 20 % électronique. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Et demain ? Probablement 90 % logiciel. Celui qui maîtrise la stack logiciel maîtrisera le marché. Tesla l’a compris depuis longtemps. GM essaie de rattraper son retard à marche forcée.
Concrètement, cela signifie :
- Des mises à jour over-the-air aussi fréquentes que sur votre iPhone
- Des abonnements pour débloquer des fonctionnalités (accélération, autopilot, etc.)
- Des véhicules qui apprennent de vos habitudes grâce à l’IA embarquée
- Une expérience utilisateur unifiée entre la voiture, l’appli mobile et les services connectés
Les leçons pour les entrepreneurs et les dirigeants tech
Derrière cette actualité brûlante, il y a des enseignements précieux pour tout fondateur ou dirigeant qui opère dans un secteur en disruption :
1. La transformation digitale ne se fait pas à moitié. Quand on décide de devenir une entreprise « software-driven », il faut aller jusqu’au bout, même si ça fait mal.
2. Recruter des talents de la Silicon Valley, c’est bien. Les garder dans une culture d’entreprise traditionnelle, c’est une autre paire de manches.
3. Le poste de chief product officer, quand il est aussi puissant que celui de Sterling Anderson, devient souvent le vrai patron opérationnel de la transformation.
4. L’IA n’est plus une option : même un constructeur centenaire comme GM crée des postes de « head of robotics » et recrute massivement sur ces sujets.
Et maintenant ? Les prochains mois seront décisifs
2026 sera l’année de vérité pour GM. Les nouveaux véhicules sur la plateforme Ultium, les futures fonctionnalités logicielles, le retour (ou non) dans la conduite autonome après l’abandon de Cruise… Tout repose sur la capacité de Sterling Anderson à transformer une organisation de 160 000 personnes en une machine aussi agile qu’une startup de la Bay Area.
Si ça marche, GM pourrait redevenir le leader technologique qu’il était dans les années 50-60. Si ça échoue… eh bien, il restera toujours le roi des pick-up thermiques. Mais pour combien de temps ?
Une chose est sûre : dans l’automobile comme dans tous les secteurs, la guerre du logiciel est lancée. Et elle ne fait que commencer.
(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – plus de 3200 mots)






