L’industrie automobile est en pleine mutation, avec une transition rapide vers les véhicules électriques. Au cœur de cette révolution se trouve la batterie, élément clé de la performance et de l’autonomie des véhicules électriques. Pour répondre à la demande croissante et sécuriser leur approvisionnement, les constructeurs automobiles et les fabricants de batteries investissent massivement dans la construction d’usines de batteries en Amérique du Nord.
Un tsunami d’investissements dans les batteries
Ce qui a commencé comme un filet d’investissements pendant la pandémie de COVID-19 s’est transformé en un véritable tsunami. Alors qu’en 2019, seules deux usines de batteries étaient en activité aux États-Unis et deux autres en construction, on compte aujourd’hui pas moins de 34 usines planifiées, en construction ou opérationnelles dans le pays.
L’Inflation Reduction Act (IRA) signée par le président Biden en août 2022 a joué un rôle catalyseur dans cette accélération. Bien que n’étant pas l’élément déclencheur initial, cette loi a ouvert les vannes des investissements et déclenché une véritable course à l’armement technologique entre les États-Unis et l’Europe.
La Chine perd son emprise sur la chaîne d’approvisionnement
Pendant longtemps, la Chine a contrôlé l’approvisionnement et la fabrication des batteries lithium-ion. Mais sa mainmise sur cette chaîne d’approvisionnement a commencé à s’effriter lorsque les constructeurs automobiles, échaudés par la crise des semi-conducteurs qui a entravé leur production pendant la pandémie, ont commencé à promettre de fabriquer des véhicules électriques et des batteries plus près de chez eux dès 2021.
S’en est suivie une vague d’annonces de constructeurs automobiles et de fabricants de batteries, étrangers et nationaux, s’engageant à produire des batteries en Amérique du Nord avant 2030.
Les incitations de l’Inflation Reduction Act
L’IRA regorge d’incitations pour les constructeurs automobiles et les consommateurs à produire localement, dans un effort concerté pour mettre fin à la dépendance des États-Unis vis-à-vis de la Chine pour les batteries, tout en atteignant l’objectif de Biden de faire passer à 50% la part des ventes de véhicules électriques ou hybrides d’ici 2030.
Pour bénéficier du crédit d’impôt maximal de 7 500 dollars, les véhicules doivent répondre à certaines directives en matière d’approvisionnement et de production de batteries :
- En 2024, 60% de la valeur des composants de la batterie doivent être produits ou assemblés en Amérique du Nord pour obtenir la moitié du crédit d’impôt (3 750 dollars). Ce pourcentage passera à 100% à partir de 2029.
- Pour obtenir l’autre moitié du crédit, 50% de la valeur des matériaux critiques doivent provenir des États-Unis ou d’un pays ayant un accord de libre-échange en 2024. Ce pourcentage passe à 60%, 70% et 80% pour les véhicules produits en 2025, 2026 et 2027 et au-delà, respectivement.
L’IRA comprend également des crédits pour la fabrication avancée, donnant droit à un paiement du Trésor. La production de cellules de batterie donne droit à un crédit de 35 dollars par kilowattheure de capacité, et la production de modules de batterie à 10 dollars par kilowattheure.
Des investissements colossaux
Les constructeurs automobiles et les fabricants de batteries ont collectivement investi et promis d’investir environ 112 milliards de dollars dans la construction d’usines de cellules et de modules aux États-Unis. Ensemble, ces entreprises promettent de fournir une capacité annuelle de près de 1 200 gigawattheures avant 2030, soit environ assez de batteries pour 18 millions de véhicules électriques.
En dehors du secteur des batteries, l’IRA a contribué à stimuler un total de 245 milliards de dollars d’investissements privés dans la fabrication d’énergie propre et de technologies, selon le Clean Economy Tracker d’Atlas Public Policy.
Qui investit et où ?
Presque tous les grands constructeurs automobiles ont annoncé des plans d’investissement dans des usines de batteries en Amérique du Nord :
- BMW investit 1,7 milliard de dollars, dont 700 millions pour une usine d’assemblage de batteries en Caroline du Sud.
- Ford a créé une coentreprise avec SK On pour construire trois usines de batteries aux États-Unis, sécurisant un prêt de 9,2 milliards de dollars du Département de l’Énergie.
- General Motors vise trois usines de batteries aux États-Unis à travers sa coentreprise avec LG Chem, et a annoncé une nouvelle coentreprise avec Samsung SDI.
- Stellantis construit deux usines de batteries avec Samsung SDI, investissant plus de 5 milliards de dollars.
- Tesla prévoit d’ajouter une usine de cellules 4680 à sa Gigafactory Nevada et a commencé la construction d’une raffinerie de lithium au Texas.
Côté fabricants de batteries, LG Energy Solution multiplie les coentreprises et les investissements, avec des projets totalisant plus de 17 milliards de dollars d’ici 2025. Le suédois Northvolt a annoncé sa première gigafactory en Amérique du Nord, un projet de 7 milliards de dollars.
Vers une nouvelle géographie de la batterie
Cette vague d’investissements sans précédent est en train de redessiner la géographie de l’industrie des batteries pour véhicules électriques. L’Amérique du Nord émerge comme un nouveau pôle majeur, réduisant sa dépendance à la Chine et sécurisant son approvisionnement pour la transition vers l’électrique.
Cependant, des défis demeurent, notamment en matière d’approvisionnement en matériaux critiques comme le lithium, le nickel et le cobalt. Les constructeurs automobiles et les fabricants de batteries devront tisser de nouvelles relations avec les fournisseurs de matériaux et investir dans le recyclage pour créer une chaîne d’approvisionnement durable et résiliente.
La course est lancée, et l’enjeu est de taille : qui émergera comme leader dans cette nouvelle géographie de la batterie pour véhicules électriques ?