Nick Frosst de Cohere : L’IA Atteint Ses Limites

L’intelligence artificielle fait rêver plus d’un investisseur, attirant des valorisations stratosphériques pour de jeunes pousses à peine sorties de terre. Ce raz-de-marée d’intérêt et de capitaux amène certains observateurs à parler de « bulle IA ». Mais Nick Frosst, cofondateur de la startup Cohere spécialisée dans les modèles de langage sur-mesure pour les entreprises, se veut plus mesuré. Il ne croit pas que l’industrie de l’IA soit une bulle prête à éclater.

Certes, il reconnaît l’engouement et l’effervescence actuels. Mais qualifier cet écosystème de bulle revient selon lui à discréditer les sociétés comme la sienne, qui créent une réelle valeur ajoutée pour leurs clients :

Je me retrouve fréquemment face à des cas d’usage de nos modèles par les clients, où ils ont pu activer une fonctionnalité totalement inédite, ou automatiser un processus chronophage qui les ralentissait. C’est une valeur concrète et tangible. Difficile de parler de bulle quand la technologie est à ce point utile.

Nick Frosst, cofondateur de Cohere

L’IA générale, un horizon lointain

Cela ne veut pas dire pour autant que Nick Frosst cautionne tous les discours ambiants sur l’IA. Il se montre notamment sceptique quant à la perspective d’une intelligence artificielle générale, c’est-à-dire une IA aux capacités cognitives équivalentes à celles de l’humain. Un avis qui tranche avec l’enthousiasme débordant de certains de ses pairs comme Mark Zuckerberg ou Jensen Huang.

Je ne pense pas qu’on aura des dieux numériques de sitôt. De plus en plus de gens en prennent conscience, en disant : cette technologie est incroyable, extrêmement puissante et utile. Mais ce n’est pas une divinité digitale pour autant. Cela nécessite d’ajuster notre façon de penser la technologie.

Nick Frosst, cofondateur de Cohere

Chez Cohere, on s’attache donc à rester réaliste sur ce que l’IA peut accomplir ou non, et sur les types de réseaux de neurones les plus à même de créer de la valeur. L’approche de l’entreprise repose sur les recherches menées par son cofondateur et CEO Aidan Gomez lorsqu’il était chez Google Brain.

L’avantage des grands modèles « foundationnels »

Aidan Gomez est notamment connu pour avoir co-écrit en 2017 un article intitulé « One Model to Learn Them All » (« Un modèle pour tous les maîtriser »). Cette recherche concluait que les grands modèles de langage « génériques » sont plus utiles que des petits modèles spécialisés entraînés pour une tâche précise ou sur les données d’une industrie particulière.

Nick Frosst compare cette approche à la façon dont les humains apprennent :

On se spécialise en tant qu’individu, on se dirige vers des domaines particuliers. Mais la première partie de notre éducation concerne la maîtrise du langage en général. On passe beaucoup de temps à apprendre à lire et écrire. Ce n’est que bien plus tard qu’on se focalise sur des sous-domaines spécifiques du langage. Il se passe quelque chose de similaire avec les réseaux de neurones.

Nick Frosst, cofondateur de Cohere

Cohere utilise donc de grands modèles « foundationnels » qu’elle adapte ensuite aux besoins spécifiques de ses clients entreprises. Mais Nick Frosst met en garde : cela ne veut pas dire pour autant qu’un unique modèle peut tout faire, du service client à la R&D en passant par le marketing.

Rester réaliste et focalisé

La clé du succès avec l’IA selon lui : rester focalisé et conscient de ce que la technologie peut ou ne peut pas faire. Chez Cohere, on se targue d’être « sobres » sur l’utilité de ces systèmes :

Nous sommes assez sobres sur la façon dont cette technologie peut être utile et sur la valeur qu’elle peut apporter. Et pour être clair, il s’agit d’une valeur absolument folle. Mais je ne pense pas que cela va provoquer la mort de tous les humains. Nous sommes donc en mesure d’avoir cette approche réaliste qui nous épargne peut-être une partie de la rhétorique extrême des deux côtés.

Nick Frosst, cofondateur de Cohere

En résumé, le message est clair : l’IA recèle un potentiel immense de transformation et de création de valeur. Mais il convient de garder la tête froide et les pieds sur terre, en se focalisant sur des applications concrètes et en restant conscient des limites actuelles de ces technologies fascinantes. C’est à ce prix que l’industrie pourra prospérer durablement, en dehors de toute bulle spéculative.

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