Joby vs Archer : Espionnage dans les Air Taxis

Imaginez un monde où vous quittez votre bureau à Paris et atterrissez 20 minutes plus tard à Lyon, sans embouteillage, sans stress. Ce rêve, porté par les taxis volants électriques (eVTOL), est en train de devenir réalité… mais il est aussi le théâtre d’une guerre sans merci. Le 20 novembre 2025, Joby Aviation a porté plainte contre son rival direct Archer Aviation en l’accusant carrément d’espionnage industriel. Des secrets volés, un ex-employé au cœur du scandale, des contrats sabotés : bienvenue dans le Far West de la mobilité aérienne urbaine.

De quoi Joby accuse exactement Archer ?

Le dépôt de plainte, enregistré au tribunal de Santa Cruz en Californie, est particulièrement virulent. Joby affirme que George Kivork, un ancien cadre parti chez Archer, a quitté l’entreprise en emportant dans ses bagages numériques une véritable mine d’or :

  • Les termes confidentiels de partenariats stratégiques
  • Les stratégies réglementaires détaillées
  • Les plans d’infrastructures pour les vertiports
  • Des données techniques sensibles sur les appareils et les opérations

Le plus grave ? Deux jours avant d’annoncer sa démission, Kivork aurait exfiltré massivement ces documents. Quelques semaines plus tard, Archer aurait contacté un partenaire exclusif de Joby en lui dévoilant des informations ultra-confidentielles issues… précisément de ces fichiers volés.

« C’est de l’espionnage industriel, planifié et prémédité »

– Extrait de la plainte de Joby Aviation

La riposte immédiate et cinglante d’Archer

Archer n’a pas attendu 24 heures pour répondre. Eric Lentell, directeur juridique et stratégie de la société, a balayé les accusations d’un revers de main :

« Joby tente de détourner l’attention de ses propres faiblesses en ralentissant son principal concurrent. Cette plainte est totalement infondée. »

– Eric Lentell, Archer Aviation

Archer insiste : George Kivork occupait un poste non technique (business development) et aucune procédure interne n’a été violée. L’entreprise affirme avoir mis en place des protocoles stricts d’onboarding pour précisément éviter ce genre de situation.

Un air de déjà-vu pour Archer

Ce n’est pas la première fois qu’Archer se retrouve au cœur d’une telle polémique. En 2021, Wisk Aero (filiale de Boeing) avait porté plainte pour des faits troublamment similaires : vol de plus de 50 secrets industriels par un ex-employé recruté ensuite par Archer. Le litige avait duré deux ans avant un règlement à l’amiable… et une collaboration inattendue entre les deux parties.

Déjà brûlé une fois, Archer aurait-il recommencé ? Ou Joby utilise-t-il la justice comme arme concurrentielle ?

Le marché des eVTOL : des milliards en jeu

Pour comprendre l’ampleur du conflit, il faut regarder les chiffres. Le marché mondial de la mobilité aérienne urbaine est estimé à plus de 1 000 milliards de dollars d’ici 2040 selon Morgan Stanley. Les contrats avec les armées (Joby avec l’US Air Force, Archer avec Anduril) représentent des centaines de millions supplémentaires.

Dans ce contexte, chaque mois d’avance est crucial :

  • Joby a déjà effectué plus de 30 000 vols (dont certains avec passagers)
  • Archer vise une certification FAA en 2025 et a levé plus d’1 milliard de dollars récemment
  • Les deux entreprises prévoient une commercialisation dès 2026-2027

Un retard causé par un litige peut littéralement valoir des milliards.

Pourquoi les startups tech se déchirent-elles autant ?

Ce genre de guerre judiciaire n’est pas nouveau dans la Silicon Valley. Uber vs Waymo (2017), Tesla vs ex-employés partis chez Zoox ou Rivian, Snap vs anciens cadres… La recette est toujours la même :

  • Technologie de rupture
  • Talents ultra-spécialisés et rares
  • Des valorisations astronomiques (Joby ~5 Md$, Archer ~7 Md$)
  • Une course à la première place commerciale

Dans ce contexte, recruter un cadre d’un concurrent n’est plus seulement une pratique courante : c’est une nécessité vitale. Mais la frontière entre concurrence loyale et vol de propriété intellectuelle devient floue.

Les leçons business à tirer pour tout entrepreneur

Beyond le feuilleton judiciaire, cette affaire est une mine d’enseignements pour toute startup tech :

1. Protégez vos secrets comme Fort Knox
Clauses de non-concurrence, NDA renforcés, accès compartimentés aux données sensibles, audits réguliers de sorties de documents.

2. L’onboarding des ex-concurrents est une zone à risque
« Jardinage » obligatoire (période sans accès à certaines données), audits légaux systématiques.

3. La guerre juridique peut être une stratégie… mais coûteuse
Joby joue clairement la carte du ralentissement de son rival. Mais les frais d’avocats et l’image auprès des investisseurs peuvent être lourds.

4. La transparence devient un avantage compétitif
Dans un secteur aussi scruté (FAA, EASA, investisseurs), une réputation entachée d’espionnage peut tuer une entreprise.

Et maintenant ? Trois scénarios possibles

Scénario 1 – Règlement rapide à l’amiable
Comme Archer l’avait fait avec Wisk. Un accord confidentiel, peut-être une collaboration surprise.

Scénario 2 – Procès long et médiatisé
Découverte de preuves accablantes ou, au contraire, démonstration que Joby exagère. Impact boursier garanti.

Scénario 3 – Intervention des régulateurs
Si des éléments touchent à la sécurité aéronautique, la FAA pourrait geler certaines autorisations le temps de l’enquête.

Ce que cela nous dit de l’avenir de la mobilité

Paradoxalement, cette guerre montre à quel point le secteur est mature et crédible. Quand deux entreprises se battent à coups de milliards et de procès, c’est que l’enjeu est réel. Les taxis volants ne sont plus une utopie de science-fiction : ils arrivent, et vite.

Dubaï a déjà signé avec Joby pour 2026. New York prépare ses vertiports. Paris étudie sérieusement le sujet pour les JO 2024 ayant raté le coche, vise 2030. Les investisseurs continuent de miser gros malgré la tempête judiciaire.

En attendant le verdict, une chose est sûre : dans la course aux cieux, tous les coups (ou presque) semblent permis.

Et vous, pensez-vous que Joby a raison de porter plainte ou qu’Archer est victime d’une attaque de panique d’un concurrent en perte de vitesse ? Dites-le nous en commentaire.

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