Meta Supprime CrowdTangle, Mais Ses Critiques Persistent

La lutte contre la désinformation en ligne est un enjeu majeur à l’approche des élections américaines de 2024. C’est dans ce contexte tendu que Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, a décidé de supprimer CrowdTangle, son outil de suivi de la désinformation. Une décision qui suscite l’inquiétude des chercheurs et des journalistes.

CrowdTangle, un outil précieux pour traquer la désinformation

Lancé en 2016, CrowdTangle permettait de suivre la propagation des contenus sur Facebook et Instagram. Il était particulièrement utilisé par les chercheurs, les journalistes et les responsables politiques pour identifier rapidement la désinformation et les interférences dans les processus électoraux.

Selon Meta, CrowdTangle était devenu un outil « dégradé » qui ne fournissait pas d’informations complètes et précises. La société a donc décidé de le remplacer par sa nouvelle Content Library.

Content Library, une alternative limitée et moins transparente

La Meta Content Library est censée offrir des informations plus détaillées sur ce que les utilisateurs voient et expérimentent réellement sur les plateformes. Mais les chercheurs qui y ont accès pointent de nombreuses limitations :

  • Un accès restreint aux chercheurs et journalistes accrédités
  • Moins de fonctionnalités et de données exploitables qu’avec CrowdTangle
  • Une expérience utilisateur dégradée

Cameron Hickey, du National Conference on Citizenship, estime que Content Library n’offre que « 1% des fonctionnalités de CrowdTangle ». Il dénonce l’impossibilité de suivre l’évolution du nombre d’abonnés d’une page au fil du temps ou de télécharger les publications des comptes de moins de 25 000 abonnés, ce qui exclut de nombreux politiques.

Des lanceurs d’alerte privés d’accès à un outil essentiel

Media Matters, une organisation de journalisme d’investigation, a révélé par le passé que contrairement aux affirmations de certains médias conservateurs, Facebook ne censurait pas les contenus de droite. Au contraire, ces derniers généraient un engagement considérablement plus élevé. Aujourd’hui, Media Matters n’a plus accès à Meta Content Library.

Avant l’attaque du Capitole le 6 janvier, les chercheurs et les journalistes ont utilisé CrowdTangle pour tirer la sonnette d’alarme sur l’organisation en ligne et le potentiel de violence visant à délégitimer l’élection.

Brandi Geurkink, Coalition for Independent Technology Research

Un choix de transparence interrogé à l’approche des élections

De nombreux observateurs s’interrogent sur le timing de cette décision. Pourquoi Meta a-t-il choisi de supprimer CrowdTangle trois mois seulement avant l’élection présidentielle américaine la plus controversée de l’histoire, menacée par la prolifération des deepfakes et de la désinformation véhiculée par les intelligences artificielles?

Contacté par TechCrunch, un porte-parole de Meta a défendu le choix de la transparence. Il a souligné que Content Library inclurait bientôt les contenus de Threads et que les données de CrowdTangle étaient biaisées vers les comptes à très grande audience.

Twitter et OpenAI, autres menaces pour la recherche sur les réseaux sociaux

Meta n’est pas la seule entreprise tech à restreindre l’accès des chercheurs à ses données. Lorsque Elon Musk a racheté Twitter, il a immédiatement limité l’accès à l’API permettant d’analyser les contenus de la plateforme. Le forfait entreprise le moins cher coûte désormais 42 000 dollars par mois.

De son côté, OpenAI vient de bannir des comptes ChatGPT liés à une opération d’influence iranienne qui générait des contenus sur l’élection présidentielle américaine.

Autant de signaux inquiétants à l’heure où les géants de la tech semblent privilégier leurs intérêts commerciaux à la transparence démocratique. Les élections de 2024 seront un test grandeur nature de notre capacité à endiguer la désinformation en ligne. Mais sans outils adéquats, la société civile part avec un sérieux handicap.

À lire également