L’intelligence artificielle bouscule les fondements de notre société à une vitesse fulgurante. Cette révolution technologique soulève des défis cruciaux pour l’Europe : comment sauvegarder les droits des citoyens tout en stimulant l’innovation ? Plus que jamais, la gouvernance de l’IA et celle des données apparaissent comme les deux faces d’une même pièce, indissociables pour construire un avenir à la fois éthique et prospère.
L’appel des CNIL : intégrer des régulateurs au cœur de la gouvernance
Les autorités de protection des données l’affirment haut et fort : pour gouverner efficacement l’IA, il est impératif d’inclure des organismes publics de régulation et des tiers de confiance neutres au cœur même du processus. C’est le message martelé par les CNIL européennes suite au G7 à Rome début octobre et sa table ronde consacrée à ces enjeux cruciaux.
En effet, l’IA ne se développe pas dans un vide technologique. Au contraire, elle se nourrit de masses colossales de données, dont une grande partie sont des données personnelles. Des régulations comme le RGPD, l’IA Act ou encore le Data Governance Act posent certes des bases solides, mais elles ne sont pas suffisantes à elles seules.
L’éducation et la sensibilisation, pierres angulaires d’une IA éthique
Pour véritablement protéger les droits des citoyens, il est essentiel d’investir massivement dans l’éducation et la sensibilisation sur l’usage des données. Chaque individu doit pouvoir comprendre comment ses informations sont collectées, stockées et exploitées, mais surtout être en mesure d’évaluer les risques et opportunités de ces technologies.
Si l’IA Act et le RGPD contraignent les organisations à informer les utilisateurs sur l’usage de leurs données et à leur permettre d’exercer des droits d’opposition, aucun moyen concret n’est imposé pour rendre ce contrôle réellement effectif. Le Data Governance Act apporte une première réponse avec la création d’intermédiaires de données, tiers de confiance chargés de garantir la transparence. Mais sans lien avec les obligations des acteurs privés, son impact reste limité.
Une coordination des régulateurs pour une gouvernance cohérente
Pour que les droits des citoyens ne soient plus un parcours du combattant, il est vital de renforcer la coopération entre les différents régulateurs : protection des données, concurrence, télécoms, IA… Leurs efforts doivent impérativement être mutualisés pour construire un cadre harmonieux et cohérent.
La fragmentation réglementaire ne fait qu’affaiblir la protection de nos données et limite considérablement les innovations que les entreprises qui les utilisent pourraient proposer.
Le retard américain, une opportunité pour l’Europe
Contrairement à l’Europe qui s’efforce de renforcer la régulation, les États-Unis peinent à suivre le rythme, plaçant l’innovation avant la protection des droits. Le récent véto du gouverneur de Californie à une loi visant à prévenir les dérives de l’IA, sous la pression des géants de la tech, illustre ce décalage.
Cette différence d’approche offre une opportunité unique à l’Europe de montrer la voie en termes de souveraineté numérique. En mutualisant ses efforts et en renforçant la cohérence de son cadre législatif, elle peut poser les bases d’une IA au service du progrès et du respect des citoyens.
La clé : des régulations effectives et « pratico-pratiques »
Pour porter leurs fruits, ces régulations doivent devenir réellement effectives, avec des moyens concrets de se conformer, comme les intermédiaires de données. Si elles y parviennent, elles contribueront à accélérer l’innovation en facilitant le partage et l’accès aux données pour tous les acteurs. Elles renforceront aussi notre souveraineté en favorisant l’émergence de nouveaux outils et alternatives.
Le secteur de l’éducation fournit un parfait exemple des bénéfices potentiels. La mise en commun des données dans un data space structuré et accessible pourrait ouvrir la voie à des outils d’orientation bien plus performants que les attributions contestées de Parcoursup.
A l’inverse, les frasques d’Elon Musk lors de son événement « We Robot » rappellent les risques que l’on prend en laissant ces technologies aux seules mains de quelques mastodontes. L’Europe a l’occasion de montrer une troisième voie ambitieuse, alliant protection des droits et stimulation de l’innovation. A condition de s’en donner réellement les moyens.