Imaginez pouvoir contrôler un ordinateur ou même un exosquelette robotique par la simple pensée. C’est la promesse des implants cérébraux, aussi appelés interfaces cerveau-machine (ICM). Ces technologies, qui relient directement le cerveau à des systèmes externes, sont en plein essor. La start-up Neuralink d’Elon Musk a ainsi levé 205 millions de dollars en 2021. Mais derrière le battage médiatique, où en est vraiment la recherche ? Quels sont les espoirs et les dangers de ces neurotechnologies ? François Berger, directeur de l’unité Inserm BrainTech Lab, nous apporte son éclairage d’expert.
Deux types d’implants cérébraux
La recherche sur les ICM a débuté il y a une quinzaine d’années. Actuellement, il existe deux grandes catégories d’implants :
- Les interfaces non invasives, qui enregistrent l’activité électrique du cerveau depuis la surface du crâne.
- Les interfaces invasives, où des électrodes sont introduites à l’intérieur du cerveau, au plus proche des neurones.
Si les implants invasifs sont plus précis, ils présentent aussi plus de risques, notamment d’infection et de lésions cérébrales. D’autres défis techniques subsistent, comme la miniaturisation, la résistance à long terme et la biocompatibilité des dispositifs.
Des applications médicales prometteuses
Contrairement aux fantasmes de « l’humain augmenté », l’usage des ICM est aujourd’hui strictement médical. François Berger insiste :
Toute intervention sur le corps humain est dangereuse. Nous n’avons pas le droit éthiquement de mettre une électrode chez quelqu’un qui n’est pas malade.
– François Berger, médecin et directeur de l’unité Inserm BrainTech Lab
Actuellement, les implants cérébraux permettent des progrès significatifs pour :
- La parole : des patients paralysés peuvent communiquer via un ordinateur.
- La vision : des implants dans le cortex visuel redonnent une perception de l’environnement.
- La motricité : la stimulation de la moelle épinière permet de retrouver un contrôle musculaire.
Cependant, l’espoir que les ICM permettent aux paralysés de remarcher reste lointain. La « révolution » dans ce domaine vient plutôt des travaux de Grégoire Courtine en Suisse sur la reprogrammation du système nerveux.
Neuralink d’Elon Musk : des annonces discutables
La médiatisation des implants cérébraux est largement due aux annonces tapageuses d’Elon Musk et de sa société Neuralink. Début 2023, leur premier patient équipé d’un implant aurait réussi à contrôler un ordinateur et jouer aux échecs par la pensée. François Berger se montre très critique :
C’est un scandale éthique. Ce qui est en train de se mettre en place, c’est un crime contre l’humanité. […] La communauté est peut-être en train de se muskiser.
– François Berger
Il pointe notamment l’exhibition du patient, contraire à l’éthique médicale, et une conception du cerveau erronée. Selon lui, les « prouesses » affichées par Neuralink sont en réalité maîtrisées depuis une quinzaine d’années par la recherche publique.
Aller de l’avant avec prudence
Les implants cérébraux représentent indéniablement un immense espoir pour de nombreux patients. Mais les défis restent importants, tant sur le plan technique qu’éthique. Si les entreprises privées comme Neuralink peuvent apporter des moyens bienvenus, elles ne doivent pas confondre vitesse et précipitation.
La recherche publique, avec sa rigueur et son souci de l’intérêt des malades, doit rester au cœur de ces développements. C’est à ce prix que les neurotechnologies pourront réellement transformer la médecine, sans mettre en danger les patients ou l’idée même d’humanité.