Le gouvernement britannique vient de confirmer son intention de criminaliser la création de contenus deepfake sexuellement explicites. Cette mesure s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large pour lutter contre les abus en ligne, qui touchent de manière disproportionnée les femmes.
Qu’est-ce qu’un deepfake ?
Un deepfake est un contenu média, souvent une vidéo ou un fichier audio, qui a été manipulé à l’aide d’intelligence artificielle pour faire dire ou faire quelque chose à une personne qu’elle n’a en réalité pas dit ou fait. Cette technologie soulève de nombreuses inquiétudes quant à son potentiel d’abus et de désinformation.
Une extension de l’Online Safety Act
Le Royaume-Uni avait déjà rendu illégal le partage et la menace de partage de deepfakes explicites via l’Online Safety Act entré en vigueur l’an dernier. Mais la création de ces contenus en elle-même n’était pas couverte. Le Ministère de la Justice étend donc la loi pour inclure également les créateurs, quel que soit leur rôle dans une éventuelle diffusion ultérieure.
Il est inacceptable qu’une femme sur trois ait été victime d’abus en ligne. Cette forme dégradante et dégoûtante de chauvinisme ne doit pas être normalisée.
– Alex Davies-Jones, Secrétaire d’État parlementaire
Une focalisation sur le contenu sexuel non consenti
Si la technologie facilite la création de deepfakes par le grand public à diverses fins, y compris pour des arnaques par usurpation d’identité, le gouvernement se concentre ici spécifiquement sur le contenu sexuellement explicite. Un fléau qui cible de façon disproportionnée les femmes.
Londres prévoit aussi d’étendre les lois existantes sur la prise d’images intimes non consenties, aujourd’hui limitées à des situations très spécifiques comme l’upskirting (photos sous les jupes). Quiconque installerait du matériel, comme des caméras cachées, dans le but de capturer des clichés intimes pourrait écoper jusqu’à deux ans de prison.
Un calendrier encore flou
Le gouvernement n’a pas communiqué de date précise pour l’entrée en vigueur de ces différents changements. Il a seulement indiqué qu’ils seraient inclus dans le prochain projet de loi sur la criminalité et la police, qui sera présenté « quand le calendrier parlementaire le permettra ».
Un contraste avec la situation aux États-Unis
À titre de comparaison, les États-Unis n’ont pas de lois spécifiques au niveau fédéral pour contrer les deepfakes, bien que plusieurs États poussent pour une législation – dont la Californie, qu’Elon Musk poursuit en justice via X (ex-Twitter) pour empêcher une telle loi d’aboutir.
Les enjeux des deepfakes au-delà de la pornographie
Si la décision britannique est un pas important dans la lutte contre les abus en ligne, la question des deepfakes soulève des problématiques plus larges :
- Les risques de désinformation et de manipulation de l’opinion
- Les atteintes à la vie privée et à l’intégrité des personnes
- Les enjeux de cybersécurité et d’identité numérique
Autant de défis que les législateurs du monde entier vont devoir relever à mesure que les technologies d’IA générative progressent et se démocratisent. Le Royaume-Uni ouvre ici la voie en envoyant un signal fort. Mais un cadre juridique international plus large sera sans doute nécessaire face à ce phénomène par essence sans frontières.