Dans le monde impitoyable des startups, les fermetures brutales et les rachats inattendus peuvent rapidement tourner au cauchemar pour les clients pris au piège. C’est exactement ce que vivent actuellement des milliers d’utilisateurs de Bench, la startup canadienne spécialisée dans la comptabilité et la fiscalité pour les petites entreprises.
Une fermeture soudaine qui sème la panique
Tout a basculé le 27 décembre dernier, lorsque Bench a annoncé à ses clients qu’elle mettait la clé sous la porte avec effet immédiat. Du jour au lendemain, des milliers d’entreprises se sont retrouvées sans accès à leurs documents comptables et fiscaux. Comme si cela ne suffisait pas, quelques jours plus tard, on apprenait que Bench avait été rachetée en catastrophe par Employer.com, une société de RH basée à San Francisco, pour un montant non divulgué.
Si ce rachat semblait de prime abord une bonne nouvelle pour les clients, leur soulagement a été de courte durée. Car pour récupérer leurs précieuses données, ils doivent maintenant accepter de les transférer à Employer.com. Un choix cornélien pour beaucoup.
Le casse-tête du transfert des données clients
Depuis l’annonce de la reprise, les clients de Bench font face à un dilemme :
- Soit ils donnent leur accord pour que leurs données soient transférées à Employer.com, une société sans expertise dans la comptabilité, et renoncent de fait à tout remboursement
- Soit ils refusent, et prennent le risque de perdre définitivement l’accès à des années d’historique comptable et fiscal
Un client résume ainsi la situation sur Reddit : « C’est un choix impossible. D’un côté, je n’ai aucune confiance en Employer.com pour gérer mes données sensibles. De l’autre, je ne peux pas me permettre de tout perdre. Je suis pris en otage. »
Employer.com dans la tourmente
Face au tollé, Employer.com tente de rassurer en affirmant que les clients pourront télécharger leurs données après avoir donné leur consentement. Mais beaucoup s’interrogent sur les réelles motivations de cette société inconnue au bataillon il y a encore quelques mois. Son PDG, Jesse Tinsley, a acquis le nom de domaine employer.com en novembre pour 450 000 dollars. La société mère serait en fait Recruiting.com Ventures, elle-même issue du rachat de Recruiter.com en 2023, une société cotée au Nasdaq que Tinsley a retiré de la cote.
Ils ont dissimulé le fait que ce nouvel « accord » équivaut à un consentement, adossé à une politique de confidentialité totalement inadaptée aux services financiers de Bench.
Michelle Gayle, conseillère chez Core Insights Group et cliente de Bench
Pour ajouter à la confusion, Employer.com propose maintenant des réductions sur ses services de recrutement aux clients de Bench. Une offre jugée « indécente et déplacée compte tenu de la situation » par Michelle Gayle.
Quelles leçons en tirer pour les startups et leurs utilisateurs ?
Ce cas illustre de manière saisissante les risques encourus par les utilisateurs qui confient leurs données à des startups, notamment dans des domaines aussi sensibles que la finance. Voici quelques enseignements à garder en tête :
- Toujours s’interroger sur le modèle économique et la pérennité d’un service avant de lui faire confiance
- Privilégier les acteurs établis et réputés, a fortiori pour les données critiques
- Lire attentivement les conditions d’utilisation et la politique de confidentialité
- Faire régulièrement des sauvegardes de ses données en local
Du côté des startups, la transparence et l’anticipation sont de mise. Avoir un plan de contingence en cas de fermeture et informer les utilisateurs sur le sort de leurs données en pareil cas devraient être un impératif. Sans quoi, c’est la confiance durement acquise qui peut voler en éclat du jour au lendemain. Et celle-ci est le bien le plus précieux dans l’économie numérique.
Reste à voir si Bench et Employer.com sauront tirer les leçons de ce fiasco et regagner le cœur de clients échaudés. Une chose est sûre, de nombreux entrepreneurs échaudés chercheront désormais des alternatives plus fiables pour gérer leur comptabilité et leurs finances. Car quand il s’agit de données sensibles, mieux vaut prévenir que guérir.