L’avocat visé par un logiciel espion poursuit les fondateurs de NSO Group

Une affaire retentissante secoue actuellement le monde de la cybersécurité : Andreu Van den Eynde, avocat et professeur d’université spécialisé dans la sécurité informatique, a déposé une plainte devant un tribunal catalan contre les fondateurs de NSO Group. Cette entreprise israélienne tristement célèbre est à l’origine de Pegasus, un redoutable logiciel espion utilisé par de nombreux gouvernements.

Selon une enquête menée en 2022 par Citizen Lab, un organisme à but non lucratif qui étudie les logiciels espions gouvernementaux depuis plus de dix ans, Andreu Van den Eynde figurerait parmi les victimes d’une vaste campagne de piratage visant au moins 65 personnalités catalanes liées au mouvement indépendantiste de la région. Ces cyberattaques auraient été perpétrées à l’aide de Pegasus, le cheval de Troie de NSO Group.

Un logiciel espion aux ramifications mondiales

L’affaire prend une dimension internationale car NSO Group est pointé du doigt pour avoir fourni son outil de surveillance à des régimes peu scrupuleux en matière de droits de l’Homme. Pegasus a en effet été utilisé pour espionner des journalistes, des militants et des opposants politiques dans de nombreux pays.

La plainte déposée par Andreu Van den Eynde vise nommément les fondateurs de NSO Group, Omri Lavie et Shalev Hulio, ainsi que Yuval Somekh, un cadre dirigeant de deux filiales de l’entreprise. Il s’agit semble-t-il de la première tentative de tenir les responsables d’une société de logiciels espions individuellement responsables de crimes de piratage, et non uniquement l’entreprise elle-même.

Les personnes responsables de NSO Group doivent s’expliquer sur leurs activités concrètes.

Extrait de la plainte déposée par Andreu Van den Eynde

Une surveillance aux conséquences en cascade

Selon les allégations de la plainte, Andreu Van den Eynde aurait été espionné dans le but d’accéder à ses clients et à la stratégie juridique des affaires qu’il traitait, créant ainsi « un effet de chaîne de violations des droits ». En l’espionnant, ce sont tous ses contacts qui auraient été indirectement surveillés.

Plus grave encore, cette surveillance aurait été menée sans qu’aucune procédure pénale ne soit engagée contre l’avocat, et donc sans aucun contrôle judiciaire. Un véritable scandale en matière de respect de la vie privée et du secret professionnel.

L’Espagne au cœur des soupçons

Il faut savoir qu’au moment des faits présumés, Andreu Van den Eynde représentait plusieurs politiciens d’Esquerra Republicana de Catalunya (Gauche Républicaine de Catalogne), impliqués dans le processus d’indépendance de la Catalogne, surnommé « el procés ». L’événement le plus controversé fut le référendum d’autodétermination organisé le 1er octobre 2017, jugé illégal par la Cour constitutionnelle espagnole.

Bien que le gouvernement espagnol ait d’abord nié toute implication, il est apparu que les services de renseignement du pays (CNI) avaient bel et bien acquis le logiciel espion Pegasus en 2020. Selon le témoignage de l’ancienne directrice du CNI devant le Congrès, 18 membres du mouvement indépendantiste catalan auraient été légalement espionnés avec l’aval de la justice.

Une affaire symptomatique des dérives de la surveillance

Au-delà du cas spécifique d’Andreu Van den Eynde et de la Catalogne, cette affaire met en lumière les dangers des technologies de surveillance lorsqu’elles tombent entre de mauvaises mains. Le respect de la vie privée et des droits fondamentaux se trouve menacé par des outils comme Pegasus, qui permettent une surveillance invasive et souvent abusive.

NSO Group se retrouve aujourd’hui dans le collimateur de la justice, avec de multiples procès à son encontre à travers le monde, intentés notamment par des géants de la tech comme Apple et WhatsApp. Cette plainte pourrait marquer un tournant en cherchant à responsabiliser directement les dirigeants, et pas seulement l’entreprise. Affaire à suivre de près dans un contexte où la protection des données personnelles est plus que jamais un enjeu majeur.

  • NSO Group continue de nier toute implication dans des activités illégales
  • D’autres victimes présumées en Catalogne réclament des explications au gouvernement espagnol
  • Des procès contre NSO Group sont en cours aux États-Unis, initiés par Apple et WhatsApp
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