Le monde de la technologie est sur le point de connaître un séisme sans précédent. Le ministère de la Justice des États-Unis envisage de demander à un juge de forcer Google à se séparer de son célèbre navigateur web, Chrome. Cette action fait suite à une décision antitrust qui a jugé le géant de Mountain View coupable de maintenir illégalement son monopole dans la recherche en ligne. Décryptage d’une affaire complexe aux répercussions potentiellement transformatives pour l’ensemble du secteur technologique.
Une longue histoire de pratiques anticoncurrentielles
Les racines de cette affaire remontent à l’administration Trump, mais elle a trouvé un nouveau souffle sous l’impulsion de l’administration Biden. Au cœur des accusations, les autorités américaines pointent du doigt les diverses pratiques mises en place par Google pour asseoir et pérenniser sa position dominante sur le marché de la recherche en ligne.
Avec plus de 90% de parts de marché, la firme écrase littéralement ses concurrents. Un avantage qu’elle doit notamment à des accords commerciaux coûteux passés avec des fabricants de dispositifs mobiles comme Apple et Samsung. En payant pour que son moteur de recherche soit installé par défaut sur ces appareils, Google s’octroie un avantage significatif auprès des consommateurs.
Google a maintenu illégalement des monopoles dans la recherche et la publicité search en concluant une série d’accords d’exclusion pour verrouiller l’accès à canaux de distribution clé et étouffer la concurrence.
– Département de la Justice des États-Unis
Chrome, le maillon faible de Google ?
Véritable mastodonte avec environ 61% de parts de marché aux États-Unis selon StatCounter, Google Chrome se retrouve au cœur de la controverse antitrust. En contrôlant ce puissant outil, Google s’assure non seulement un accès direct à son moteur de recherche, mais réduit également les options disponibles pour les utilisateurs souhaitant opter pour des alternatives. Ce contrôle renforcé a poussé les autorités à envisager une séparation entre Google et son navigateur afin de réduire les effets de son monopole.
Mais cette potentielle scission soulève des questions épineuses. Qu’adviendra-t-il du projet open-source Chromium, sur lequel repose Chrome ? Google sera-t-il en mesure de continuer à le développer une fois amputé de son navigateur maison ? Les modalités exactes d’une telle séparation restent encore floues à ce stade.
Android et les services Google dans le viseur
Au-delà de Chrome, c’est tout l’écosystème Google qui pourrait être impacté. Les autorités prévoient en effet de dissocier Android des autres produits phares de la firme, comme son moteur de recherche et sa boutique d’applications, Google Play. L’objectif : offrir aux fabricants de smartphones et aux utilisateurs une plus grande liberté de choix concernant les services qu’ils souhaitent installer et utiliser sur leurs appareils.
Sans surprise, Google monte au créneau pour défendre son modèle intégré. Selon l’entreprise, séparer Android et ses services associés affaiblirait considérablement leur écosystème. Certains experts abondent dans ce sens, suggérant que des mesures moins radicales, comme l’interdiction de préinstaller Chrome et d’autres services Google sur les appareils Android, pourraient suffire à rééquilibrer la concurrence.
D’autres mesures sur la table
Le ministère de la Justice ne compte pas s’arrêter là. Parmi les autres recommandations figurent :
- L’obligation pour Google de licencier les données et les résultats de son moteur de recherche à des tiers pour stimuler la concurrence
- La possibilité pour les sites web indexés par Google Search de refuser que leurs données soient utilisées pour entraîner des technologies d’intelligence artificielle
Si elles sont appliquées, ces mesures pourraient considérablement rééquilibrer les forces en présence et offrir un terrain de jeu plus égal aux entreprises tentant de rivaliser avec Google.
Google contre-attaque
Face à ces menaces, Google fourbît déjà ses armes. L’entreprise argue que ces séparations forcées nuiraient non seulement à ses produits, mais également aux bénéfices globaux pour les consommateurs. Plusieurs observateurs craignent également que ces mesures n’entraînent des complications juridiques supplémentaires et ne retardent encore davantage leur mise en œuvre effective.
Nous sommes en désaccord avec le DOJ. Le procès se concentre sur un étroit ensemble de contrats autour des applications de recherche Google par défaut sur un nombre limité d’appareils Android.
– Megan Gray, Directrice juridique de Google
Un procès déterminant pour l’avenir de la Tech
Quoi qu’il arrive lors du procès prévu en août prochain, une chose est sûre : cette affaire marquera un tournant dans la manière dont les gouvernements abordent la régulation des géants du numérique. Entre volonté de rééquilibrer la concurrence et crainte de fragiliser des écosystèmes essentiels, l’exercice s’annonce périlleux. Les conclusions de ce bras de fer judiciaire pourraient bien redéfinir durablement les lignes de force qui structurent aujourd’hui le monde de la technologie.