Dans un revirement surprenant, la Commission européenne (CE) a discrètement clos une longue enquête antitrust sur Apple concernant les règles que l’entreprise impose aux développeurs d’applications tierces de livres électroniques et de livres audio. Cette décision intervient après le retrait d’une plainte par un acteur non divulgué du marché.
Retour sur l’ouverture de l’enquête en 2020
La CE avait ouvert cette enquête en 2020 après avoir reçu des plaintes sur la façon dont Apple forçait les développeurs d’applications concurrentes de livres électroniques et de livres audio à utiliser le système de paiement in-app d’Apple. La firme à la pomme empêchait également ces développeurs d’informer les clients des autres moyens de paiement disponibles, une pratique connue sous le nom d’anti-steering.
En parallèle, la Commission avait lancé une enquête similaire sur les pratiques d’Apple vis-à-vis des applications de streaming musical, suite à une plainte déposée par Spotify. Cette partie de l’enquête a abouti en mars dernier à une amende de 2 milliards de dollars infligée à Apple.
Le retrait de la plainte change la donne
Cependant, dans le volet livres électroniques et audio de l’investigation, le plaignant dont l’identité n’a pas été révélée a depuis retiré sa plainte. Ce retrait a conduit la Commission à clore l’enquête sans prendre de mesures supplémentaires.
La clôture d’une enquête ne signifie pas que le comportement en question est conforme aux règles de concurrence de l’UE.
– Communiqué de la Commission européenne
Malgré cette précision, la décision de la CE de ne pas poursuivre son investigation soulève des questions sur les raisons du retrait de la plainte et sur l’impact potentiel sur le marché des livres numériques.
Les enjeux pour le marché du livre numérique
Le marché des ebooks et des audiobooks connaît une croissance importante ces dernières années, accélérée par les changements de comportements liés à la pandémie. Dans ce contexte, les règles imposées par Apple aux développeurs d’applications tierces sont scrutées de près.
Les pratiques dénoncées par les plaignants, à savoir l’obligation d’utiliser le système de paiement d’Apple et l’interdiction de promouvoir des moyens de paiement alternatifs, sont perçues par certains acteurs comme des freins à la concurrence et à l’innovation.
- Apple justifie ces règles par des impératifs de sécurité et d’expérience utilisateur.
- Les détracteurs y voient un moyen pour Apple de conforter sa position dominante et de maximiser ses profits.
La clôture de l’enquête de la CE ne signifie pas la fin du débat sur les pratiques d’Apple. D’autres procédures sont en cours, notamment aux États-Unis, et la pression monte pour une régulation plus stricte des gatekeepers numériques.
Quelles perspectives pour la régulation des géants de la tech ?
Le cas d’Apple illustre les défis auxquels sont confrontés les régulateurs face aux géants de la technologie. Trouver le juste équilibre entre la préservation de la concurrence et l’innovation, et le respect des modèles économiques et des prérogatives des plateformes, est un exercice délicat.
En Europe, le Digital Markets Act (DMA), entré en vigueur en novembre 2022, vise à établir des règles du jeu équitables dans l’économie numérique. Il cible spécifiquement les grandes plateformes, qualifiées de gatekeepers, et leur impose des obligations en termes d’interopérabilité, de transparence et de non-discrimination.
Le retrait de la plainte contre Apple dans le domaine des ebooks et audiobooks ne remet pas en cause la pertinence et la nécessité d’un cadre réglementaire adapté à l’ère numérique. Au contraire, il souligne la complexité des enjeux et la vigilance constante que doivent maintenir les autorités de régulation.
À l’avenir, on peut s’attendre à ce que la Commission européenne, forte des nouveaux outils que lui confère le DMA, continue à scruter de près les pratiques des acteurs dominants du numérique. L’objectif : garantir un marché ouvert, concurrentiel et innovant, au bénéfice des consommateurs et de l’ensemble de l’écosystème.