Dans un contexte où de nombreux prêteurs numériques en Afrique opèrent encore de manière contraire à l’éthique malgré l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations, l’Autorité de la concurrence du Kenya (CAK) vient d’infliger une amende de 84 120 $ à Mogo Kenya. Cette filiale kényane du groupe baltique Eleving est accusée d’avoir violé la loi sur la concurrence en trompant ses clients et en modifiant secrètement les conditions de prêt afin de forcer ces derniers à payer des intérêts supplémentaires.
Une amende qui met en lumière les dérives des prêteurs numériques
Bien que le montant de l’amende puisse paraître dérisoire, elle souligne néanmoins comment une multitude de prêteurs numériques dans la région continuent d’opérer de manière contraire à l’éthique. Ils violent les droits à la vie privée, bafouent les réglementations entrées en vigueur en 2022 pour encadrer les prêteurs numériques peu scrupuleux. Cette loi exige que tous les prêteurs en ligne respectent les lois anti-blanchiment, protègent la confidentialité et les données des consommateurs, divulguent tous les termes et frais aux consommateurs et obtiennent des licences d’exploitation.
Avant cette loi, de nombreux prêteurs numériques profitaient des failles de la réglementation pour pratiquer des taux d’intérêt élevés, violer les droits à la vie privée des clients, utiliser des pratiques de prêt prédatrices et employer des techniques archaïques de recouvrement des dettes. Ces dernières ont laissé derrière elles une traînée d’emprunteurs terrifiés et, dans un cas, même un suicide.
Une enquête d’un an suite à des plaintes de clients
L’amende fait suite à une enquête d’un an menée par le régulateur après que des clients de Mogo aient déposé des plaintes. L’autorité a déclaré avoir constaté que Mogo avait forcé ses clients à payer des suppléments pour les prêts après avoir modifié les conditions à leur insu.
Dans un cas, Mogo avait calculé les intérêts à payer en dollars américains alors que le prêt était accordé en shillings kényans, ce qui, selon l’autorité, a entraîné des remboursements supplémentaires. Et dans un autre, le régulateur a déclaré que Mogo avait « unilatéralement modifié le taux d’intérêt de 2,5% (taux fixe) à 3,85% (solde dégressif) », contrevenant ainsi aux termes du contrat. La société a également omis de divulguer au préalable à ses clients tous les termes et son modèle de tarification.
Mogo Kenya dément les accusations
Mogo, qui est également présent en Lituanie, en Estonie, en Roumanie, en Moldavie, en Géorgie, en Arménie, en Lettonie et en Ouzbékistan, a reçu l’ordre de rembourser les montants excédentaires qu’il a facturés aux plaignants et a reçu un avertissement.
Contacté par TechCrunch, Mogo a déclaré ne pas être en faute, affirmant que les clients avaient volontairement souscrit aux prêts libellés en dollars, qu’il a cessé d’émettre en mai. Cependant, l’entreprise n’a pas abordé les autres problèmes soulevés, notamment l’allégation selon laquelle elle modifiait les conditions des prêts sans en informer préalablement les clients.
Un secteur encore peu régulé malgré une nouvelle loi
Le Kenya abrite des centaines de prêteurs numériques, mais n’a jusqu’à présent accordé des licences qu’à 85 d’entre eux (dont Mogo), sur les 730 sociétés ayant déposé une demande depuis mars 2022.
Mogo n’est pas la seule à ignorer les réglementations, comme le montrent les détails fournis par le Bureau du commissaire à la protection des données du Kenya. Certaines personnes ont déposé des plaintes concernant la réception d’appels incessants d’agents commercialisant des prêts de Platinum Credit et Premier Credit, malgré des demandes de retrait de leur base de données. Pendant ce temps, de nombreux rapports font état d’applications comme Asapkash, Mulla, Azura, Ceres et Lendplus qui appelaient sans relâche pour recouvrer des prêts contractés par d’autres personnes.
Cette amende, bien que modeste, montre que les régulateurs sont déterminés à faire respecter les nouvelles règles et à protéger les consommateurs contre les pratiques abusives des prêteurs numériques.
Le Kenya fait figure de pionnier en Afrique dans la réglementation des prêts numériques, mais il reste encore beaucoup à faire pour assainir complètement ce secteur en plein essor. Les autorités doivent rester vigilantes et continuer à sévir contre les acteurs peu scrupuleux afin de garantir un marché du crédit numérique équitable et transparent pour tous les Kényans.
- La fintech reste un secteur à haut risque en termes de protection des consommateurs
- Les régulateurs africains renforcent progressivement leur surveillance des prêteurs numériques
- Les consommateurs doivent rester vigilants face aux offres de crédit agressives et opaques
L’amende infligée à Mogo Kenya constitue un signal fort envoyé à l’ensemble de l’industrie du prêt numérique. Les pratiques trompeuses et les abus ne seront plus tolérés. Il est temps pour ces acteurs de se mettre en conformité avec la réglementation et d’adopter une approche responsable et transparente envers leurs clients. C’est à ce prix que la fintech pourra réellement contribuer à l’inclusion financière en Afrique, sans reproduire les travers de la finance traditionnelle.