Imaginez un monde où ouvrir un compte bancaire serait aussi simple que d’acheter des légumes au supermarché. C’est la réalité que construisent les nouvelles licornes fintech africaines, la sud-africaine TymeBank et la nigériane Moniepoint, qui viennent de lever des fonds valorisant chacune plus d’un milliard de dollars. Leur secret ? Marier subtilement le meilleur de la banque numérique avec un réseau d’interfaces physiques au plus proche des populations.
Près de 50% des Africains toujours non bancarisés
Malgré les progrès de la banque numérique, près de la moitié des Africains restent exclus du système bancaire formel. Les raisons sont multiples : manque de confiance dans des systèmes entièrement dématérialisés, couverture Internet inégale, prédominance des paiements en cash… Autant de freins que TymeBank et Moniepoint ont su dépasser en déployant des réseaux de points de contact physiques, à mi-chemin entre l’agence bancaire et le bureau de tabac.
En Afrique, on ne peut pas avoir l’un sans l’autre. De nombreuses entreprises technologiques doivent construire leur acquisition et engagement client via des efforts très analogiques ou physiques.
– Lexi Novitske, Norrsken22, investisseur de TymeBank
TymeBank mise sur les partenariats avec la grande distribution
Avec 15 millions d’utilisateurs revendiqués en Afrique du Sud et aux Philippines, TymeBank a noué des partenariats stratégiques avec les supermarchés Pick n Pay et Boxer. Des kiosques et des ambassadeurs sont déployés en magasin pour aider les nouveaux clients à ouvrir un compte et déposer des fonds, apportant une touche humaine rassurante. L’enseigne compte déjà plus de 1000 kiosques et 15 000 points de vente.
Au Nigeria, Moniepoint s’appuie sur un vaste réseau d’agents
De son côté, la nigériane Moniepoint s’est construit un écosystème de 200 000 agents locaux, des petits commerçants équipés de terminaux de paiement servant de «mini-DAB». Un modèle rappelant celui de M-Pesa au Kenya. Un maillage crucial dans un pays où l’on ne compte que 16 distributeurs automatiques pour 100 000 adultes, et où près de 60% de l’économie est informelle.
De la banque de détail aux services aux entreprises
Forts de cette infrastructure hybride, TymeBank et Moniepoint ont diversifié leur offre au-delà des services bancaires classiques, en proposant aussi du crédit, des prêts, des outils de gestion et de comptabilité pour les petites entreprises. Des services cruciaux pour ce tissu de PME et d’indépendants souvent laissés pour compte par les grands établissements.
- TymeBank revendique avoir atteint la rentabilité en Afrique du Sud
- Moniepoint prévoit de s’étendre au Kenya et en Asie après sa levée de 110 millions de dollars
Un modèle qui a fait ses preuves
Si TymeBank et Moniepoint créent l’événement avec leur récente valorisation, elles ne sont pas les premières fintech africaines à miser sur ce modèle hybride numérique-physique. Des licornes comme Interswitch, OPay ou Wave avaient déjà emprunté ce chemin avec succès.
Nous pensons que la plupart des startups africaines qui réussiront maîtriseront une approche hybride. L’interface entre le numérique et le physique est souvent là où l’innovation se produit, car agréger les marchés informels exige d’avoir des points de contact physiques.
– Stephen Deng, DFS Lab, investisseur spécialisé sur l’Afrique
Un modèle transposable au-delà de la fintech
La télémédecine pourrait ainsi s’appuyer sur des réseaux d’agents locaux pour créer un climat de confiance avec les patients, tout en tirant parti du numérique pour optimiser ses opérations. L’e-commerce et les assurances pourraient aussi bénéficier de cette approche, pour mieux s’interfacer avec des pans entiers de l’économie qui restent aujourd’hui très informels.
Alors que la fintech ne cesse d’attirer les investisseurs, locaux comme internationaux, ce modèle hybride pourrait s’avérer être le meilleur pari pour concilier rendements financiers et impact sur l’inclusion financière du plus grand nombre. Tout en préparant le terrain pour la prochaine génération de licornes made in Africa, au-delà de la seule sphère des services financiers.