Alors que les tensions commerciales avec les États-Unis se poursuivent, la Chine continue de mettre les bouchées doubles pour développer son industrie nationale des semi-conducteurs. Le 24 mai dernier, Pékin a officialisé la troisième phase de son « Big Fund », un méga-fonds d’investissement destiné à rendre le pays plus autonome dans ce secteur stratégique. Avec un capital de 344 milliards de yuans, soit environ 47,5 milliards de dollars, ce nouveau volet est encore plus ambitieux que le précédent datant de 2019.
Un effort national pour réduire la dépendance aux importations
Malgré un contexte économique morose, les autorités chinoises n’ont pas lésiné sur les moyens pour abonder ce fonds. Le ministère des Finances est le premier contributeur avec 17% des parts, suivi par la China Development Bank Capital (10,5%) et d’autres banques publiques. Les gouvernements locaux de Shenzhen et Pékin ont également participé à l’effort.
Il faut dire que l’enjeu est de taille pour la Chine, qui importe chaque année pour des centaines de milliards de dollars de puces électroniques. Lancé en 2014 dans le cadre du plan « Made in China 2025 », le Big Fund a pour mission de développer toute une filière industrielle nationale, de la conception à la fabrication des semi-conducteurs les plus avancés.
Washington maintient la pression sur les technologies sensibles
Mais la tâche s’annonce ardue face aux restrictions de plus en plus sévères imposées par Washington sur les exportations de technologies sensibles vers la Chine. Les États-Unis invoquent des risques d’utilisation duale (civile et militaire) par Pékin, mais assument aussi leur volonté de freiner les progrès de leur rival dans des domaines clés comme l’intelligence artificielle.
Malgré ces obstacles, le Big Fund peut se targuer de quelques succès :
- Augmentation de la production domestique, notamment pour les puces matures
- Percées technologiques de champions nationaux comme Huawei et SMIC
- Conception de puces avancées malgré les restrictions occidentales
Pékin s’interroge sur l’efficacité du dispositif
Néanmoins, force est de constater que l’objectif initial d’autonomie est encore loin d’être atteint. Selon des analystes cités par Reuters, la Chine ne produit toujours que 16% des semi-conducteurs qu’elle consomme et reste dépendante des technologies étrangères pour les composants les plus avancés.
Face à ce constat en demi-teinte, certaines voix s’élèvent à Pékin pour questionner l’efficience des investissements colossaux réalisés via le Big Fund. Des audits ont été lancés pour évaluer les résultats des précédentes phases et identifier d’éventuels gaspillages ou détournements.
Le développement des industries de puces en Chine est confronté à de grands défis, en raison de restrictions géopolitiques, d’un cycle de R&D long et de rendements incertains.
Le Global Times, tabloïd chinois
Mais en dépit des doutes, Pékin semble déterminé à poursuivre ses efforts, comme en témoigne la taille du nouveau fonds. Pour beaucoup d’experts, le rattrapage technologique de la Chine dans les semi-conducteurs n’est plus qu’une question de temps. À condition que les autorités fassent preuve de patience et de constance dans leur soutien à cette industrie stratégique.