Imaginez un investisseur solitaire qui, en sept ans seulement, transforme une intuition personnelle en un portefeuille incluant un unicorn et plusieurs exits remarquables. C’est l’histoire de Neil Murray, ce Britannique installé à Copenhague qui vient d’annoncer la clôture de son troisième fonds dédié aux startups des pays nordiques. Dans un monde où les méga-fonds dominent les gros titres, ce choix délibéré de rester petit et agile interpelle. Et si la clé du succès en venture capital résidait justement dans cette approche résolument humaine et alignée ?
Les pays nordiques – Danemark, Suède, Norvège principalement – ne cessent de surprendre le monde tech. Avec une valorisation cumulée dépassant le demi-trillion de dollars et plus de 8 milliards levés rien qu’en 2024, la région s’impose comme l’un des marchés émergents les plus dynamiques d’Europe. Neil Murray, à travers son véhicule The Nordic Web Ventures, entend bien continuer à y jouer un rôle central.
Un troisième fonds à 6 millions de dollars : petit par choix, grand par ambition
Le 16 décembre 2025, Neil Murray a révélé la clôture de son Fund III à hauteur de 6 millions de dollars. Un montant qui peut sembler modeste face aux milliards levés par certains géants du VC. Pourtant, l’intéressé l’assume pleinement : il a reçu plus de 20 millions de demandes d’investissement mais a préféré limiter la taille du fonds.
Pourquoi ce choix ? Pour privilégier l’alignement des intérêts plutôt que les frais de gestion. En restant compact, Murray conserve une flexibilité maximale et peut décider rapidement, loin des lourdeurs des comités d’investissement traditionnels.
« Limiter la taille du fonds n’était pas une contrainte. C’était la stratégie. »
– Neil Murray, fondateur de The Nordic Web Ventures
Cette philosophie place la performance au centre, plutôt que la croissance de l’AUM (assets under management). Une approche qui séduit de plus en plus dans un secteur souvent critiqué pour ses frais élevés.
Une thèse d’investissement claire : IA, robotique et deep tech
Le nouveau fonds se concentrera sur les premiers chèques institutionnels – environ 200 000 dollars par investissement – dans des startups axées sur trois grands domaines :
- la robotique boostée à l’IA,
- les entreprises natives IA,
- les projets deep tech ambitieux.
Neil Murray prévoit d’accompagner entre 30 et 35 compagnies avec ce véhicule. Il préfère clairement investir dans des fondateurs de premier rang plutôt que de chercher à maximiser sa part dans des projets moins convaincants.
Cette orientation n’est pas un hasard. Les pays nordiques excellent historiquement dans le consumer tech, mais aussi dans l’ingénierie, les sciences informatiques et la fabrication industrielle. Ajoutez à cela une culture de construction méthodique et calme, et vous obtenez un terrain idéal pour développer des solutions robotiques intelligentes dans l’industrie, la santé, la logistique ou même le grand public.
Un track record qui parle de lui-même
Les deux premiers fonds de Neil Murray étaient, selon ses propres termes, des « véhicules de test » pour démontrer sa capacité à identifier les talents. Pari réussi : en sept ans, il a signé le premier chèque institutionnel dans plus de 50 sociétés.
Son portefeuille compte notamment :
- Lovable, devenu unicorn,
- SafetyWing, l’assurance innovante pour nomades digitaux et travailleurs remote,
- Uizard, racheté avec une belle sortie pour les investisseurs.
Mieux encore : il a déjà retourné plus de la moitié du capital levé sur ses deux premiers fonds. Un signal fort envoyé à ses limited partners, parmi lesquels on retrouve des institutions comme Allocator One, des fondateurs à succès (Kahoot, Pleo) et même d’anciens opérateurs de Meta et Google.
Le plus touchant ? De nombreux fondateurs qu’il a accompagnés dans ses premiers véhicules ont réinvesti dans son Fund III. Un cercle vertueux rare dans le venture.
D’où vient cette passion pour les Nordiques ?
Neil Murray n’est pas nordique d’origine. Ce Britannique a tout plaqué en 2013 pour s’installer à Copenhague sans connaître personne sur place. À l’époque, il travaillait dans les produits digitaux à Londres et sentait que quelque chose de grand se préparait dans le Nord de l’Europe.
Il crée alors le site The Nordic Web, une plateforme qui décrypte les investissements, les exits et les tendances de l’écosystème. Très vite, les VC lui demandent des introductions auprès de fondateurs en recherche de capitaux. L’étape suivante était évidente : passer de l’observation à l’action.
En 2017, il lance son premier fonds à 500 000 dollars. Le site d’analyse est mis en pause pour se concentrer pleinement sur l’investissement. Le reste appartient désormais à l’histoire.
Pourquoi l’écosystème nordique explose-t-il maintenant ?
Ce n’est pas un simple « moment » passager, mais un effet de compounding, comme le dit si bien Murray. Plusieurs facteurs convergent :
- Une profondeur de talents techniques exceptionnelle,
- Un niveau d’ambition croissant chez les entrepreneurs,
- Une maturité de l’écosystème qui attire capitaux et talents internationaux,
- Des succès emblématiques (Spotify, Klarna, Mojang…) qui inspirent les nouvelles générations.
Le résultat ? Une région qui produit désormais des leaders mondiaux dans le gaming, la fintech, la santé digitale et, demain, l’IA appliquée et la robotique.
Les investisseurs étrangers commencent à s’y intéresser sérieusement, mais les acteurs locaux comme Neil Murray conservent un avantage décisif : ils connaissent les subtilités culturelles et les réseaux profonds.
Les leçons à retenir pour les entrepreneurs et investisseurs francophones
L’histoire de Neil Murray offre plusieurs enseignements précieux, que vous soyez fondateur ou investisseur :
- La spécialisation géographique peut être un immense avantage concurrentiel,
- Rester petit permet agilité et alignement des intérêts,
- La confiance se gagne par les retours concrets aux investisseurs,
- Écrire le premier chèque institutionnel crée des relations durables,
- La patience et la méthode paient dans le venture capital.
Pour les fondateurs français ou européens qui regardent vers le nord, c’est aussi un rappel : les écosystèmes périphériques regorgent d’opportunités quand on sait les décrypter tôt.
Et après ? Les prochaines années s’annoncent passionnantes
Avec ce troisième fonds, Neil Murray se positionne idéalement pour capter la prochaine vague de champions nordiques. Les secteurs de l’IA appliquée et de la robotique, en particulier, devraient produire des entreprises capables de rivaliser à l’échelle mondiale.
« Les Nordiques ne vivent pas un ‘moment’. Ils vivent un effet de compounding. Cette vague n’est pas un pic ; c’est la fondation de la prochaine décennie de compagnies nordiques qui vont percer mondialement. »
– Neil Murray
Cette vision optimiste mais ancrée dans les réalités du terrain résonne particulièrement dans un monde tech parfois trop focalisé sur la Silicon Valley ou Londres.
En conclusion, l’histoire de Neil Murray rappelle que le venture capital peut rester humain, spécialisé et terriblement efficace quand on choisit la qualité plutôt que la quantité. Un modèle inspirant pour tous ceux qui croient que les plus belles réussites naissent souvent loin des projecteurs, dans des écosystèmes matures mais encore sous-estimés.
À suivre de près, donc, les prochaines pépites qui sortiront du portefeuille de The Nordic Web Ventures. Elles pourraient bien transformer demain nos industries les plus stratégiques.






