L’IA Générative : Où En Sommes-Nous Réellement ?

L’intelligence artificielle générative fait beaucoup parler d’elle ces derniers temps. Des outils comme ChatGPT impressionnent par leurs prouesses linguistiques et créatives. Mais où en est-on réellement avec cette technologie ? Rodney Brooks, sommité mondiale de la robotique, nous invite à garder les pieds sur terre.

Un pionnier de l’IA temporise l’enthousiasme

Rodney Brooks n’est pas le premier venu. Professeur émérite de robotique au MIT, il a cofondé iRobot (les aspirateurs Roomba), Rethink Robotics et plus récemment Robust.ai. Il a aussi dirigé durant 10 ans le laboratoire d’informatique et d’intelligence artificielle du MIT (CSAIL). Bref, quand il parle d’IA et de robotique, on l’écoute.

Et justement, il pense qu’il faut calmer le jeu autour de l’IA générative. Certes, les grands modèles de langage (LLM) sont importants et impressionnants. Mais selon lui, il faut faire attention à comment on les évalue :

Quand un humain voit un système d’IA réaliser une tâche, il généralise immédiatement à des choses similaires et estime la compétence de l’IA, pas juste sa performance sur cette tâche spécifique. Et en général, les gens sont très optimistes.

– Rodney Brooks

L’IA n’est pas humaine

Le problème, c’est qu’on a tendance à attribuer à l’IA des capacités humaines. Or elle n’est pas humaine, ni même de niveau humain. Brooks déplore qu’on veuille l’utiliser pour des cas inappropriés, comme dans la robotique d’entrepôt :

Quand vous avez 10 000 commandes à expédier en 2h, vous devez optimiser. Le langage n’aidera pas, il ralentira juste les choses. Nous utilisons du traitement de données et des techniques d’optimisation et de planification par IA.

– Rodney Brooks

Viser des problèmes spécifiques et intégrer graduellement

Sa propre entreprise Robust.ai se concentre sur l’automatisation d’entrepôts, un environnement plus contrôlé que le grand public. Les robots ressemblent à des chariots et coopèrent avec les humains. Il faut viser des cas d’usage spécifiques où les robots s’intègrent facilement.

À terme, les LLM pourraient aider pour des robots domestiques réalisant des tâches ciblées, notamment pour assister les personnes âgées. Mais il y aura d’autres défis, comme l’explique Brooks :

Le problème pour faire des choses, c’est la théorie du contrôle et plein d’autres maths hardcore d’optimisation. Ça peut mener à des interfaces vocales utiles pour des robots d’assistance à domicile, pour que les gens puissent leur parler. Mais pas pour guider des robots d’entrepôt.

– Rodney Brooks

Pas de croissance exponentielle garantie

Brooks dénonce aussi la croyance en une croissance toujours exponentielle des technologies, sur le modèle de la loi de Moore. Si ChatGPT-4 est si bon, alors les versions 5, 6, 7 seront incroyables ! Il prend l’exemple de l’iPod : si la capacité de stockage avait continué à doubler, on aurait eu des modèles 160 To en 2017. Ce qui n’avait aucun sens, les gens n’en avaient pas besoin.

En résumé

  • L’IA générative est impressionnante mais il faut évaluer prudemment ses capacités réelles
  • Elle n’est pas humaine et ne peut pas tout faire, contrairement aux attentes exagérées
  • Mieux vaut l’intégrer graduellement pour des cas d’usage spécifiques et délimités
  • Une interface vocale sera utile pour des robots d’assistance, moins pour la logistique
  • La progression des technologies n’est pas toujours exponentielle, les besoins réels priment

Rodney Brooks nous invite donc à un enthousiasme mesuré et pragmatique sur l’IA générative. C’est une technologie passionnante et pleine de potentiel. Mais pour bien l’exploiter, gardons les pieds sur terre et concentrons-nous sur des applications concrètes, utiles et réalisables à court terme.

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