Le streaming TV traverse une période charnière. La croissance des abonnés ralentit et les acteurs majeurs cherchent à se consolider, mais la rentabilité tant attendue semble enfin à portée de main, surtout pour Netflix. C’était donc le moment idéal pour le New York Times d’interroger de nombreux grands noms du secteur sur ce qu’ils pensent de l’avenir.
Plus de publicités et des prix plus élevés
Ted Sarandos de Netflix, Mike Hopkins d’Amazon Prime Video et Barry Diller d’IAC s’accordent sur les grandes tendances à venir : davantage de publicités, des tarifs plus élevés et moins de paris sur des programmes de prestige. Ces évolutions découlent toutes d’un recentrage sur la rentabilité plutôt que la croissance à tout prix.
Les prix initiaux de nombreux services de streaming semblaient insoutenablement bas à leur lancement, et il s’avère qu’ils l’étaient. Les tarifs n’ont cessé d’augmenter, tandis que les plateformes ont introduit des formules moins chères avec publicité pour les téléspectateurs prêts à les accepter. Certains dirigeants confient même que les services continueront de relever les prix des offres sans pub dans le but de pousser plus de clients vers les abonnements financés par la publicité.
L’essor de la publicité influencera les contenus produits
Cette montée en puissance du streaming avec pub pourrait aussi impacter les types de films et séries réalisés. Les annonceurs cherchent généralement à toucher un large public, à l’image de l’âge d’or des networks, avec leurs innombrables shows sur des médecins et des policiers, bien loin des créations plus ambitieuses d’HBO sur abonnement.
Ce virage est déjà en cours dans le streaming, même si les dirigeants assurent ne pas renoncer à dénicher le prochain « Sopranos » ou « House of Cards ». Ted Sarandos, qui s’est déjà éloigné de son ambition vieille d’une décennie de faire de Netflix un « HBO avant qu’HBO ne devienne nous », affirme que Netflix peut « faire de la télé de prestige à grande échelle », mais ajoute « nous ne faisons pas que ça ».
Les procédurales et autres formats éprouvés marchent bien pour nous, mais nous avons aussi besoin de grands paris qui font dire « Waouh, je n’arrive pas à croire que ça vient d’arriver » et dont les gens parleront à leurs amis.
– Mike Hopkins, Prime Video
Des prédictions sans surprise : sport, bundle et consolidation
Parmi les autres pronostics peu étonnants, on note un investissement accru dans le sport en direct, « la chose la plus simple et intéressante » selon John Malone de Warner Bros. Discovery, plus de bundling, ainsi que l’arrêt ou la fusion de certains services existants.
- Les dirigeants s’accordent sur le fait que les plateformes doivent atteindre au moins 200 millions d’abonnés pour être « suffisamment grandes pour être compétitives » d’après l’ex-PDG de Disney Bob Chapek.
- Certains de ces changements seraient bienvenus, mais ils renforcent l’idée que le streaming, du moins tel que l’envisagent les dirigeants actuels, ne sera pas si différent de l’ancien écosystème du câble.
- Des choses s’amélioreront (visionnage à la demande), d’autres empireront (rémunération des talents), et il y aura peut-être de nouveaux acteurs en tête. Mais à bien des égards, on aura l’impression de retrouver la bonne vieille télé.
Un avenir du streaming TV en demi-teinte
Si l’on en croit les grands pontes du secteur, le streaming de demain ressemblera beaucoup à la télévision d’hier, avec certes des avancées comme le visionnage à la demande, mais aussi des reculs sur la rémunération des créatifs. De quoi tempérer l’enthousiasme des téléspectateurs qui espéraient une vraie révolution télévisuelle.
Au final, même si les acteurs changent, le streaming semble s’inscrire dans la continuité du modèle bien établi de la télévision traditionnelle. Une perspective pragmatique pour les géants de la VOD, mais qui risque de décevoir ceux qui attendaient un grand chamboulement du PAF. L’avenir nous dira qui du public ou des dirigeants aura eu la vision la plus juste.