Les géants historiques du logiciel tel que SAP, Oracle et IBM connaissent actuellement un essor fulgurant, avec des valorisations boursières atteignant des records. Comment expliquer ce phénomène surprenant pour ces entreprises fondées il y a des décennies ? La réponse tient en deux mots : cloud et IA.

SAP et Oracle : une transition vers le cloud couronnée de succès

Fondées respectivement en 1972 et 1977, SAP et Oracle ont su opérer un virage stratégique majeur ces dernières années en misant sur le cloud computing. Cette transition leur a permis d’élargir leur marché adressable et d’augmenter leurs marges, se traduisant par une envolée de leur capitalisation boursière.

SAP a vu sa valorisation plus que doubler en deux ans, passant de 92 milliards de dollars en 2022 à 234 milliards en juillet 2024. Son chiffre d’affaires cloud a bondi de 24% au premier trimestre 2024. De son côté, Oracle pèse désormais plus de 385 milliards de dollars en bourse, un record historique. Pour la première fois, ses revenus cloud ont dépassé ceux des licences traditionnelles.

L’IA comme relais de croissance

Mais la transition vers le cloud n’explique pas à elle seule ces performances exceptionnelles. L’autre moteur de cette croissance se nomme intelligence artificielle. SAP et Oracle ont massivement investi dans l’IA ces dernières années, nouant des partenariats stratégiques avec des acteurs clés comme Google, Nvidia ou OpenAI.

Aux troisième et quatrième trimestres, Oracle a signé les plus gros contrats de son histoire, portés par une demande énorme pour l’entraînement de grands modèles de langage IA sur le cloud Oracle.

– Safra Catz, CEO d’Oracle

L’intégration native de capacités d’IA générative dans leurs suites logicielles cloud est un argument de poids pour convaincre les entreprises clientes de migrer vers ces nouvelles offres. Cela permet aussi à ces géants d’adresser de nouveaux cas d’usage et de se positionner comme des acteurs incontournables de l’IA d’entreprise.

IBM et Microsoft surfent aussi sur la vague IA

D’autres poids lourds de la tech connaissent une dynamique similaire. IBM, fondée en 1911, a vu sa valorisation grimper à 180 milliards de dollars en mars, proche de son record absolu. Là encore, le virage vers le cloud et l’IA, symbolisé par la plateforme Watsonx, s’avère payant. En témoigne la multiplication par deux de son carnet de commandes « AI et Watsonx » au 4ème trimestre 2023.

Microsoft, qui célèbrera bientôt ses 50 ans, est devenu la société la plus valorisée au monde avec 3300 milliards de dollars. Sa transformation en une entreprise « cloud-first, AI-first » sous l’impulsion de Satya Nadella porte ses fruits, avec une hausse de 33% de son cours de bourse sur un an.

Les investisseurs parient sur les valeurs technologiques établies

Dans un marché bousculé par l’IA générative, où les startups lèvent des sommes folles, les investisseurs semblent privilégier des valeurs établies ayant fait leurs preuves. Comme l’explique Ray Wang, analyste chez Constellation Research :

Il y a peu de concurrence car nous sommes dans des oligopoles et des duopoles. Les décennies de fusions-acquisitions ont réduit les options à quelques entreprises dans chaque géographie, catégorie, taille de marché et industrie.

– Ray Wang, analyste chez Constellation Research

Entre un marché des introductions en bourse moribond et des startups peinant à atteindre une taille critique, les mastodontes de la tech apparaissent comme des investissements plus sûrs. Leur présence de longue date sur le marché et leur base clients stable les rendent mieux armés pour profiter pleinement de la révolution de l’IA.

Le défi de rester pertinent à l’ère de l’IA

Mais attention, le pari est loin d’être gagné. Comme le prédit le cycle du hype de Gartner, l’engouement actuel pour l’IA pourrait laisser place à un « creux de la désillusion » si les expérimentations ne sont pas à la hauteur des attentes. Les géants du logiciel devront démontrer la valeur ajoutée concrète de l’IA pour leurs clients entreprises.

Malgré tout, leur longévité exceptionnelle montre leur capacité d’adaptation. En pariant sur le cloud et l’IA, des acteurs comme SAP, Oracle, IBM, Microsoft ou Adobe ont pris le virage de la transformation numérique. Un défi de taille pour rester pertinents et continuer à croître face aux vents de disruption qui balayent l’industrie technologique.