Les VC doivent-ils être tenus responsables des erreurs des startups ?

Alors que le monde des startups est secoué par des scandales à répétition, une question brûlante émerge : les investisseurs en capital-risque (VC) devraient-ils être tenus responsables lorsque les entreprises qu’ils financent déraillent ? De Theranos à FTX en passant par Synapse ces dernières semaines, les débâcles s’enchaînent et soulèvent des interrogations légitimes sur le rôle et les obligations de ceux qui injectent des millions dans ces jeunes pousses.

Le grand jeu du capital-risque

Investir dans des startups est par nature un pari risqué. Les VC misent sur des entreprises souvent peu matures, avec des modèles d’affaires novateurs mais incertains. L’objectif est de dénicher les futurs géants de la tech, quitte à essuyer de nombreux échecs en chemin. C’est le jeu, et historiquement il a plutôt bien fonctionné, avec des success stories comme Google, Facebook ou Airbnb qui ont rapporté gros à leurs premiers soutiens.

Mais la recherche effrénée de la prochaine licorne a aussi ses dérives. Pour maximiser leurs chances, certains VC n’hésitent pas à pousser les startups à une croissance à tout prix, en fermant les yeux sur des pratiques douteuses voire illégales. La pression du résultat et la glorification des entrepreneurs créent un terreau favorable aux dérives.

Des signaux d’alerte ignorés

Dans de nombreux scandales récents, il apparaît a posteriori que les investisseurs avaient connaissance de signaux d’alerte qu’ils ont choisi d’ignorer. Par exemple chez Theranos, des doutes sur la véracité de la technologie « révolutionnaire » d’analyse sanguine avaient été soulevés, sans empêcher de nouveaux tours de table.

Pourquoi cette complaisance ? D’une part, les VC ont tout intérêt à ce que leurs poulains conservent une image publique positive pour pouvoir continuer à lever des fonds et in fine les rémunérer. Enquêter de trop près serait contre-productif à court terme. D’autre part, l’engouement autour d’une startup fait parfois perdre tout discernement, chacun voulant prendre son ticket pour ne pas rater le train en marche.

Certaines diligences raisonnables sont peut-être mises de côté en période d’exubérance sur le marché.

Bill Gurley, célèbre investisseur de la Silicon Valley.

Privilèges et obligations

Cette défaillance dans le devoir de vigilance paraît d’autant plus critiquable que les VC bénéficient dans le même temps de nombreux privilèges et protections. Contrairement aux petits porteurs, ils ont accès aux coulisses des startups et siègent dans les conseils d’administration, où ils peuvent peser sur les décisions stratégiques. Sans compter leur capacité à négocier des conditions d’investissement favorables grâce à leurs moyens financiers.

Ces prérogatives viennent avec des contreparties et responsabilités. En tant qu’investisseurs avisés, les VC ont l’obligation de vérifier la véracité des informations fournies. Leur passivité face à des mensonges manifestes de dirigeants pourrait relever de la négligence voire de la complicité. D’autant plus quand les agissements d’une startup portent atteinte aux consommateurs ou épargnants.

Équilibrer la balance

Les récents scandales montrent l’urgence de responsabiliser davantage les VC. Sans aller jusqu’à remettre en cause toute prise de risque, sanctionner les comportements les plus négligents permettrait de rééquilibrer l’écosystème startup, où l’impunité règne trop souvent. Des évolutions législatives dans ce sens sont à l’étude notamment aux Etats-Unis et en Europe.

Évidemment, il ne s’agit pas de freiner l’innovation et l’audace qui font la force du secteur technologique. Mais en assumant mieux leurs responsabilités de gardiens vis-à-vis des dérives, les investisseurs en capital-risque enverraient un signal fort. Celui que la recherche de profits ne peut justifier tous les excès, et que certaines lignes rouges ne doivent plus être franchies. In fine, c’est tout l’écosystème qui en ressortira grandi.

En attendant des évolutions légales, le débat agite aujourd’hui le landernau de la tech. Certaines voix s’élèvent pour défendre une forme d’autorégulation, notamment via des chartes éthiques et des procédures de vigilance renforcées côté fonds d’investissement. Car c’est aussi l’image et la crédibilité du capital-risque qui est en jeu. En agissant de façon responsable, la profession peut retrouver la confiance du public et continuer de jouer son rôle moteur de financement de l’innovation.

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